mercredi 31 décembre 2014

L’atelier web s’affirme comme une fabrique de nouvelles formes de littérature.


Sur le Web, les écrivains ne se cachent plus pour écrire


Natacha Margotteau, journaliste RUE89 31/12/2014

Après quelques passages inspirants dans le monde, un écrivain s’isole dans le silence d’une pièce pour rédiger son œuvre : c’est l’image commune. Rien ne se sait ni ne se dit sur comment il écrit. Tout cela semble faire partie du secret des cieux. Que l’ordinateur soit depuis passé par là ne change rien à l’affaire : le bureau de l’auteur reste un sanctuaire.

Sauf que le Web fait tomber les murs. Nombre d’écrivains ont ouvert leur blog ou site de création littéraire sur la Toile : Ambo(i)lati Chantier, Matériau composite, Chutes fragments et conséquences, Tentatives, FaceEcran, Aux bords des mondes, Liminaire, Fenêtres openspace, Petit Racine... Autant de noms qui révèlent le sens de leur démarche.

L’atelier grand ouvert de François Bon


Les écrivains y travaillent à bureau ouvert, sans porte ni fenêtre. Ils nous offrent un accès libre à leur atelier d’écriture.



Capture d’écran du site Tiers Livre (François Bon)

François Bon, écrivain pionnier de l’aventure littéraire numérique, tient son atelier grand ouvert sur le site Tiers Livre depuis 1997. Entrer dans son site, c’est se déplacer dans tous les recoins de la pièce. L’ensemble des tiroirs dans lesquels l’auteur range de près ou loin tout ce qui touche à l’exercice de son travail d’écriture :

  • les textes de ses projets en cours,
  • les notes sur ses écrits web et imprimés,
  • son journal,
  • ses notes de réflexion,
  • ses notes de lectures.
  • Mais aussi sa bibliothèque littéraire et musicale.

Depuis, d’autres auteurs ont développé leur propre atelier.

Julien Boutonnier, auteur de « Ma mère est lamentable » (paru chez Publie.net poésie en mai 2014), a ouvert son blog Peut(-)être il y a bientôt deux ans. Dans son atelier numérique, il nous donne à voir deux choses essentielles du travail de l’écrivain : ce qui fait les tâtonnements de l’écriture et comment le temps travaille à l’œuvre. Il publie ses textes successivement dans toutes leurs versions provisoires.

Par exemple, pour le texte Balise P (E,6), on trouve trois versions différentes qui montrent chacune comment l’auteur travaille ses épreuves : les mots ajoutés, retirés ou modifiés, une ponctuation déplacée ou effacée. Nous voyons les textes en train de se faire et de se défaire en temps réel.

Julien Boutonnier prend le pari d’exposer son travail dans toutes ses temporalités : un an sépare la première version de la seconde (écrite le 18 novembre 2014), elle-même reprise seulement cinq jours plus tard. L’écrivain déclare « s’autoriser à ce que le texte existe dans chacune de ses versions pour le laisser vivre en tant que texte et y revenir tranquillement, avec la bonne distance ». Mais aussi au bon moment car « l’écriture dans son rythme et sa diversité est difficile à soutenir dans une vie qui a ses propres irrégularités. J’obéis à des nécessités d’écriture qui ne sont pas rationnelles et que j’entends laisser dans leur irrationalité. »

Dans la colonne gauche de son blog, il montre la liste de ses travaux en cours : des projets suivis selon des rythmes différents, mis en attente ou repris.

« Sur mon blog, je laisse cela à découvert. Il peut y avoir des textes qui ne font que commencer ou qui ne se termineront pas. Un texte se termine selon sa nécessité. »

Laboratoire d’essai


Julien Boutonnier expose ainsi toute l’incertitude qui constitue le travail de l’écrivain, les hésitations, les errances et les repentirs inhérents et nécessaires à l’écriture. L’auteur précise :

« Je travaille des ensembles cohérents qui ne sont pas des séries autour d’un thème mais des brouillons de premiers jets liés entre eux. Dans l’idée qu’ils puissent ensuite trouver une forme close et terminée, que cela donne un livre qui soit papier, numérique ou web. »

Son atelier numérique est un véritable laboratoire d’essai.

Pour autant, les sites ne sont pas la version numérique exclusive de la fameuse « chambre d’écriture ». Avec le Web, l’atelier de l’écrivain est éclaté, disséminé sur différents espaces d’écriture. Il se retrouve ainsi de façon inattendue sur les réseaux sociaux. Certes, l’usage courant de Facebook et de Twitter prolonge souvent le travail promotionnel des écrivains. Mais certains d’entre eux ont su s’emparer de l’outil pour un travail créatif, parfois dans des cas que le lecteur ne soupçonnerait pas.

« Ricordi » de Christophe Grossi, publié à L’Atelier contemporain en octobre 2014, est né d’un travail d’écriture de dix ans qui a trouvé sa voie en 2011 grâce à Twitter.

« J’avais alors l’idée qu’écrire était écrire un roman. J’ai donc d’abord écrit un roman de 150 pages, “La fin des vertiges”, mais je ne me retrouvais pas dans cette forme. J’ai alors commencé à le désosser pendant trois ans pour ne garder que le squelette. Et en 2008, il ne me reste qu’une centaine de phrases qui me paraissent pertinentes. C’est en arrivant sur Internet, en ouvrant mon blog que j’ai compris que j’étais plus près de la prose poétique et des formes courtes. Twitter est un outil qui offre une contrainte d’écriture pour revoir chaque phrase au plus juste : 140 caractères, la forme idéale pour travailler à l’os le rythme, les sonorités et une structure plus ramassée. »

Fragments sur Twitter


Du 1er juillet 2011 au 5 juin 2012, Christophe Grossi publie sur le compte anonyme (@_ricordi) 480 fragments qui donnent à voir chaque jour la chair du texte. Ce compte est une sorte de manuscrit d’étape. Toujours ouvert, il permet au lecteur de comprendre le mouvement d’écriture qui a précédé leur publication. Car le fil de ces tweets n’est pas le livre. En comparant l’œuvre finale au compte, le lecteur prend la mesure du travail éditorial : remaniement et organisation des fragments, qualité du papier, mise en page poétique non numérotée et dessins de Daniel Schlier.

Mais la dispersion ne s’arrête pas là : l’atelier de Christophe Grossi est labyrinthique. Il remet en cause notre représentation du bureau d’écrivain comme espace clos et tenu, lieu fixe et unique. Les coulisses de « Ricordi » sont visibles sur Facebook : sous forme de feuilleton, la page dédiée présente les sons, images et vidéos qui ont nourri l’œuvre tout au long de son écriture.



Capture d’écran de la page Facebook « L’atelier des Ricordi » (Christophe Grossi)

L’auteur tient par ailleurs un site, Déboîtements, qu’il considère comme le « poumon » de son travail d’écrivain. Il y met en ligne « des carnets d’images et de sons, parallèles à l’écriture, grâce à tous ces outils numériques pratiques qui permettent d’être au plus près, sans être au présent, de ce que je ressens au moment où je suis dans le geste de création ».

Mais penser que le Web permet de tout voir du travail de l’écrivain, c’est tomber dans le fantasme de la transparence. Ces sites sont avant tout des espaces construits. En fonction de ses exigences et de ses attentes, l’auteur opère des choix : écrire directement en ligne, travailler le texte en amont, montrer ou pas les épreuves d’un livre en train de se faire...

L’atelier web de l’écrivain n’est donc pas la transposition directe et exacte de « la chambre d’écriture » et des carnets papier ou numériques de l’auteur. Chaque site suit donc sa propre logique interne. Parce que l’écrivain nous y attend, il effectue un tri. Pas question de découvrir des papiers traînant sur le bureau ou un manuscrit caché.

Lorsqu’on entre dans les différents espaces d’un atelier numérique, on y voit, selon les cas, des textes en cours, d’autres qui se reposent, ce qu’il y a dans la poubelle, plus ou moins vidée, mais aussi des boîtes fermées. Et ce que l’écrivain décide de rendre visible façonne, plus ou moins consciemment, son image d’auteur, celle qu’il entend laisser voir de lui-même. Les espaces numériques servent d’abord aux auteurs eux-mêmes qui déclarent trouver là un moyen d’écrire.

Le lecteur prend une part active


Cette pratique 2.0 de l’écriture donne un cadre pour rassembler ses travaux et un rythme qui permet de terminer une œuvre. C’est aussi une manière de lier son travail à d’autres pour intégrer un espace social d’écriture. L’atelier numérique, dans toutes ses dimensions web, est donc un objet à part entière qui donne finalement autant à faire qu’à voir.

Car le Net s’est transformé en atelier de littérature open space qui inclut chacun d’entre nous. Le lecteur a une part active dans la fabrication des œuvres : l’auteur met en ligne pour être lu et reçoit des commentaires et des échanges qui créent une vraie dynamique dans son travail. Mais là encore le numérique va plus loin et bouscule les frontières : l’écart entre l’écrivain et le lecteur se réduit jusqu’à s’effacer. Sur le Web, nous pouvons même voir naître et grandir des écrivains.

Juliette Mézenc, auteure de livres imprimé et numériques, est devenue écrivain en « allant sur le Net, pour ne plus écrire dans son coin ». En décembre 2006, elle ouvre son premier atelier numérique, un blog à son nom.

« Il s’agit d’une rencontre entre mon écriture et le Net. Le travail sur le blog se prêtait à une forme qui me correspond tout à fait : la série, tout comme les feuilletons publiés dans les journaux du 19ème siècle. J’y mettais en ligne des billets de type journal, des notes d’écriture et de réflexion. Puis j’ai commencé à publier au fur et à mesure tous les textes d’un projet de livre nommé Sujets Sensibles. »

Son blog nous fait alors entrer dans son quotidien d’auteure puisqu’elle y ajoute tous ses commentaires et ses questionnements sur ses écrits en cours. On suit pas à pas ce travail d’écriture, remarqué par François Bon qui décide de le publier.



Capture d’écran du manuscrit en ligne de « Sujets sensibles » (Juliette Mézenc)

Nous accédons alors aux coulisses du travail éditorial. Le manuscrit, traditionnellement chasse gardée de l’éditeur, apparaît sur nos écrans en temps réel grâce à la mise en ligne des extraits du manuscrit en cours de correction. En décembre 2010, quatre ans après l’ouverture de son blog, l’écrivain prévient dans un billet : « Ça déménage (nouveau site), les cartons sont (presque tous) arrivés à destination. » Ce sera cette fois un site, Mot maquis.

La version originale n’est plus visible actuellement car, suivant son rythme quadriennal, l’atelier numérique de Juliette Mézenc a fait peau neuve en automne dernier. La dynamique de son atelier et donc de son écriture est là : la porosité, une écriture entre les genres.

« Sur mon site, ce sont essentiellement des textes mais des textes qui sont de plus en plus irrigués par des images, des vidéos et des matériaux qui viennent du Net. »

Dans l’atelier de Juliette Mézenc, les textes sont « des organismes vivants dont les formes communiquent entre elles ». Les textes d’« Elles en chambre », parus sous forme de feuilleton sur le site des éditions D-Fiction, ont donné naissance à un livre papier publié aux Editions de l’Attente en novembre 2014.

Cet atelier, dans ses migrations et transformations numériques, nous donne à voir comment l’auteure évolue dans son travail d’écriture. Ainsi, le projet du « Journal du brise-lames », qui consiste à « faire de cette île de béton reliée à la ville de Sète un personnage », est né sur le blog et se déploie aujourd’hui sur la deuxième version de Mot Maquis en projet transmedia.

Il fait l’objet de publications, de performances et d’exposition mais connaît aussi une existence sous forme de jeu vidéo littéraire dont la première création s’intitule « Nous sommes tous des presqu’îles ».



lire la suite ...

Histoire et politiques scolaires


La question de l'orthographe à l'université, une nouveauté?

30 décembre 2014 |  MEDIAPART

Et même une urgence, si l'on en juge par le titre d'un article qui vient de paraître en pleines vacances de Noël dans le « Figaro» : « L'orthographe préoccupe les universités »

Et pourtant, il n'y a pas si longtemps, le premier lundi d'octobre 2010, Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a déjà appelé de façon martiale à la mobilisation :

« Nous avons lancé la bataille de l'orthographe » déclarait-elle alors alors en réagissant à un article paru ce même lundi d'octobre 2010 dans le quotidien « Le Parisien » ( « Les facs s’attaquent aux fautes d’orthographe. C’est un constat unanime : trop d’étudiants sont fâchés avec l’orthographe et, plus globalement, avec le français. Une vingtaine d’universités proposent désormais des cours de rattrapage » ). Et Valérie Pécresse renchérissait en déclarant que « les universitaires font le constat que le niveau d’orthographe et d’expression écrite a singulièrement baissé depuis une dizaine d’années, alors que c’est une clé pour des études et une insertion professionnelle réussies ».

Etait-ce une première ? Pas si sûr. Sans remonter très loin , on peut déjà constater que « la bataille de l’orthographe à l’université » avait déjà été annoncée un an avant, au même moment de la rentrée universitaire, par le même journal « Le Parisien » : « Les étudiants vont devoir renouer avec la dictée. Des milliers d’élèves de différents campus bénéficient cette année de cours d’orthographe. Une nécessité car les recruteurs apprécient peu les fautes des diplômés » ( 28 septembre 2009 ).

Sans doute dans un autre contexte ( vraisemblablement moins en proie au délitement, et surtout moins ‘’massif’’ : à peine 1% d’une classe d’âge faisait alors des études supérieures ), le ‘’ niveau ‘’en orthographe ( et plus généralement en français ) des étudiants a été depuis très longtemps et régulièrement stigmatisé.


« Nous voudrions simplement rappeler aux candidats que la faculté désirerait ne plus avoir à corriger des fautes d’orthographe aussi nombreuses que stupéfiantes » ( Gaffarel, doyen de la faculté des lettres de Clermont, 1881 ).


« J’estime que les trois quarts des bacheliers ne savent pas l’orthographe » ( Victor Bérard, maître de conférences à la Sorbonne, 1899 ).


« Les élèves des lycées n’ont ni orthographe, ni vocabulaire exact et varié, ni connaissances grammaticales » ( Paul Lemonnier, « La crise de la culture littéraire », 1929 ).


« La décadence est réelle, elle n’est pas une chimère : il est banal de trouver vingt fautes d’orthographe dans une même dissertation littéraire de classes terminales. Le désarroi de l’école ne date réellement que de la IV° République » ( Noël Deska, « Un gachis qui défie les réformes : l’enseignement secondaire », 1956 ).

Et si l’on veut vraiment ‘’une première’’, on peut s’arrêter à celle-ci, dans le ‘’saint du saint’’, à la Faculté des Lettres de la Sorbonne :
« L’orthographe des étudiants en lettres est devenue si défectueuse que la Sorbonne s’est vue réduite à demander la création d’une nouvelle maîtrise de conférences, dont le titulaire aurait pour principale préoccupation de corriger les devoirs de français des étudiants de la faculté des lettres » ( Albert Duruy, « L’instruction publique et la démocratie », 1886).


lire la suite ...

mardi 30 décembre 2014

L’orthographe préoccupe les universités

L’orthographe préoccupe les universités

Le Figaro Etudiant   le 26/12/2014


                                     
Ouverts à tous, les cours de rattrapage sont gratuits et disponibles selon plusieurs formules proposées aux étudiants en fonction de leurs besoins. -
Plusieurs établissements se mobilisent pour améliorer le mauvais niveau de français de leurs étudiants. C’est le nouveau cheval de bataille des universités françaises. Depuis plusieurs années déjà, le constat s’impose: le niveau de langue des étudiants se dégrade. Le baccalauréat, obtenu par plus de 80 % d’une génération, n’est plus le garant d’un bon niveau de français, écrit comme oral, et les bacheliers accèdent aujourd’hui massivement à l’université malgré leurs lacunes. Des difficultés d’expression que les chargés de TD et maîtres de conférences observent maintenant à tous les niveaux et dans toutes les filières. Si les établissements d’enseignement supérieur - tous confondus - se sont longtemps reposés sur des organismes privés pour faire face à ce problème grandissant, plusieurs universités s’organisent aujourd’hui pour reprendre la main sur la plume de leurs étudiants.
En 2013, un test de niveau passé par plus de 700 étudiants en droit et en langues de l’université de Bourgogne révélait des difficultés importantes. «70 % des étudiants avaient un niveau inférieur au niveau requis» et présentaient des lacunes concernant des règles de base, que ce soit en «vocabulaire, en grammaire, en syntaxe ou en orthographe», analyse Stéphanie Grayot-Dirx, professeur de droit et vice-présidente en charge de la réussite en licence de l’établissement. Un résultat alarmant qui peut, selon elle, être étendu à l’ensemble de l’enseignement supérieur français. «Je suis passée par l’université Cergy-Pontoise et par l’université Paris-VIII, les chiffres sont les mêmes», assure-t-elle. Pour lutter contre cet état de fait, sous l’impulsion de sa vice-présidente, l’université a expérimenté l’année dernière un Centre des pratiques de l’écrit et de l’oral en français. Le lieu s’inspire des Writing Centers développés depuis plusieurs décennies déjà dans les universités nord-américaines. Le centre se veut «innovant», selon Stéphanie Grayot-Dirx, et ne «se concentre pas seulement sur l’orthographe. On y travaille le vocabulaire et la construction de l’argumentation.» Ouverts à tous, les cours sont gratuits et disponibles selon plusieurs formules proposées aux étudiants en fonction de leurs besoins. Les méthodes pédagogiques utilisées se veulent adaptées au public concerné. «L’enjeu est de faire progresser des adultes, explique Stéphanie Grayot-Dirx, pas de faire travailler nos étudiants sur des exercices que l’on donne à des élèves de collège.» Pour elle, le facteur déterminant de la réussite du programme est qu’il se fonde sur une logique de volontariat. Les étudiants doivent eux-mêmes prendre conscience de leurs difficultés et se présenter au centre. «Selon nous, la motivation des étudiants est un élément essentiel» de ces cours de rattrapage, explique la responsable.

Prise de conscience tardive

À l’université de Nanterre, depuis la rentrée 2014, les étudiants n’ont pas le choix. Pas moins de 7000 arrivants en première année de licence ont été, dès le début de leur cursus, obligés de suivre des cours en ligne pendant les douze semaines du premier semestre, à raison de trois heures par semaine. Un cours supplémentaire obligatoire sanctionné par un examen sous forme de questionnaire à choix multiples, qui permet d’obtenir un crédit et demi sur les trente nécessaires pour valider la première partie de son année. «Le module a été très long et très compliqué à faire, explique Sarah de Vogué, maître de conférences et cocréatrice du cours en ligne. On l’a créé à partir de toutes les erreurs de nos étudiants, minutieusement rassemblées pendant quatre ans.» À mi-parcours, un examen blanc effectué auprès de la moitié de l’effectif total a donné un aperçu du travail restant. «Cela donne une belle courbe de Gauss, analyse Sarah de Vogué. La moyenne des étudiants obtient la note de 10, et on compte autant d’étudiants en dessous et autant au-dessus.» Soit une majorité d’élèves qui connaissent des difficultés sur au moins une composante de la langue. Au second semestre, suivant les résultats du test final, les étudiants les plus gênés suivront des cours spéciaux. «On vise 14 groupes de 25, soit environ 350 étudiants», indique la responsable.
Ces deux exemples montrent l’importance accordée aujourd’hui à la problématique de la baisse du niveau de français des étudiants, qui mobilisent désormais chercheurs et professeurs dans tout le pays. Pourtant, la réaction a mis du temps à s’organiser. «L’émergence d’une prise de conscience des besoins en orthographe, et plus globalement des lacunes concernant tous les aspects de la langue écrite, de lexique et de vocabulaire, des étudiants est très récente», constate Françoise Boch, chercheuse à l’université Stendhal, à Grenoble. Le choc des consciences a eu lieu au début des années 2000. C’est à cette période que le domaine est devenu un «champ de recherche très actif», selon Fanny Rinck, maître de conférences dans un laboratoire de recherche linguistique à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espé), également à Grenoble. «On pense clairement qu’il y a un lien étroit entre la réussite dans l’écriture et la réussite universitaire», assure-t-elle. Ils y seront encouragés par une réaction politique concrète, en 2007. Bien qu’ayant une visée bien plus large que les seuls cours de langue, le plan réussite en licence (Prel)«a permis aux universités d’engranger pas mal de fonds et de mettre en place de façon assez diverse des programmes», explique Françoise Boch.
Dijon et Nanterre, donc, mais également Grenoble, Cergy-Pontoise ou encore Créteil: autant d’établissements universitaires qui comptent désormais dans leurs rangs chercheurs et professeurs plongés sur la question. Aujourd’hui, et malgré le retard accumulé sur les initiatives nord-américaines, les besoins des étudiants sont connus. Reste désormais à unifier les initiatives pédagogiques pour les étendre au plus grand nombre. «On va vers une mutualisation des recherches, assure Françoise Boch, mais on manque cruellement de moyens sur le sujet. Il faudrait convaincre des pouvoirs publics de mettre des moyens sur cette problématique.»





INTERVIEW - Pour Danièle Manesse *, professeur émérite de sciences du langage, le mouvement de baisse a commencé à partir des années 1960.




LE FIGARO. - Le niveau en orthographe des jeunes Français baisse-t-il?
Danièle MANESSE. -Il a en effet baissé, mais pas pour tous, et il est faux de dire que tous les étudiants sont en difficulté. En vingt ans, entre 1989 et 2007, le niveau en orthographe des élèves français des classes allant du CM2 à la troisième a, en moyenne, fortement baissé. C’est un constat que nous avons fait en comparant les résultats que nous avions recueillis avec André Chervel (historien de l’éducation, NDLR) en 1989 avec ceux de 2007. La maîtrise de l’orthographe, de la grammaire et de la syntaxe est en baisse, comme le confirment nombre d’études.
Ya-t-il un moment de rupture?
La tendance remonte sans doute aux années 1960. Avec André Chervel, en 1989, on pensait qu’il y avait une montée constante de la qualité de l’orthographe depuisla fin du XIXe siècle. Mais on a pu estimer ensuite que le meilleur niveau a sans doute été atteint dans les années 1940. Après un palier, le mouvement de baisse a commencé à partir des années 1960.
« Ce n’est pas parce que l’on sait l’orthographe que l’on sait l’enseigner »
Danièle Manesse
Quelles peuvent être les causes du déclin de l’orthographe étudiant?
Elles sont multiples. Les étudiants aujourd’hui, ceux qui sont nés au début des années 1990, ont eu moins d’heures de cours de français, que ce soit en primaire ou au collège. C’est un fait avéré et incontestable. Deuxièmement, la façon dont on enseigne l’orthographe a changé. Il y a eu un discrédit d’un certain nombre de méthodes qui étaient en vigueur jusqu’aux années 1960, comme l’apprentissage par cœur, les nombreux entraînements et les dictées très fréquentes. Évidemment, on sait que ces méthodes n’étaient pas toujours efficaces, mais elles n’ont pas été remplacées par des propositions alternatives aujourd’hui.
Enfin, il y a un gros problème de formation des professeurs. On n’apprend plus aux jeunes maîtres comment enseigner l’orthographe. Ce n’est pas parce que l’on sait l’orthographe que l’on sait l’enseigner.
Quelle est la part de responsabilité de l’écriture SMS, selon vous?
Il n’y a pas de recherches sur les conséquences de l’écriture type SMS. On a toujours écrit avec des codes parallèles, comme l’écriture abrégée ou symbolique. Effectivement, les étudiants écrivent aujourd’hui beaucoup de SMS, mais ils savent faire la distinction entre cette façon de communiquer et la rédaction d’une copie. Je pense que l’on se trompe lorsque l’on pointe les SMS. Le problème et les enjeux se situent ailleurs.
* Coauteur d’Orthographe:  à qui la faute? en 2007


lire la suite ...

mardi 9 décembre 2014

Un peu de poésie, proposée par Marie des Neiges

Alfred de Musset, Premières poésies                        
Chant deuxième


Qu'est-ce que l'amour ?
L'échange de deux fantaisies
Et le contact de deux épidermes
Chamfort

 
I
Eh bien ! en vérité, les sots auront beau dire,
Quand on n'a pas d'argent, c'est amusant d'écrire.
Si c'est un passe-temps pour se désennuyer,
Il vaut bien la bouillotte ; et, si c'est un métier,
Peut-être qu'après tout ce n'en est pas un pire
Que fille entretenue, avocat ou portier

II
J'aime surtout les vers, cette langue immortelle.
C'est peut-être un blasphème, et je le dis tout bas
Mais je l'aime à la rage. Elle a cela pour elle
Que les sots d'aucun temps n'en ont pu faire cas,
Qu'elle nous vient de Dieu, — qu'elle est limpide et belle,
Que le monde l'entend, et ne la parle pas.

III
Eh bien ! Sachez-le donc, vous qui voulez sans cesse
Mettre votre scalpel dans un couteau de bois
Vous qui cherchez l'auteur à de certains endroits,
Comme un amant heureux cherche, dans son ivresse
Sur un billet d'amour les pleurs de sa maîtresse,
Et rêve, en le lisant, au doux son de sa voix.

IV
Sachez-le, — c'est le cœur qui parle et qui soupire
Lorsque la main écrit, — c'est le cœur qui se fond ;
C'est le cœur qui s'étend, se découvre et respire
Comme un gai pèlerin sur le sommet d'un mont
Et puissiez-vous trouver, quand vous en voudrez rire
À dépecer nos vers le plaisir qu'ils nous font !

V
Qu'importe leur valeur ? La muse est toujours belle,
Même pour l'insensé, même pour l'impuissant ;
Car sa beauté pour nous, c'est notre amour pour elle.
Mordez et croassez, corbeaux, battez de l'aile ;
Le poète est au ciel, et lorsqu'en vous poussant
Il vous y fait monter, c'est qu'il en redescend...



lire la suite ...

jeudi 27 novembre 2014

Apprentissage de l'écriture cursive en danger

La Finlande, premier pays européen à suivre les Etats-Unis, ne va plus enseigner l’apprentissage de l’écriture cursive

Ces enfants ne saurons même plus écrire autrement qu’avec un écran devant les yeux…

C’est une initiative qui sonne le glas de l’apprentissage de l’écriture tel qu’on le connaît. Les élèves Finlandais vont devoir ranger leurs stylos dans leurs trousses dès la rentrée 2016 et sortir les claviers.
Une première en Europe. Considérant que l’écriture cursive (c’est-à-dire manuelle) est devenue désuète, le gouvernement finlandais a annoncé hier avoir choisi d’abandonner son apprentissage en primaire, pour obliger les enfants à taper directement leurs cours sur des claviers d’ordinateurs
« Ce changement sera un bouleversement culturel majeur mais il est plus pertinent pour la vie quotidienne », selon Minna Harmanen de l’Office national de l’Éducation.
Une telle décision fait déjà polémique dans le pays scandinave, mais elle a été accueillie favorablement par le corps enseignant. L’écriture manuelle sera désormais enseignée sur option.
Source: DirectMatin

Aux États-Unis, une majorité d’enfants n’apprend plus à écrire que sur un clavier. Ce sera bientôt le cas en Finlande. Une très mauvaise évolution pour le spécialiste de l’apprentissage de la lecture.
La fin de l’apprentissage de l’écriture manuelle est annoncée en Finlande. La maîtrise de la saisie sur clavier est plus importante, a récemment jugé un haut responsable de son système éducatif. La réforme devrait être appliquée à la rentrée 2016. Un virage déjà pris par 45 États américains qui ont exclu l’écriture cursive, dite aussi «en attaché», du socle commun des connaissances. Spécialiste de l’apprentissage de la lecture et du langage chez l’enfant, professeur à l’université Paris Descartes, le linguiste Alain Bentolila s’élève contre de telles réformes.
LE FIGARO. – En Finlande, les écoliers ne vont bientôt plus apprendre à écrire à la main mais utiliseront un clavier. Qu’en pensez-vous?
Alain BENTOLILA. – C’est une très mauvaise décision. Non pas que je sois un nostalgique de la calligraphie. Cependant, quand on écrit à la main, on fait un acte singulier. Le fait de tracer sereinement des lettres et des mots permet à mon esprit de les porter. Ce qui n’est pas le cas avec des machines ou des tablettes.
Le pragmatisme ne doit-il pas l’emporter? L’écriture sur ordinateur permet aux enfants d’être lisibles, de rendre des textes plus propres, voire d’utiliser le correcteur orthographique…
Ce sont de faux arguments auxquels il faut opposer l’effort, la gratification, la conscience de l’autre que seule permet l’écriture graphique.
Vous avez l’appui des neuroscientifiques qui sont plutôt favorables au maintien de l’écriture cursive. Elle permet, selon eux, de mieux mémoriser, elle développe la motricité fine chez l’enfant.
Bien sûr. La mémoire se construit grâce à l’écriture manuelle et non avec un écran
Les petits Américains ou Finlandais apprennent-ils tout de même à écrire manuellement, par exemple en lettres capitales, ou s’en remettent-ils au seul clavier?
A mon sens, dans ces pays, on va vers une disparition totale de l’écriture manuelle. Mais envisage-t-on de rédiger des courriers importants sur un ordinateur? Je ne m’imagine pas envoyer une lettre de condoléances autrement écrite que manuellement.
Quelle est la position des enseignants français sur cette question?
Il existe un consensus, dans l’enseignement public comme privé, pour maintenir l’écriture cursive.
lire la suite ...

lundi 24 novembre 2014

Où en est le français dans le monde ?

Où en est le français dans le monde ?

24/11/2014     

 - DR
 
Elle est la deuxième langue la plus apprise au monde, la 2e langue, aussi, de travail dans la plupart des organisations internationales, la 4e c’est un « géant aux pieds d’argile », la qualifie un membre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). À la veille du XVe Sommet de la Francophonie à Dakar, Louis-Jean Calvet, professeur à l’Université de Provence et spécialiste de politologie linguistique, nous donne le pouls du français. sur internet... Pourtant,
On a tendance à croire que le nombre de locuteurs détermine le poids d'une langue. Fait-on fausse route?
 Oui et non. Le nombre de locuteurs d’une langue n’est pas un indicateur suffisant pour juger de la vitalité d’une langue, cette approche est incomplète : c’est par rapport aux autres langues qu’il faut l’évaluer. Je vais prendre une exemple simple. Au Mexique, entre 1930 et 1990, le nombre de locuteurs des langues indiennes est passé de deux à cinq millions, soit une augmentation importante : il a été multiplié par 2,5. Croissance ? Cela dépend du point de vue adopté car, dans le même temps, la population du pays est passée de 14 à 70 millions, et la proportion de ces locuteurs a donc été divisée par deux, passant de 15% à 7%. Il est vrai que le nombre de locuteurs est un facteur important, mais il y en a beaucoup d’autres. Pour être concrets, prenons encore des exemples réels. Le nombre des locuteurs peut nous donner un classement des langues. Le mandarin est ainsi la langue la plus parlée dans le monde, suivi de l’espagnol, de l’anglais, du bengali, du hindi, et le français est en quatorzième position, ce qui devrait nous rendre modestes. Mais si nous prenons un autre facteur, celui du nombre de pays dans lesquels les langues sont officielles, l’anglais prend la tête, suivi par le français, l’espagnol, l’arabe, et le mandarin se retrouve en neuvième ou dixième place. Ces deux facteurs sont importants. Près de quarante pays ont le français pour langue officielle et s’ils avaient des positions politiques communes, ils pourraient jouer un rôle non négligeable à l’ONU par exemple. Dans notre « baromètre des langues du monde », nous avons pris onze facteurs, les uns économiques, comme l’Indice de développement humain (IDH), les autres démographiques comme le nombre de locuteurs, le taux de véhicularité ou le taux de natalité, d’autres culturels, etc. Et le traitement statistique du comportement des langues face à ces facteurs nous donne un classement qui nous montre que les premières langues, anglais, espagnol, français, sont d’origine européenne mais sont parlées dans le monde entier, en Amérique latine pour l’espagnol, en Afrique et en Amérique du nord pour le français, un peu partout pour l’anglais... Le français n’est pas, ou n’est plus, uniquement, la langue de la France, il est la langue de la francophonie.

Justement, à propos de ce baromètre que vous avez créé avec votre frère Alain Calvet, comment se porte le français dans le monde ?
Comme les langues indiennes du Mexique, le français voit le nombre de ses locuteurs augmenter sans cesse. Mais moins, proportionnellement, que certaines autres langues. Il est cependant dans les toutes premières langues face à des facteurs comme sa fonction de langue officielle, les flux de traduction (il est la deuxième langue source de traduction, derrière l’anglais, la deuxième langue cible, derrière l’allemand), les prix littéraires internationaux (il est à la deuxième place, derrière l’anglais), il est la troisième place sur Wikipedia, derrière l’anglais et l’allemand, etc. Par ailleurs le français est la principale langue du Tribunal pénal international, une des six langues de l’ONU, etc. Il faut en finir avec les discours de pleureuses : le français est une des grandes langues du monde, même s’il n’est pas la seule, bien sûr. 

 Pourquoi le mot « francophonie » sonne-t-il toujours un peu néocolonial ? 
Il y a une réalité indiscutable : l’importance mondiale de l’anglais, du français, de l’espagnol, du portugais ou de l’arabe repose sur le passé colonial des pays dans lesquels ces langues étaient parlées. Si l’on parle arabe du Liban ou de l’Irak au Soudan ou à la Mauritanie c’est parce que, il y a treize siècles, des guerriers venus de la péninsule arabique ont envahi ces régions. Si l’on parle espagnol au Pérou ou portugais au Brésil, c’est parce que l’Espagne et le Portugal ont été des pays impérialistes, et il en va de même pour le français. Cela relève de l’histoire. Et si nous parlons français en Belgique, en France et en Suisse, c’est aussi le résultat d’une invasion venue de l’est, celle des indo-européens, puis, ensuite, le résultat de l’expansion de l’empire romain. Cela fait-il aujourd’hui de la francophonie un fait colonial ou néocolonial ? Distinguons d’abord entre deux sens de ce terme. Avec un f minuscule, la francophonie est un fait sociolinguistique : l’ensemble des pays dans lesquels le français joue un rôle dans la communication quotidienne. Avec un F majuscule, la Francophonie est une réalité géopolitique, l’ensemble des pays adhérant à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Et ces deux ensembles ne se recoupent pas toujours : l’Algérie, qui n’est pas membre de la Francophonie géopolitique, est évidemment un pays important de la francophonie sociolinguistique. Mais les instances de l’OIF appartiennent à ses pays membres, c’est à eux à d’en définir la politique. Bien sûr les pays du Nord, la France, la Belgique, le Canada, y ont une grande influence, mais le Sénégal ou l’Ile Maurice y ont également leur poids, proportionnel à leur importance internationale.

 L'espace francophone semble dominé par le français estampillé Académie française... et parisienne. Or, à la veille du Sommet à Dakar, beaucoup voient l'avenir de la francophonie en Afrique... 
 Non, ce n’est pas le français de l’Académie française qui domine le monde francophone. Le film qui a remporté le grand prix du jury à Cannes en 2014, Mommy, de Xavier Dolan, est un film québécois dans lequel on entend un éventail linguistique intéressant. Un peu, très peu, de français standard, du français québécois ensuite, mâtiné d’emprunts à l’anglais, et enfin le joual, ce parler populaire québécois qu’un Parisien ou un Bruxellois ont du mal à comprendre. Il y a là plusieurs directions de variation : une direction géographique (le français québécois n’est pas le même que le français marseillais par exemple), une direction identitaire (en parlant la forme locale de la langue on dit qui l’on est) et une direction sociale (un homme politique ou un avocat ne parlent pas la même langue qu’un ouvrier). Et cette variation se retrouve dans l’ensemble de la francophonie : il existe un français sénégalais, un français congolais, un français mauricien... Il y a en ce moment sur la chaîne de radio France Inter deux émissions phares, l’une quotidienne (Si tu écoutes j’annule tout) dont les deux animateurs sont belges et parlent un français typiquement belge, leur français, et l’autre hebdomadaire (L’Afrique enchantée), dont l’un des deux animateurs parle un français typiquement ivoirien. C’est aussi cela, la francophonie, et une radio nationale française lui donne ainsi un large écho. Mais les représentants des différents pays de la francophonie parlent bien sûr entre eux une forme standard de la langue. Cela dit, vous avez raison, l’avenir démographique de la langue française se trouve en Afrique. Pour une raison simple : la natalité des pays africains francophones est très supérieure à celle des pays francophones du nord. C’est pourquoi, dans notre baromètre, le taux de natalité des populations parlant telle ou telle langue a été pris comme l’un des facteurs. Mais ce qui fait le poids du français en Afrique c’est surtout sa fonction officielle dans une quinzaine de pays. Et cette fonction relève de la politique linguistique de ces différents pays. C’est eux qui décident de leur langue officielle, et ils pourraient en changer. 

 Le dernier rapport OIF témoigne d'une régression rapide de la langue française dans les institutions internationales. Est-ce un signal particulièrement alarmant ? 
Faut-il intensifier la guerre contre l'anglais ? Comme je viens de le dire, elle est la langue officielle de nombreux pays et, sur ce point, elle n’est pas menacée ! Le rapport de l’OIF auquel vous faites allusion compte 574 pages , et c’est à la toute fin du livre qu’il souligne la tendance au monolinguisme dans la vie internationale. Il y a des règlements linguistiques dans les organisations internationales, et il faut les faire respecter. Par exemple, le secrétariat général de l’ONU est officiellement bilingue, français et anglais, mais les Américains renâclent à respecter ce point du règlement. Il faudrait les y forcer. Cela ne constitue pas une guerre contre l’anglais, mais une défense de la diversité linguistique, une défense de toutes les langues. Je viens de participer à un grand colloque organisé à Bruxelles par l’Union européenne, j’y ai donné une conférence en français, qui était traduite en 23 langues. En anglais comme en lituanien. C’est cela la diversité linguistique et la défense de la place du français est aussi une défense des autres langues. Quels sont, selon vous, les vrais enjeux de la francophonie? Que pensez-vous du rapport Attali préconisant une union francophone économique ? Attali a raison sur un point fondamental : si l’avenir du français se joue bien en Afrique, il demeure que c’est l’avenir économique de l’Afrique qui doit être au centre de nos préoccupations. Je me sens concerné par l’avenir de la langue française, comme d’ailleurs de celui des autres langues, mais mon projet n’est pas que des Africains meurent de faim en parlant français. Ce n’est pas cela la Francophonie. Le problème central est un problème de développement, et le développement passe aussi par des choix de politique linguistique. L’OIF développe par exemple de nombreuses opérations d’introduction de langues africaines dans l’enseignement primaire, à côté du français, parfois avant lui. Et l’on peut imaginer que certaines opérations de développement se passent en langues africaines, que certaines formations professionnelles aient lieu en langues africaines. Cela dépend du choix des pays concernés, la Francophonie est là pour les aider mais pas pour décider à leur place. 

Quels dangers majeurs va devoir affronter la langue française à l'avenir ? 
 Je ne parlerais pas de « dangers », plutôt de défis. Essentiellement le défi du plurilinguisme, de la diversité linguistique. La tendance au monolinguisme anglophone est une menace pour la diversité en général, la diversité culturelle en particulier. Pour lutter contre cette tendance au monolinguisme à l’échelle mondiale, il faut aussi balayer devant notre porte. Et pas seulement en Afrique. On parle en France d’autres langues que le français, des langues de migrants, comme le berbère, le chinois ou l’arabe, des langues régionales, comme le basque, le breton, le provençal ou le languedocien. Pour être crédibles, les défenseurs de la langue française devraient se préoccuper aussi de ces langues. 

Propos recueillis par Florence Chédotal 
 florence.chedotal@centrefarance.com
lire la suite ...

Testez votre orthographe avec une dictée parsemée de difficultés

Testez votre orthographe avec une dictée parsemée de difficultés

24/11/2014     

ASSOCIATION DEFENSE DE LA LANGUE FRANCAISE Dictee stylo d or pole lardy vichy - violaine allirand
ASSOCIATION DEFENSE DE LA LANGUE FRANCAISE Dictee stylo d or pole lardy vichy - violaine allirand

Une trentaine d’amateurs de la langue française et de férus d’orthographe ont participé, samedi après-midi, à la dictée des Stylos d’or organisée par l’association Défense de la langue française au Pôle Lardy.
« J’ai trouvé ce texte sur Internet, explique Frédéric Fossaert, vice-président de l’association. Il a été écrit en 1992 par un auteur inconnu en France, le Bernard Pivot belge, et fait référence à Marguerite Yourcenar. » Après les questions de culture générale, le corrigé a permis aux candidats de savoir s’ils avaient rendu une bonne copie.
Voici le texte pour tester la maîtrise, ou non, de l'orthographe et de la grammaire de vos proches et amis !
"Effeuillons la marguerite"
Honni soit qui mal y pense : il ne saurait être question que nous dépouillions de son habit vert une ex-star de l'Académie, la première qui plus est, bien avant Jenifer et Nolwenn, à terrasser – pour ainsi dire dans un fauteuil ! – les orgueilleux porte-parole de la gent masculine. Ce titre provocant n'avait d'autre dessein que d'évaluer, pétale après pétale, l'estime que vous portez à cette figure des belles-lettres, notre payse à jamais, quand bien même cette infatigable globe-trotteuse aurait finalement assujetti ses chers pénates outre-Atlantique.
Gageons que, friand de popes, vous aurez aimé plus qu'un peu les Nouvelles orientales. Beaucoup ces Mémoires qu'à son successeur Marc Aurèle aurait laissés Hadrien : époustouflante leçon d'humanisme que l'on croirait donnée à chacun d'entre nous, plutôt qu'à un empereur romain ! Passionnément cet Œuvre au noir, qui valut à son auteur, et à l'unanimité s'il vous plaît, le prix Fémina. Mais le moyen de ne pas brûler pour l'alchimiste que ses cucurbites renflées mèneront, tel un vulgaire relaps, aux autodafés de l'Inquisition ?
A la folie – jusqu'à l'amok, crâneront les fiers-à-bras – ces Archives du Nord à nulles autres pareilles, deuxième volet du triptyque autobiographique que l'intéressée entama au soir de sa vie. S'y trouve chanté, quasi appassionato, ce pays prétendument plat qui est le nôtre. Pas du tout, c'est à craindre, ce pot-pourri de guets-apens qui, sous prétexte de ressusciter la vieille dame aux capes d'ébène, fut surtout l'occasion de distiller des phrases autrement biscornues que les alambics de l'abstracteur de quintessence susdit. Mais le sans-faute, orichalque envié de nos chercheurs d'orthographe, vaudrait-il d'être réussi sans cela ?
 
lire la suite ...

mercredi 8 octobre 2014

Concours de création littéraire




Venez nombreux le samedi 18 octobre avec vos portables à l'Université Indépendante, pour le concours de création littéraire qui se tiendra de 14 à 16 heures;
trois sujets au choix et des récompenses à la clé pour les meilleurs !
lire la suite ...

samedi 20 septembre 2014

Journées du Patrimoine (20 et 21 septembre 2014)

A LA MÉDIATHÈQUE
Visite commentée de l’atelier de reliure de la médiathèque
106/110 Rue Maréchal Lyautey

 

Présentation du matériel, des techniques et des grandes étapes de la reliure.
Sur inscription au 04.70.58.42.50 (Groupe limité à 12 personnes)
Samedi, de 10h à 11h et de 16h à 17h
 
Visite commentée de la Bibliothèque-musée Valery-Larbaud
Venez (re-)découvrir les quelque 15 000 livres de l’écrivain vichyssois présentés dans leur mobilier d’origine, ses manuscrits, ses souvenirs personnels comme les portraits d’ancêtres ou d’amis écrivains et ses objets familiers… Visite commentée intégrant des lectures de textes de Valery Larbaud.
Samedi, de 11h à 12h et de 15h à 16h


VISITE GUIDÉE EN PLEIN AIR

 «Dans les pas de Valery Larbaud et de ses contemporains célèbres»
  
Un nouveau circuit dans Vichy, à la découverte des lieux familiers de Valery Larbaud, Roger Désormière, Maurice Constantin-Weyer, Jean Giraudoux ou Albert Londres...
 


 
 
 

 














 
 



 
 
Départ Esplanade des Quatre-Chemins - Dimanche de 11h à 13h et 15h à 17h
lire la suite ...

mercredi 10 septembre 2014

«L’orthographe est un marqueur social, elle donne une image de soi»

  
SOCIETE - 84 % des Français sont gênés lorsqu’ils font une faute d’orthographe et pensent que cela ternit leur image…
Cachez cette faute que je ne saurais voir. Les Français ont une relation passionnée avec l’orthographe. Près de neuf personnes sur dix se disent choquées quand elles repèrent une erreur dans un courrier administratif ou professionnel, selon une enquête Ipsos pour les Editions le Robert, menée dans le cadre du lancement du Robert correcteur, ce jeudi.
>> Cinq fautes qui insupportent les internautes de «20 Minutes»
Les Français maîtrisent paradoxalement de moins en moins bien notre langue. Le nombre de faute par dictée est par exemple passé de 10.7 en 1987 à 14.7 en 2007, selon une note du ministère de l’Éducation nationale. 84 % des Français sont gênés lorsqu’ils font une faute d’orthographe et pensent que cela ternit leur image. Car le «tabou de l’orthographe n’est pas encore tombé», estime Alain Rey, linguiste, lexicographe, et figure emblématique de la rédaction des dictionnaires Le Robert.


Comment expliquer cet amour des Français pour l’orthographe?

L’orthographe est en quelque sorte un patrimoine culturel partagé. Certaines langues sont plus faciles dans la mesure où lorsqu’on sait les prononcer, on sait les écrire comme l’espagnol. Pour le Français, c’est plus difficile car prononciation et écriture se sont séparées au cours de notre histoire. Beaucoup de lettres ne sont pas prononcées, comme dans le mot doigt par exemple. Il est intéressant de remarquer qu’aujourd’hui, le tabou des «gros mots» est tombé, mais pas celui de l’orthographe.

Comment expliquer ce sentiment de honte à l’idée de faire une faute?

Avoir une bonne orthographe fait partie des comportements sociaux. On peut tolérer une orthographe incertaine dans les lettres privées, dans les sms. Mais si on fait une faute dans le milieu professionnel, il y a une sanction sociale, on risque d’être mal jugé, de subir des effets sociaux désagréables. Pour celui qui fait des fautes, il y a un sentiment d’échec. L’orthographe est un marqueur social, elle donne une image de soi. Cela montre qu’on respecte les règles, qu’on connaît sa langue. La valeur patrimoniale symbolique est presque excessive. Une faute entraîne encore des réactions intolérantes dans un monde pourtant de plus en plus tolérant. Le recours au correcteur d’orthographe est donc une bonne solution.

Est-ce que cela a toujours été comme ça?

Non. C’est au moment où tout le monde est allé à l’école qu’une mauvaise orthographe est devenue problématique. Au Moyen-Âge, on n’écrivait pas n’importe comment mais l’écriture pouvait être plus régionale ou personnelle. Cela dit, il y a toujours eu des jugements de valeur. C’était mieux vu d’écrire comme à Paris. A la cour de Louis XIV, on se moquait des gasconismes.

Paradoxalement, les Français sont de plus en plus mauvais en orthographe…

A l’école, les programmes sont si nombreux que l’enseignement formel de la langue a dangereusement diminué. Les enfants ne font plus malheureusement d’analyses logiques, ne connaissent pas toujours la fonction des mots. Il faut apprendre aux enfants à bien parler avant de leur apprendre à écrire. Sinon, ils ne seront pas armés pour analyser leurs propres fautes.
Le rôle de l’école est essentiel, mais pas suffisant. Cette baisse s’explique aussi par certaines difficultés économiques. L’orthographe est discriminante. Dans les milieux défavorisés, les parents ont parfois moins le temps de s’occuper de leurs enfants. Il faut favoriser l’auto-apprentissage. La lecture reste un élément fondamental pour la mémoire. Plus on lit, mieux on écrit.

Les sms ou les réseaux sociaux peuvent-ils faire baisser le niveau?

Quand un enfant fait peu de fautes, il peut faire toutes les fantaisies qu’il souhaite par sms, ça ne perturbe pas son orthographe normale. Mais quand il est en cours d’apprentissage, ou s’il est moins bon, le mélange des genres peut créer une perturbation supplémentaire.

Les fautes sont-elles toutes de même valeur?

Non, il faut distinguer les fautes graves et les fautes de mémoire. Ne pas savoir si tel mot prend une double consonne est moins grave que mélanger infinitif et participe passé. Les fautes graves sont celles qui montrent un défaut dans la syntaxe, et donc dans la compréhension.

Propos recueillis par Thibaut Le Gal
20 Minutes
lire la suite ...

mardi 9 septembre 2014

Récit des grands écrivains qui ont évoqué l’Auvergne

Récit des grands écrivains qui ont évoqué l’Auvergne

La Montagne 09/09/2014
  



 Les écrivains d’ailleurs vus par François Graveline.
 PHOTO : DOMINIQUE PARAT

L’exposition littéraire de la médiathèque Valery-Larbaud présente les travaux de François Graveline qui retrace l’itinéraire auvergnat d’illustres écrivains.

Courrez-y !



lire la suite ...

mardi 2 septembre 2014

samedi 30 août 2014

Orthographe : zéro faute, s'il vous plaît !

88 % des Français se disent choqués par une faute d'orthographe dans un courrier administratif, sur le site Internet d'une société ou d'une institution.

Le Parisien  Vincent Mongaillard | Publié le 30.08.2014                                    


La banalisation du langage SMS n’a pas rendu les Français plus souples sur l’utilisation de l’orthographe. Un e-mail truffé de fautes vous fera, au mieux, baisser dans l’estime de son destinataire, au pire, perdre un client...

La banalisation du langage SMS n’a pas rendu les Français plus souples sur l’utilisation de l’orthographe. Un e-mail truffé de fautes vous fera, au mieux, baisser dans l’estime de son destinataire, au pire, perdre un client... | (LP/Olivier Corsan.)                   

              
 


C'est un accord de participe passé oublié dans une lettre du centre des impôts, un futur au lieu d'un conditionnel dans la missive du conseiller clientèle en téléphonie mobile. Ces erreurs de langue française nous hérissent le poil au plus haut point ! Près de 9 personnes sur 10 (88 %) se disent choquées quand elles repèrent une faute d'orthographe dans un courrier administratif ou sur le site d'une entreprise ou d'une institution.


Elles sont aussi 86 % à être heurtées par une coquille dans les correspondances avec... les enseignants ! Voilà ce qui ressort d'une Ipsos pour les Editions le Robert*, menée dans le cadre du lancement de leur premier correcteur d'orthographe.

Ce n'est pas un hasard si les Français exigent de l'administration un zéro-faute. « Le courrier administratif, on prend le temps de le lire et de le relire. On s'attend à ce que l'expéditeur ait fait de même et donc qu'il se soit corrigé », décrypte la linguiste Dominique Le Fur, directrice éditoriale chez le Robert. « L'administration incarne l'ordre établi. Si celui-ci est mixé avec le désordre orthographique, ça nous est insupportable », analyse Pascal Hostachy, patron du Projet Voltaire qui propose à plus de 300 entreprises d'améliorer le niveau d'orthographe de leurs employés.

Une crédibilité entachée


Conscientes de l'impact de bourdes dans les écrits destinés à leurs clients, de nombreuses sociétés veulent soigner leur orthographe. Certaines investissent dans des logiciels correcteurs, d'autres font appel aux services de boîtes spécialisées comme TextMaster, qui passe au peigne fin courriers, plaquettes et sites Web d'entreprises. Un secteur florissant. Et pour cause. La génération SMS, fâchée avec les exceptions de la langue de Molière, est désormais sur le du travail. « La crédibilité de l'auteur de la faute est en jeu. Clairement, ça peut faire rater une vente », prévient Thibault Lougnon, directeur de TextMaster.

A CNP Assurances, des formations sont proposées aux salariés pour être incollables en français. « Depuis une dizaine d'années, un observatoire des courriers clients a aussi été mis en place afin d'améliorer le fond et la forme », précise Anne-Hélène Labat, responsable du département formation professionnelle. A la Sécurité sociale, la vérification de l'orthographe dans les courriers s'effectue par logiciel. « Pour les mails, il existe un système de supervision interne qui fait que l'on contrôle un échantillon régulièrement pour vérifier la qualité », décrit-on à l'Assurance maladie. A EDF, on mise sur les compétences en interne pour traquer la faute. « Chaque courrier personnalisé est relu par une autre personne de la hiérarchie avant envoi, ce qui permet un regard neuf », explique-t-on chez le fournisseur d'énergie tout en reconnaissant « qu'on n'est toutefois jamais à l'abri de coquilles ».

L'erreur d'orthographe est humaine. Les Français ne peuvent pas dire le contraire. Tous ou presque (96%) admettent qu'ils en font. Même s'ils s'avèrent moins tolérants quand les bévues sont décelées chez les autres...

* Etude réalisée du 8 au 12 juillet 2014 sur un échantillon de 1 001 Français âgés de 15 ans et plus.


Le Parisien
lire la suite ...

mardi 26 août 2014

Le franglais tel qu'on le parle (1917)

Le franglais tel qu'on le parle (1917)



Soldats anglais et français jouant aux cartes à la terrasse d'un estaminet à Braisne en Picardie, octobre 1914.
Soldats anglais et français jouant aux cartes à la terrasse d'un estaminet à Braisne en Picardie, octobre 1914. Crédits photo : Rue des Archives/Mary Evans/Rue des Archives

MOTS DE COMBATTANTS (2/3) - La présence des troupes anglaises et canadiennes sur le sol français occasionne la création d'un nouvel idiome aujourd'hui décrié : le franglais.

 
Environ cinq millions de britanniques sont mobilisés pendant la Grande Guerre, 650.000 canadiens puis deux millions d'américains. Pour ceux présents sur le territoire français, le dialogue avec les habitants s'établit grâce à l'invention d'une langue «intermédiaire et bizarre», sorte d'esperanto improvisé ou de franglais inversé.

Article paru dans le Figaro du 13 avril 1917
Le français tel qu'on le parle

Depuis Ypres jusqu'à Nesle, les moindres villages et les plus petites fermes sont occupés militairement par une foule innombrable qui ne parle que l'anglais.
Nos fermiers, nos petits commerçants, nos paysans ne l'ont point appris. Mais pour leurs rapports continuels avec cette immense armée, ils se sont fabriqué une langue intermédiaire et bizarre, que nos alliés ont adoptée.
Le mot le plus employé, et qui succède souvent à des dialogues pantomimes, c'est: compree? L'anglais understood est imprononçable pour un Picard; compree est plus simple et commode. Tommy en fait suivre chaque phrase. Notre paysan, s'il n'a pas saisi, répond: no compree. Alors, on tâche de s'expliquer autrement, avec patience. (Et longueur de temps.)
Souvent, en Belgique surtout, on ajoute: that, (En anglais: cela). Avec l'accent flamand, cela devient: compree dat? Il faut être initié, croyez-moi, pour avoir compree dat du premier coup.
Le mot bonne aussi, se dit, sans exception ni genre, de tout ce qui est bien. Mais rien n'est «mal». C'est invariablement no bonne. Tray bonne indique l'enthousiasme. Avec ces éléments, Tommy et le paysan font de longs discours. Si par exemple la paysanne de la Somme surprend des artilleurs à traverser son champ, elle leur dira vivement son opinion avec cht'acchent de la Somme, si spécial, mais se résumera toujours en français, non, en anglais, enfin en anglo-picard:
- Y ou no bonne! Compree dat?
- No, madame, fait Tommy avec innocence, me no compree!
Et il sourit pour s'excuser: Saye la guerre! (C'est la guerre) déclare-t-il.
Un horloger, manquant d'ouvriers, ne peut-il réparer une montre? Il dira: No repair. Ou s'il lui faut six semaines, il s'efforcera de prononcer: Six weeks. A quoi je vis une fois un brave Ecossais répondre philosophiquement dans le meilleur français
- Dans six semaines? Je serai mort.
Et il s'en alla en riant, enchanté de cette répartie.
Un autre mot quotidien, c'est: finish. L'épicier-bijoutier-cordonnier-et -un-peu-tailleur qui l'emploie ne veut pas dire qu'il a épuisé son stock; l'article qu'on lui demande, il ne l'a jamais eu. Mais c'est tout de même «finish».
- Papier pour lettre, madame? Et cisseaux?... Compree cisseaux? Et avez-vous chocolate?
- Finish, monsieur, je regrette. Tout finish.
- Oh! Oh! No bonne, madame...
Et voyez les phrases complètes, que l'on peut construire:
- Quand guerre finish, dit l'épicier, tray bonne, hein?
- Oui, oui, oui, répond Tommy. Moi retournay home, voir madame et children. Compree home?
Une expression indispensable, qui sert à tout dans l'armée anglaise, c'est «napoo». (Prononcez: napou) C'est une curieuse contraction du français: Il n'y en a plus. Ypres, détruite, ou Bapaume, sont napoo. Arras, presque napoo. Nuances subtiles! Mais si on vous vole votre briquet, il est «napoo. All right».
Cette langue internationale semble avoir traversé les lignes, franchi les fils de fer et atteint les Boches dans leurs trous. L'autre jour, aux tranchées d'une brigade canadienne, on amena un Allemand tout boueux. Il avait l'air assez étourdi. Le colonel l'interrogea:
- Do you speak english?
- Nix compree, dit le Boche avec tranquillité.
On trouva sa réponse excellente, et on l'expédia vers la division. Mais où ce Boche avait appris une langue aussi étrangère, personne n'en a jamais rien su…
par Hervé Lauwick
lire la suite ...

Quelques citations sur l'Ecriture...





"Le but de l'écriture, c'est de porter la vie à l'état d'une puissance non personnelle..."

GILLES DELEUZE , Extrait de Dialogues 

"L'écriture automatique et les récits de rêves présentent l'avantage de proposer une clé capable d'ouvrir indéfiniment cette boite à multiple fond qui s'appelle l'homme."
ANDRE BRETON, Extrait de Dictionnaire Abrégé du surréalisme  


 "Ecrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas il n'est qu'écriture."
 JEAN COCTEAU, Extrait de La Difficulté d'être


"Ecrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. "

MARGUERITE DURAS, Extrait de Ecrire



 

"L’écriture est la peinture de la voix."   


VOLTAIRE


lire la suite ...