Dies irae
La Depp (la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) s’est penchée sur ces élèves qui choisissent l’option latin au collège et au lycée. L’étude, portant sur un panel de 35 000 gamins entrés en sixième en 2007, met notamment en évidence les liens entre origine sociale et apprentissage des langues anciennes.
Un enfant d’enseignant sur deux fait du latin
La Depp s’est intéressée au profil des 23% d’élèves choisissant l’option latin en cinquième. Si l’on s’en tient aux résultats scolaires, ce sont clairement les enfants ayant les meilleures notes qui font du latin. «Parmi les 10% des meilleurs élèves à la fin de la sixième, plus de la moitié étudient le latin en cinquième. A l’inverse, seuls 4% des élèves les plus faibles (ceux appartenant au premier décile) choisissent cette option», indique la Depp.Deuxième focale utilisée par les chercheurs : l’origine sociale des enfants. Là encore, les statistiques sont parlantes : «L’étude du latin concerne 44% des enfants d’enseignants, 39% des enfants de cadres, mais seulement 20% des enfants d’employés et 15% des enfants d’ouvriers.» Pourquoi ? Il y a l’effet «niveau scolaire» (les enfants de milieux favorisés ayant statistiquement plus de chances d’avoir de bonnes notes). Mais pas seulement : «Même à résultats scolaires identiques, l’étude du latin est plus fréquente pour les catégories les plus aisées», précise l’étude.
Les latinistes réussissent mieux leur bac
Choisir le latin augmente également la probabilité de finir en filière scientifique. Environ 36% des élèves étudiant le latin en cinquième sont, cinq ans plus tard, en classe de terminale S. «Pour les non-latinistes, cette part n’est que de 13%, note l’étude. Là aussi, des disparités entre milieux sociaux existent : l’écart entre latinistes et non-latinistes est moins prononcé pour les enfants de milieux très favorisés que pour ceux des milieux défavorisés.»Si on s’arrête sur les résultats, en 2014, des candidats au baccalauréat général des élèves n’ayant pas redoublé, il ressort que 63% des élèves ayant fait du latin jusqu’en terminale obtiennent une mention «Bien» ou «Très bien». «En plus d’être un marqueur de réussite, le latin en est-il aussi un vecteur ? L’étude du latin a-t-elle un effet sur la progression scolaire des élèves ?» questionne la Depp. Jouant la prudence dans sa réponse : «Toutes ces questions font l’objet de débats dans le système éducatif français depuis plus de quarante ans. Ces questions sont complexes et la présente note ne prétend pas y répondre. L’étude montre cependant de façon certaine que toute interprétation hâtive sur les effets du latin dans la réussite des élèves est erronée si elle ne prend pas en compte les profondes différences sociales et scolaires entre les élèves qui choisissent d’étudier le latin et ceux qui font le choix inverse.»
(1) La colère contre la réforme du collège a
démarré au printemps dernier sur l’enseignement du latin, jusqu’ici
proposé de manière optionnelle dans la plupart (mais pas tous) les collèges. A
la place, la réforme prévoit d’intégrer dès la rentrée 2016 un module
«langues et culture de l’antiquité», dans le cadre des enseignements
pratiques interdisciplinaires (EPI) mis en place pour tous les élèves.
Latinistes et hellénistes ont alors tempêté, considérant que c’était la
mort annoncée de leurs disciplines. Ils ont obtenu le retour d'«un
enseignement de complément» que pourra instaurer le chef d’établissement
dans son collège. Mais les amoureux des langues anciennes tempêtent
toujours, considérant que cela ne suffit pas.
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