mardi 29 mars 2016

Tahar Ben Jelloun, le conteur pédagogue en colère est l’un des invités du Grand débat, vendredi 1er avril, à Vichy.

Je ne me fais pas d’illusion sur l’humanité, mais je ne suis pas pessimiste à 100 %. J’aime la dérision, l’humour dans cette grisaille. » - C. Helie
La Montagne 28 mars 2016
Je ne me fais pas d’illusion sur l’humanité, mais je ne suis pas pessimiste à 100 %. J’aime la dérision, l’humour dans cette grisaille. » - C. Helie
Quelle que soit la forme d’écriture (roman, poème, chronique) Tahar Ben Jelloun, écrivain français d’origine marocaine dénonce le racisme, l’intolérance. Une plume tenace imprégnée d’humour et de dérision.
Écrivain, conteur, poète, chroniqueur, peintre, Tahar Ben Jelloun est l’un des invités du Grand débat, vendredi 1er avril, à Vichy. Dans son dernier roman Le mariage de plaisir (Ed. Gallimard), il choisit la forme du conte pour explorer encore une fois des thèmes qui lui sont chers : le racisme, l’intolérance, mais aussi l’amour, la transmission.
Vous vous définissez comme un raconteur d’histoires pour dénoncer des choses inadmissibles, ici et ailleurs. Il faut passer par une part de fiction pour parler de la réalité. Je considère les lecteurs comme des grands enfants. Quand j’ai voulu parler du racisme anti noir au Maroc [NDLR : dans Le mariage de plaisir], j’ai construit cette histoire avec un conteur en colère qui en a marre des préjugés et des gens qui ne réagissent pas. Il leur dit par ironie « Soyez méchants ! ». Le racisme l’intolérance sont tellement répandus que j’utilise tout ce que je peux pour attirer l’attention du lecteur. Nous sommes tous différents et tous semblables.
Les chroniques, une autre façon d’écrire ?
J’ai eu la chance très jeune de devenir pigiste au Monde. J’ai appris à écrire vite et surtout avec un style qui n’est pas celui du roman. La chronique est devenue une nécessité, elle me permet d’exercer mon plaisir d’écriture quotidien.
La peinture est-elle une autre nécessité ?
J’ai toujours dessiné, griffonné et un ami italien qui a vu mes dessins m’a offert des toiles pour que je puisse peindre en grand format. Ce que je peins c’est le contraire de ce que j’écris. J’écris sur la souffrance. La peinture c’est la lumière du monde. Le 13 novembre dernier, je peignais sur la danse lorsque j’ai appris les attentats de Paris. J’ai versé du noir sur toute la toile.
Cela vous agace-t-il quand on évoque votre double culture ?
J’ai une culture où intervient beaucoup l’imaginaire. Toutes les cultures s’interpénètrent. Je ne crois pas au choc des civilisations. Les gens se battent parce qu’ils sont ignorants. Les cultures c’est comme des fleuves, elles traversent des âges et des époques.
Les attentats, leur origine, vous vous êtes exprimés à plusieurs reprises là-dessus.
On revit la même horreur à chaque fois. J’ai l’impression que l’Europe n’a pas pris la mesure réelle de cette guerre que mène Daech. L’État de droit et la démocratie auxquels je tiens ne sont pas armés contre cette barbarie. On est face à cette 3e génération d’enfants d’immigrés qui n’ont reçu aucune éducation. Les parents démunis, désarmés ne leur ont pas transmis les valeurs de leur vie. L’immigration, c’est un arrachement, ce n’est même pas une rupture. Les hommes que l’on a fait venir dans les années quarante, ne sont pas des machines. Ils ont besoin de culture. Or, la culture ne voyage pas facilement. Les immigrés ramènent des rituels, des traditions, mais ils vivent dans une culture squelettique qui ne leur permet pas d’être bien. Quels que soient les gouvernements, on a laissé de côté les banlieues. Le discours islamiste est très structuré. Il arrive à convaincre les jeunes que les pays européens ne sont pas faits pour eux et que la seule issue est la voie de Dieu. C’est répété avec moult idéologies. Et, cela amène les jeunes à trouver du sens à ce qu’ils vont faire. Le principe même de la guerre, c’est chacun sauve sa peau. Mais, là c’est, j’offre ma mort. C’est diabolique !
Je viens de terminer Le terrorisme expliqué aux enfants à paraître cet été. Je voulais faire un livre objectif dans la mesure où j’explique d’où cela vient et comment. Ce n’est pas un jugement moral mais je voulais savoir pourquoi les gens deviennent des monstres. 
Fabienne Faurie
fabienne.faurie@centrefrance.com

À Vichy. Vendredi 1er avril, à 18 heures, Tahar Ben Jelloun, écrivain ; à 20 heures, Franz-Olivier Giesbert, journaliste ; samedi 2 avril, à 15 heures Nicolas Baverez, journaliste ; à 16 h 30, Dany Lafferière, académicien ; André Comte-Sponville, philosophe. Au Palais des congrès-opéra, à Vichy. Entrée libre.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire