samedi 19 mars 2016

Printemps des poètes 1 - "Soient frites ces langues envieuses !"



  • Mediapart  10 mars 2016
    Jusqu'au 20 mars, mon blog s'installe en poésie. A chaque fois, le portrait d'un poète réalisé au doigt sur Ipad® et accompagné d'un poème choisi. Aujourd'hui, rendez-vous avec "Maître François" comme l'appelait Brassens, un François Villon manifestement très agacé.

    François Villon (XVeS) © ARySQUE François Villon (XVeS) © ARySQUE

    C'est le printemps des poètes et l'aubaine est trop belle : j'ai dans mon escarcelle quelques portraits choisis de bardes comme on les aime : gouailleurs de tous les temps et festoyeurs itou.
    Je m'en vais de ce pas les dévoiler pour vous…
    Une cruelle tentation car il faudra attendre le printemps avancé : ils seront disponibles en tirage limité et en exclusivité à la librairie La Tête ailleurs dès l'ouverture, bientôt.
    En attendant, musique maestro ! Voici Maître François qui règle quelques comptes. On a beau dire, une ballade en vers et pieds tenus pour envoyer péter, c'est quand même bien plus classe qu'un pâle "casse toi pauvre con".

    Ballade (in Le Testament)François Villon
    En realgar *, en arsenic rocher,En orpiment*, en salpêtre et chaux vive,En plomb bouillant pour mieux les émorcher*,En suif et poix détrempés de lessive,Faite d'étrons et de pissat de juive,en lavaille de jambe à méseau*,En raclure de pied et vieux houseau*,En sang d'aspic et drogues venimeuses,En fiel de loup, de renard et blaireau,Soient frites ces langues envieuses !
    En cervelle de chat qui haït pêcher,Noir et si vieux qu'il n'ait dent en gencive,D'un vieux mâtin, qui vaut bien aussi cher, Tout enragé, en sa bave et salive,En l'écume d'une mule poussiveDétranchée menu à bons ciseaux,En eau où rats plongent groin et museau,Raines, crapauds et bêtes dangereuses,Serpents, lézards et tels nobles oiseaux,Soient frites ces langues envieuses !
    En sublimé, dangereux à toucher,Et au nombril d'une couleuvre vive,En sang qu'on voit aux palettes* sécherSur ces barbiers quand pleine lune arrive, Dont l'un est noir, l'autre plus vert que cive,Et chancre et fiz*, et en ces ords cuveauxOù nourrices essangent leurs drapeaux,En petits bains de filles amoureuses(Qui ne m'entend n'a suivi les bordeaux*)Soient frites ces langues envieuses !
    Prince, passez tous ces friands morceaux;S'étamine*, sacs n'avez ou bluteaux*,Parmi le fond d'une braie brenneuse* ; Mais, par avant, , en étrons de pourceauxSoient frites ces langues envieuses !

    Glossaire:Realgar : sulfure d'arsenic - Orpiment : trisulfure d'arsenic - Emorcher : réduire en morceaux - Méseau : lépreux -  Houseau : guêtre, botte montante - Palette : écuelle de barbier - Fiz : tumeur vénérienne - Bordeaux : bordels - Etamine : tamis - Bluteau : tamis de boulanger - Brenneuse : merdeuse -

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