Début février, une information sortie de nulle part enflamme la toile. La prétendue et non moins controversée réforme de l’orthographe est née. Du moins, médiatiquement car ladite réforme composée de propositions date du 6 décembre 1990. Très vite pourtant, les défenseurs de la langue française s’empressent de défendre le « i » de oignon ou l’accent circonflexe de coût condamnés à disparaître.

Frédéric Fossaert est l’un de ces défenseurs. Président de l’association Défense de la Langue Française dans l’Allier (DLF03), l’écrivain voit dans cette réforme un débat qui va bien au-delà de la simple apposition d’un accent circonflexe sur un i. L’adepte d’une orthopraxie de la langue livre son point de vue sur la question de la modernisation de l’orthographe. Entretien.
Comment avez-vous accueilli cette réforme de l’orthographe ?
Frédéric Fossaert : C’est « le » pétard mouillé par excellence ! C’est une réforme qui n’en est pas une. C’était une proposition de réforme qui a été faite il y a 26 ans mais qui n’a pas été à proprement parler appliquée. Ce sont en fait des directives de double orthographe. Vous pouvez donc continuer à écrire connaître avec ou sans accent circonflexe. Les deux orthographes seront justes dans une dictée pour un élève ou dans une lettre officielle. Cette « réforme » introduit simplement une souplesse dans l’orthographe.
En introduisant cette souplesse, n’est-on pas en train d’accepter les fautes de collégiens ou de lycéens en simplifiant l’orthographe ?
F.F. : Il faut faire attention à la tentation de l’absence de règle. Pourquoi ne pourrait-on pas remplacer connaître par conètre (sic) ? Après tout, phonétiquement c’est pareil ! Doit-on tendre vers la phonétique ? C’est l’une des questions de fond posées actuellement. La phonétique permettrait de vider la langue de ces difficultés. C’est délicat parce qu’il existe l’héritage, l’étymologie et l’identité de la langue. A l’école, pour moi, l’enjeu majeur demeure qu’on continue à écrire la langue. Aux Etats-Unis, dans la majorité des états, l’écriture manuelle n’est plus obligatoire. On peut faire une scolarité complète avec un clavier. C’est grave car on n’apprend plus les mouvements de la main. Le rêve serait de reconsacrer énormément d’heures aux trois apprentissages : lire, écrire et compter.
Le français n’est-il pas trop compliqué à apprendre de nos jours ?
F.F. : Des générations ont pu l’apprendre. S’il n’a pas été compliqué pendant des siècles, il ne l’est pas aujourd’hui dans l’absolu. Mais l’usage des mots c’est aussi les sens, les concepts et la pensée. Il ne faudrait pas qu’une simplification des mots aboutisse à une simplification de la pensée. Une pensée riche ne peut pas se contenter d’une grammaire et d’une syntaxe pauvres. On peut élaguer l’orthographe mais il faudrait éviter de créer un français à deux vitesses, à savoir un français langue vivante et un français langue morte.
En dehors de cette « réforme », sur quels points la langue française peut-elle se moderniser ?
F.F. : Je pense qu’il faut être tolérant sur les niveaux de langage en général. Il ne faut pas hésiter à parler vrai et s’approcher d’une vérité en mettant des mots populaires. Ça ne me choque pas d’utiliser l’argot plastoc plutôt que plastique. On peut aussi faire un mix de mots anciens, recherchés, avec des mots triviaux. Je ne comprends pas les hommes politiques qui se contraignent à un niveau de langage soutenu. C’est idiot car c’est du baratin et c’est se foutre des gens. Pourquoi ne pas essayer de parler plus vrai, faire des discours simples ? C’est pour ça qu’il faut adapter la langue avec son temps dans le respect d’un certain nombre de règles anciennes.
Êtes-vous favorable à l’expansion d’anglicismes, d’américanismes ou encore de germanismes dans notre langue ?                                                                                            
F.F. : Si c’est un dans contexte qui se justifie, pourquoi pas ? Il ne faut pas s’interdire des néologismes ou des anglicismes. Par exemple, on peut difficilement remplacer la notion de live par vivant quand on parle d’un concert en live. De même, va-t-on parler de partie de balle au pied pour parler d’un match de football ? Il est aussi difficile de substituer faire un zoom par faire un grossissement avant/arrière. Je pense qu’il y a des mots qui se sont imposés, qui font aujourd’hui partie du paysage et il ne faut pas systématiquement les remettre en cause. Mais il ne faut pas en abuser. S’il existe des équivalents en français, il faut les utiliser.
Pour finir, plutôt nénuphar ou nénufar ? Plutôt oignon ou ognon ?
F.F. : Peu importe, je suis pour la tolérance des deux orthographes. Mais attention à la tentation du SMS et de la phonétique. Adaptation, tolérance mais vigilance !

http://labarbote.putv.fr/2016/02/23/orthographe-halte-a-une-simplification-de-la-pensee/