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LE PRINTEMPS DES POETES   Vendredi 25 mars 2016

Un bon cru!






ADRIENNE



Morte sans le savoir


J'ai vu mes yeux se fermer sur le vain espoir d'un autre soleil et je me suis enfuie sous la mer avec les vagues qui descendent là où tournoient d'étranges nageoires ponctuant le purgatoire.
J'ai regardé mes jambes plier sous le boutoir acéré de la peur et je me suis enfuie dans des songes opalins où fusent les couleurs d'un arc-en-ciel éternel trouant le morbide désespoir.
J'ai senti mon cœur tomber dans un trou noir et je me suis enfuie dans des limbes constellés d'argent fondu où palpite l'oiseau revêtu de flammes érubescentes jouant avec le destin sur son perchoir.
J’ai entendu mes cris crever les tympans cossards des Titans et je me suis enfuie au sein de la terre noire là où règnent les spectres d’étranges démons chevauchant des idées blasphématoires.

Et je suis tombée dans un dépotoir le soir au détour d’un trottoir.

Adrienne 03/2016



Evasion


Luc risqua un oeil par-dessus son épaule. L’homme aux contours à la
fois flous et secs était toujours là. A l’autre extrémité du couloir. Il
sentait son regard fiché entre ses deux omoplates. Pourtant, Luc avait
pris son temps pour parcourir ce long corridor, dans le vague espoir
que l’individu ait disparu, comme broyé par les intestins de pierre de la
vieille demeure. Cela faisait maintenant deux journées entières que cet
inquiétant personnage, sorti de nulle part, rodait dans son dos. Si ce
n’est sa tenue, il ne ressemblait en rien aux autres occupants du lieu.
Une menace sourde en exsudait et une aura fuligineuse troublait ses
traits. Luc essaya de faire abstraction de cette ombre funeste qui
s’épaississait à quelques pas de lui.
Il posa le plat de sa main droite sur le battant de la porte derrière
laquelle l’attendait son destin. Il hésitait à franchir le seuil. Il sentait
tout le poids de la grosse bâtisse qui cherchait à l’écraser. Pour mieux
le retenir dans ce monde. Ce monde auquel il n’appartenait que par
erreur. Luc inspira longuement et poussa le lourd panneau de bois
patiné par de nombreuses mains.
Une nappe à la couleur coincée entre le gris et le bleu, faite de la fumée
des dizaines de cigarettes réduites depuis longtemps à l’état de cendres
ou encore serrées par des doigts, stagnait sous le plafond. Luc regarda
la petite vingtaine d’hommes et de femmes, vautrés sur des sofas
entripaillés et vieillissants ou assis sur des chaises dépareillées et
bancroches. Ils fixaient d’un air plus ou moins absent une télévision sur
l’écran de laquelle gesticulait une foule noire faite de silhouettes
perdues dans la grisaille. Dans le silence laissé par le son coupé,
s’immisçaient des ricanements gras provenant du côté opposé de la
pièce. Devant l’unique fenêtre, quatre individus au sexe mal défini
étaient agglutinés. Tête contre tête, ils oscillaient au son de leur chant amébée.
Dehors, de l’autre côté des vitres, son avenir l’attendait, dissimulé par
la masse des corps épais, enveloppés dans la rugueuse étoffe
réglementaire. Luc fit un pas à l’intérieur de la pièce. Quatre crânes se
tournèrent simultanément dans sa direction. Quatre paires d’yeux le
toisèrent. Quatre rictus peccamineux se dessinèrent sur quatre
bouches aux lèvres andrinoples. Luc reconnut l’homme dont la face
raboteuse ricocha d’un visage à l’autre. Quatre, il était quatre !
Des étincelles bleues, frêles ambassadrices de la peur, passèrent
devant les yeux de Luc. Des doigts pissant la soude caustique lui
lacérèrent les entrailles.
Dehors, de pâles volutes apparurent et s’enroulèrent autour des arbres
bordant la longue et sinueuse drève qui s’étirait dans le parc vieillot.
Elles s’accrochaient, bleuâtres ou cendreuses, à leurs branches
déshabillées par l’hiver. Sous le regard de Luc, les arabesques de
brume s’agitèrent et s’étirèrent. Elles obéissaient. Luc se calma,
laissant se réveiller en lui les myriades d’animalcules qu’il hébergeait.
De ses doigts, partirent des aigrettes dorées. Il ne fut bientôt plus
qu’une nébuleuse iridescente.
Dehors, le frimas répondit. De minces filins d’argent se tressèrent en
des torons d’acier qui s’amalgamèrent en des aussières obèses et
ardoisées. Les quatre personnages, sentant l’univers trémuler, se
détournèrent de Luc et firent face à la fenêtre. Unissant leurs mains, ils
émirent des éclairs ponceau et cinabrins. Dans un fracas digne du
Pandémonium, un grelin anthracite fit voler en éclat les carreaux avant
de s’enrouler autour de l’ectoplasme rougeoyant et sanglant né des
sinistres adversaires de Luc. Dans une gerbe de larmes sanglantes, les
quatre acolytes disparurent.
Le temps d’un battement de coeur, Luc se rassembla. Seule, perdura
sur son front une étoile d’or et d’argent mêlés. D’un geste souple, il
bondit sur le rebord de la fenêtre et tendit le pied vers la liberté.
Dans son dos, le battant de la porte heurta violemment le mur.
L’infirmier entra, éveillant à peine la vingtaine de patients assommés
de psychotropes.

Adrienne 28/02/2016






Alice n’ira plus au Louvre


Alice n’ira plus au Louvre.
Alice veut en finir avec la réalité. Elle ne lui trouve aucune gaieté. Elle aime le flou que l’on trouve de l’autre côté du miroir.
Alice a abandonné son métier. Elle veut aller fureter sur d’autres sentiers. Ceux qui sentent bon la noisette. Elle a décidé de ne plus jamais repasser à l’envers la fragile porte faite de frisettes qui s’ouvre sur le pays mouvant des rêves éveillés.
Alice sourit. Elle s’arrête un instant devant le seuil. Elle secoue les milles petites
frisettes qui caressent ses joues ornées de fossettes. La porte est juste à sa taille.
Nul besoin de la fiole remplie d’un liquide jaune paille, ni du gâteau moelleux
fourré à la papaye.
Alice frappe dans ses mains. Le vantail remonte dans les entrailles du ciel. Elle
entre. Elle quitte son vieux monde artificiel qu’elle trouve si pestilentiel. Le vert à l’odeur de cannelle des nues la peint à la hâte de couleurs disparates sous les yeux d’un lapin providentiel. Son hôte bondit sur ses pattes arrière et ôte ses gants couleur de pâtes à crêpes. Il les lance en l’air.
Alice regarde. Elle suit la douce courbe descendante des mains de tissus qui se
déposent au fond d’une jatte dans laquelle s’ébattent deux pirates à la Tom
Pouce. Avec leurs pieds chaussés de mousse, ils éclaboussent un mammouth qui passait par là, juché sur un vélopousse. Déstabilisé, le pachyderme rouquemoute vacille. La moumoute piquée d’oiseaux captifs qui orne le haut de son crâne glisse le long de son interminable pif.
Alice rit. Elle a un geste évasif en direction de la perruque qui s’envole à la
remorque des piafs fugitifs. Elle n’a pas de doute, elle doit poursuivre sa route.
Au loin, elle écoute le klaxon d’un taxi-brousse. Elle retrousse sa robe incarnate et court à ses trousses. Elle n’a pas la frousse. Elle a oublié les carinates enchaînés par les pattes. L’espace se dilate et mute en ouate écarlate.
Alice pleure. Une pluie torrentielle fait naître une rivière artificielle. Le monde
change de logiciel. Il devient essentiel de trouver un esquif pour échapper à la
poiscaille aux écailles imitant le velvet. Elle regrette mais elle est prête à braver la pagaille. Vaille que vaille !
Alice bataille. Elle attrape la jatte providentielle, saute à l’intérieur, bouscule les petits hommes qui se chamaillent. L’eau, née de la tempête, forme une muraille muette. Une fenêtre s’entrebâille.
Alice rêve. La tête du lapin, coiffé d’une coquette casquette, apparaît. L’animal
hoquette et jette une serviette.
Alice la cueille. Le tissu rouge, devenu voile, se couvre d’arabesques et la
recouvre. Dans un roulement de foudre, son boutre entre dans Douvres.
Alice ne restera pas à Douvres.
Alice n’ira plus au Louvre.
Adrienne 03/2016







                                           ALYX



Les poèmes centenaires n’ont pas tous vieilli



Ils dorment sous les fagots
de chaque maison française
ils s’enflamment à nouveau
quand on souffle sur les braises

Enfants en gris sarraus
que la mémoire réveille
et claquent les sabots
à nouveau aux oreilles.

Le poêle chaud de l’école
dégèle des sources vives
et les mots caracolent
des senteurs nous arrivent.

Les mêmes nuages passent
sur nos toits les mêmes ailes
les mêmes amours trépassent
le même Azur appelle

Les phrases se fracassent
les règles connues explosent
et en pièces éparses
la Beauté nue s’impose.

Leurs vers parfois échappent
et gardent leur mystère
mais un Esprit nous frappe
nous secoue, nous libère.

Ils enflent nos désirs
leur donnent de la hauteur
ils habitent nos délires
nos révoltes et nos peurs.

Ils réveillent nos ardeurs
nos amours et nos îles
et nous voyons des fleurs
sur les murs de nos villes.

Ils nous font le présent
des fièvres du passé
et nous offrent des instants
qui valent éternité.
ALYX





La vieille dame


Elle prend son café, au soleil d’avril, derrière sa baie vitrée.
La vieille dame tricote des mots, brode des jolies phrases,
découpe des récits dans les tissus colorés de son imagination,
nourrie par une longue mémoire.

Elle galope dans la Savane, marche le long des plages,
fait l’amour dans les dunes, vole sur l’océan.
Elle retrouve sa voix d’enfant pour tutoyer l’univers,
pour dire ses colères et ses espoirs,
et ses questionnements.

Elle vit quoi. Elle s’offre une vie nouvelle.
Elle a pourtant presque l’âge
où ses grands-mères s’apprêtaient à mourir.

Elle cultive les fleurs de son jardin d’hiver
qu’elle sème à longueur de cahiers.
Elle est la première étonnée de les voir pousser,
se demandant d’où viennent ses curieuses pensées.
Elle soigne ses chagrins, déroule des senteurs perdues,
fait vibrer des musiques et des sons,
elle élève des brises, des bises ou des tornades,
selon ses caprices, en pleine liberté.

Et puis elle va, son dossier sous le bras,
livrer son charabia au Printemps des Poètes.
ALYX

Graines de Muses


- Tiens tu es là ?
- Mais vous me connaissez?
- Souviens-toi, nous étions dans le même paquet?
- Nous étions si nombreuses à attendre, à nous morfondre.
- J’ai bien cru aller jusqu’à la péremption, pas toi?
- Tu parles, je sentais que je me desséchais complètement.
- Nous sommes drôlement bien là, maintenant. On a de la chance d’être dans le même poquet.
- Elle ne dit pas grand chose la troisième du poquet, pas encore réveillée?
- Je dirai plutôt qu’elle, elle a atteint la limite de péremption. Elle est fichue.
- Dommage. Moi, je me sens en pleine forme. On y va?
- Où ça?
- Dehors pardi, allez, on germe !
Les deux petites graines tremblent, s’agitent, se trémoussent et se fendent si bien que chacune lance une petite pousse, verte, tendre, si mignonne qu’elles en sont toute émues.
Encore un petit effort, et déjà sous la terre se répand une superbe odeur.
- Tu sens ? Nous avons déjà tout notre parfum.
- Mais je suis un basilic ! Et toi ?
- Moi aussi pardi, sinon ils ne nous auraient pas semées ensemble. Allez, on sort.
Elles n’ont pas pointé plus d’un millimètre de leur tendre petit nez dans l’atmosphère du jardin, que la pousse la plus fragile dit :
- Holà, il fait encore frisquet. Et ce vent !
- Bon d’accord, on attend demain. Mais au premier soleil, on y va.
- On attendrait pas encore un peu ?
- Moi, je n’y arrive pas. Il faut que je lève la tête c’est plus fort que moi. Je vois déjà que dehors c’est superbe.
- Oh, je regarderai tout cela demain. Tu es bien pressée.
- Mais il faut qu’on soit visible !
- Pourquoi donc ?
- Tu te rends compte si un vrai poète passait ? Sous la terre, nous n’intéressons que les mauvais poètes, ceux qui rampent avec les vers de terre, qui parlent de ce qu’ils ne voient pas, de ce qu’ils ne sentent pas.
- Et le vrai Poète ?
- Ah, tu verras, Si, en plus, nous sommes pour lui le premier basilic de l’année, je peux te dire qu’il s’arrêtera, qu’il nous regardera, qu’il nous respirera et qu’on l’inspirera. Les vrais poètes, eux, c’est la Beauté pure. Ils vont écrire sur nous des trucs qui dureront au moins cent ans ! Et dans cent ans, il y aura un « Printemps des Poètes » qui parlera encore
d’eux et donc de nous. Alors, moi je sortirai, « à l’aube à peine naissante, méprisant la bise ... » comme ils disent,.
- J’espère qu’ils le disent mieux encore. Moi, je crois que nous avons plus de chances de
rencontrer un cuisinier qui salivera en nous regardant grandir.
- Eh bien, c’est bien aussi, nous mettrons de la poésie dans sa cuisine.


ALYX













DOMINIQUE



Petite fantaisie


Inconscient Violence Beauté
Convulsive Absurdie Liberté
Cent ans de poésie
Cent ans de solitude
Cent ans de fantaisie
Et ce badine interlude
avec tous mes amis
Jouez si ça vous dit

Arrête ton char René
Philippe est soupe au lait
Et Paul va l'hérisser
-Paul élu ardéchois-
Tanguy que Pierre, Yves
De bonne foi, et Alphonse
Allaient calmer Jacques
En ses prés verts
Où toute pierre reverdit
Et André dit Le Breton
Prend un cocktail avec Robert
Un des nôtres lui aussi
Des cocktaux rectifie Jean
Et Raymond est-il d'accord
Que no
Partirais tu en Aragon
Louis propose Henri
Mi chaud mi froid
Charles duper Guy? demande
Guillaume à Paul Linaire
C'est son dada
argue le Tzar à Tristan
ou ne serait-ce pas Vian
Tout beau rissolant devant
Et où sont-elles Anna Elsa Nadja
Elles vous ont tant aimé Cézaire
Allez venez tous les amis
rejoignez-moi pour boire un vers
Même si ça ne rime à rien
Aujourd'hui ou bien demain.

Dominique - mars 2016






Remerciements déjantés à

René Char
Philippe Soupault
Paul Valéry
Paul Eluard
Pierre Tanguy
Yves Bonnefoy
Alphonse Allais
Jacques Prévert
Pierre Reverdi
André Breton
Robert Desnos
Jean Cocteau
Raymond Queneau
Louis Aragon
Henri Michaux
Charles Péguy
Guillaune Apollinaire
Tristan Tzara
Boris Vian
Aimé Césaire
Anna de Noailles, Elsa Triolet
Nadja, l'amour fou





PAQUES QUI CLOCHE

Sonnés par tant de saveurs
Sonnés par tant de douceurs
Ne plus raisonner à rien
Pas que penser à demain
Couler dans la gourmandise
Mousses lactées des plus exquises
Chavirer fondant moka
Cacao amer et gras
Exploser en bouches truffées
Doux enchantements enrobés
Panachés de Nirvana
En festival d'opéras
Nappées d'arômes intenses
Noires ou blanches elles vous encensent
Félicité se dessine
Dans un éclair de nougatine
Macarons badigeonnés
Les mendiants ont tous craqué
Et sur une tendre tablette
S'enrober de Casse-Noisettes
Or en barre voluptueux
Le liégeois est tout moelleux
Mais quand les lapins pralins
Auront croqué le merveilleux
Et que fondra le Jeudi Saint
C'en sera fini pour œufs
Et ma cocotte passionata
tu resteras chocolat



HAI KU ?



Si tu verses dans la poésie que tu t' rimes en traînant les pieds
Prise le papier d'Arménie tes écrits sont encenser
Au clair de ta plume tu ravis les mots
Ton âme se consume en quelques rondeaux
Ouvre moi ta strophe juste pour un couplet
Si elle m'apostrophe tu tiens le sonnet
Je serai ta muse mon beau madrigal
Et si ça t'amuse m'aime ta fleur du mal
Autant de lucioles troueront l'univers
De tes paraboles affable trouvère
Qu'on sonne les voyelles mon Alexandrin
S'envole à tire d'aile au fil des quatrains
Et moi Léonine ta petite litote
Sur ta flamme divine je souffle et chuchote
Pour que tu m'embrasses et cries des mots fous
Et que tu enlaces mon ébahi cou

Dominique - mars 2016





Un seul poème

Des centaines de poésies
flottant dans l'immensité
un seul poème je saisis
ce sera Félicité.

Je ne raconterai pas ma vie
et encore moins celle d'une autre
mais cette histoire peut être la vôtre
sachez donc juste qu' elle est partie
pour tutoyer de près les anges
si bien qu'elle y est restée
pour vous qu'est ce que ça change
cet envol vers l'immensité
qui de la terre semble si noire
mais pour elle radiante clarté
d'une autre vie emplie d'espoir
Sourire pour l'éternité
elle a rejoint enfin sa mère
elle a rejoint enfin son père
et ce bébé mort sitôt né
et elle chante avec Daniel
son archange musicien
ils rient déclament à plein ciel
les notes de notre destin
je t'en prie fais nous un signe
un clin d'oeil de là-bas
promis nous resterons dignes
et comprendra qui voudra Dominique - mars 2016





JEANINE



SOULAC

Rivage en émoi.
Océan déchaîné.
Vagues ensorcelées.

Don Quichotte de la mer dressé,
Le Signal attend, fantôme menacé,
Sépulture fragile de rêves oubliés.

Verrue égarée,
Promoteurs rassasiés,
Attente désespérée.
J. Marthouret





Poésie


A l’école, elle se dévoile.
Par coeur, nous l’apprenons.
Récitation, elle se nomme.
En notre coeur, elle s’installe
Et somnole. Belle et douce.
Applaudie par le cercle de famille,
Elle chemine et grandit avec nous,
Jamais oubliée, au tréfonds des pensées.
C’est « La chanson des Escargots »,
De Jacques Prévert
Ou « Mon Cartable »
De Pierre Gamara.
Et de sept à soixante- dix- sept ans,
En coeur nous disons :
« …Mon cartable a mille odeurs.
Mon cartable sent la pomme,
Le livre, l’encre, la gomme,
Et les crayons de couleurs,
Mon cartable sent l’orange,
Le buisson et le nougat……
Les longs cheveux de ma mère
Et les joues de mon papa,
Les matins dans la lumière
Et la rose et le chocolat ».

Confidence pour confidence :
Je hais les horloges !
C’est la faute à Baudelaire,
Dont ces vers illustraient
Un triste souvenir pieux :
« Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! Rapide, avec sa voix
D’insecte, maintenant dit : Je suis Autrefois
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! »
Cyclope vigilant,
Poésie de nos coeurs,
En tous lieux tu te montres.
Et Supervielle se cache derrière mon miroir.
Au matin il chuchote :
« Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir. »

Et c’est encore Baudelaire
Qui point à l’horizon bouché :
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits… »

En ami, le poète nous fait ses confidences,
Sans notes de musique, sans crayons, sans peinture.
Il dit ce que nous sommes, ce que nous éprouvons,
Nos rêves, nos angoisses et l’amour et la mort,
Ce qu’il ressent d’abord et que nous partageons
Ou, ne connaissant pas, nous allons voir ailleurs.
Dernier des hommes libres,
Le poète est artiste.
Il élève, guide, éclaire.
Nous nous laissons porter.
Lorsque je me demande :
Qu’en est-il de ces gens dans ma vie
Fréquentés ? Que sont-ils devenus ?
Supervielle me répond:
« Je bats comme des cartes
Malgré moi des visages,
Et, tous, ils me sont chers.
Parfois l'un tombe à terre
Et j'ai beau le chercher
La carte a disparu.
Je n'en sais rien de plus.
C'était un beau visage
Pourtant, que j'aimais bien.
Je bats les autres cartes.
L'inquiet de ma chambre,
Je veux dire mon coeur,
Continue à brûler
Mais non pour cette carte
Qu'une autre a remplacée :
C'est un nouveau visage,
Le jeu reste complet
Mais toujours mutilé.
C'est tout ce que je sais,
Nul n'en sait d'avantage. »

Pères spirituels, amis de longue route, poètes,
Nous vous aimons.
Et fi de votre vie, elle nous est infinie,
Machado vous le dit.
Blotti sous une dalle, à l’ombre d’un cyprès,
Au cimetière il réside, en son lointain exil.
D’Espagne il est venu, à Collioure il mourut.
Et toujours il reçoit visites sur visites,
Emouvants témoignages de l’amour qu’il suscite.
En sa dernière demeure, une boite recueille
Tous ses courriers du coeur, venus du monde entier.
Et la boite déborde.

L’art est universel et sa langue n’est qu’une,
Pour l’homme singulier en toute création.
N’est-ce point là notre culture commune
En ces temps agités de grande mutation ?
J. Marthouret





ANGOISSE NOCTURNE

Claire,
Nimbée, voilée,
Circée l’enchanteresse,
Confidente nocturne, lune pleine,
Que sais-tu ? Que vois-tu, belle muette,
Cyclopéenne amie ? Où va notre vaisseau fantôme,
Hermès dévoyé et Gaïa retombée dans les bras de Chaos ?
J. Marthouret 


 

MONIQUE










Le poète a cent ans

La tête dans les étoiles,
Il baisse le regard sur le monde hagard.
Ses yeux sont de miel, ses prunelles de fiel,
Son regard se garde de glisser sur le monde.
Il cille d'une saine intelligence critique.
Son oeil affûté de poète aiguille sa vie.

Ses pas sont comptés
Comme les pieds de ses vers.
Sa poésie maîtrisée vit débridée.
La sagesse de ces strophes rime juste.
Il n'est pas réaliste , il est artiste.
Un brin polémique, il défie le politique.

Le dos voûté, il reste à écouter.
Rien ne lui échappe, il se délecte de l'instant.
Il s'émerveille par ses sens toujours en éveil.
Il goûte la vie, la savoure,
La pense, la réfléchit.
Quand il sait, il écrit.
Et quand il sent, il dit.

Cent ans par cent ans,
La vie se vit comme une poésie.





Histoire sans mémoire



Leurs yeux ont perdu la mémoire,
Leurs yeux sont perdus dans leurs pensées,
Ils se sont figés dans le passé.
Réfugiés dans le lointain,
Égarés dans le présent,
Ils se noient dans leur quotidien.
Leur histoire est sans mémoire.

Leurs jours se répètent inlassablement,
Leurs jours se répètent invariablement.
Les différencier, pour quoi faire ?
Automne, hiver, printemps, été,
Se sont écoulés, sont déjà dépassés.
Leurs saisons sont perdues,
Ils ne s'en souviennent plus.

Leurs phrases tournent en boucle,
Leurs phrases restent en suspend.
Leurs mots, leurs idées se mêlent,
Leurs conflits se démêlent,
Angoisses toujours réinventées,
Dans leur monde de sénilité.
Il n'y a plus d'espoir,
L'actualité est trou noir.

Ils ne connaissent plus leurs enfants,
Ils ne connaissent plus leurs petits enfants.
Ils ont déjà rejoint leurs parents.
Ils ne sont plus ceux qu'ils étaient,
Personne ne les reconnaît.
Qui sont les parents, qui sont les enfants ?
A quoi bon chercher...
Générations oubliées...
Monique Pruvost . 2016






Le pont des générations


Le pont des générations :
Un champ de fleur
Où les abeilles puisent le miel
Pour adoucir l’avenir

Le pont des générations :
Un puits sans fond
De la mémoire
Où le passé est histoire
Généalogie imagée racontée
Le pont des générations :
Transmission des savoirs
Où chacun lègue sa pierre pittoresque
A la construction de l'édifice

Le pont des générations :
Architecture de son ossature
Le caractère inné
De ses traits, de son âme brut

Quand une berge disparaît
Le pont des générations
Construit avec tendresse
Toujours se redresse

Du pont des générations
Tels les piliers d'un aqueduc
Chacun retrouve son être
A travers ses ancêtres
Puise son eau à la source
Pour la faire rejaillir...

Monique Pruvost 2016






Avec des si, on mettrait Paris en bouteille


Avec des si, on mettrait Paris en bouteille.
Avec des bouteilles, on chanterait sous la treille
Du jardin du Luxembourg à celui des Tuileries.
On boirait Paris jusqu'à la lie :
Bières sans faux col, rouge vinicole,
Mais plus jamais ce rouge qui tâche de sang Paris.

Où est la logique dans tout ça ?
Mais qu'est ce que la logique ?
Un tic des parisiens cartésiens
Qui ont bouchonné leur sens,
Qui se saoulent de stress,
Se bousculent jusque plus soif .

Et si c'était à refaire...
Je le referais.
Je mettrais Paris en bouteille
Pour enivrer les Parisiens
Par la folie des notes florales.
Qu'ils sentent des campagnes, le raisin
Et des fournils, le bon pain.

Cette bouteille jetée à la mer
Flotterait sur la Seine
A la recherche de l'humanité égarée .
Une ivresse humaine en régal
Dans la trépidante capitale ! Monique Pruvost, 2016







SYLVIE M.


Dans le cartable de ma vie


Dans le cartable de ma vie
Flottent quelques poésies
Quelques rimes bien choisies
Au temps des câlineries
Souvenirs de mon enfance
Dans les écoles de France
Et de mon adolescence
Aux douces turbulences

Pas une nuit d’hiver
Sans monsieur Jacques Prévert
Sans bonhomme de neige
Poursuivi par le froid
Pas un enterrement
Sans les deux escargots
Qui repartent titubant
Coquilles sur le dos
Comment ne pas envier,
Quand on est dissipée
Maurice Carême, coucher
Sur sa feuille l’été,
Trois limaçons doués
Récitant leurs leçons,
Quatre lézards zélés
Faisant un long devoir ?
Avec Char, plus tard,
La poésie transporte
Mes éclats, mon cafard
Pour me rendre plus forte.
Mon professeur aimé
Me fera déclamer
Eluard, liberté
A la Bâtie d’Urfé !
Pour me donner des ailes
La couleur des voyelles
Toucher avec HUGO
Le lyrisme des mots.
Nous citions Aragon
L’affiche rouge nous chantions
Monsieur le Président
Disait Boris Vian
Nos amis désertaient
Objectaient, insoumis
Nous remplissions nos têtes
De subtiles rêveries
Poètes vos papiers
Criait Léo Ferré
« Betty faut pas pleurer »
Nous chantait Lavilliers.
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j'ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
Je murmure Prévert… Cocteau
Dans le creux de tes bras
Et demande : jeune homme
Aux membres frêles : Es-tu l’amour ?
Je reste émerveillée
De cet amour Ardent
Pour les mots, que tu tends
Ballade tant aimée !
A force de m’écrire
Je me découvre un peu
J’ai Chédid pour me lire
Les mots sont comme un jeu.

Sylvie M.




















SYLVIE S.


L'assourdissement du marteau piqueur, les vibrations de ce pieux métallique qui s'enfonce de façon saccadée me mine. Je ne m'entends plus respirer, asphyxiée de poussière de flatras et autres gravats, je me tétanise . L'air de cette après-midi de début de printemps est dense et solide, il n'oxygène pas, il englue, colmate, pétrifie. Encore debout, presque chancelante je n'en peux plus de rendre l'âme, mes blessures sont multiples, plaies béantes, estafilades, écorchures … combien de temps pourrai-je tenir, combien de temps me laissera -t-on agoniser? Il semblerait que certains aient décidé de m'achever, à moins que ces manœuvres ne soient que les prémices d'un énième plan de sauvegarde, de survie, de sur envie.
Depuis ces dernières années, je vis abandonnée de tous les «tout un chacun». Peu d' attention, quelques miteuses visites, seule, triste, retirée en moi même. Je dépéris et me souille du temps.
Le temps, en voilà un qui ne se mouche pas du col. Il se promène, hautain, sur de lui, indifférent aux outrages qu'il inflige. Ce Monsieur est un goujat, un pédant, insidieux et sournois. Il vous enjôle, vous cajole, vous enveloppe de jeunesse soyeuse, pour vous mordre avec la hargne et la rudesse de l'âge douloureux. Maudit soit le Temps, fossoyeur de destin. Il nous enlève ceux qui nous ont voulu, qui nous ont vu nous élever, qui nous ont donné de la vie.
Le temps se prend, s'entre..., se contre..., coure après, bon ou mauvais, perdu ne se rattrape jamais.
Maudit soit ce Temps. Temps de misère, de galère, temps de colère, temps inexis...temps.
Temps passé, Temps jadis, Moi je suis là depuis long...temps … cent ans , çà t'en bouche un coin...hein! Le Temps!! Et en cent ans je les ai tous connus, ceux que tu tourmentais, et qui t'auscultaient, te défiaient en te distordant. Les Apollinaire, Cendras, Eluard, Michaux, Ponge et autres Desnos ou Vian, venaient créer et trinquer avec bien d'autres encore
Moi, je me suis dressée, je me suis édifiée, gonflée pour tous les accueillir. Je les ai protégés, abrités aussi. Ils m'ont fait vivre, m'ont nourri, m'ont fait grandir, m'ont fleuri, m'ont embelli. Certains m'ont même fait décorée!
En cent ans j'en ai connu des chemins, des vies, chagrins et destins.
Aujourd'hui , beaucoup est à faire, je me délabre, trop d'errance, trop de substance, trop d'ignorance, trop d'outrance… mêlées. 
Mais je suis en chantier, je sommeille et surveille, espère l'émotion 

d'une nouvelle génération. Je suis prête à toutes les admirations, 

offrant 

mes entrailles en lieu d'habitation. Jeunes illuminés, venez me prendre 

et m'habiter.


N'ayez pas peur, approchez vous de ma lueur, ne soyez pas intimidé,

mes fenêtres sont cassées, mes murs lézardés, mais ma porte, toujours

ouverte et mon toit sur vos têtes vous invite à faire la fête.... la fête 

dans la maison des poètes.

 

 

 

                                                                          Sylvie S.










FREDERIC


Cent ans de poésie

La poésie n’a pas d’âge pas plus que de mémoire,
Elle passe dans un souffle, irréelle, fuyante.
Sans temps elle erre, elle muse et flâne
« Ô temps suspend ton vol » nous disait Lamartine.

Les siècles en ont vu s’entasser les grimoires,
Où elle est tour à tour aveugle ou bien voyante.
Vécue, elle accumule, elle découvre et glane,
Amoureuse, orgueilleuse, morbide ou libertine.

Pourquoi donner un âge à cet art incertain
Qui virevolte au mépris de l’avancée des jours ?
« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans »
Dit Baudelaire sentant venir l’intemporel.

Les poètes n’ont cure du proche ou du lointain,
Dans les limbes à jamais se situe leur séjour,
Oublieux de leurs heures, mais au vers vigilants,
L’esprit est la matière, le texte est corporel.

Prosodie endiablée ou alexandrins riches,
Cent taons peuvent la piquer, comme elle peut nous bercer.
Le poète mille fois se remet à l’ouvrage,
Pénélope de la rime, Homère de la métrique.
Rimailleur ou génie, le poète défriche,
Il se sait embarqué pour une longue traversée.
Sa rime n’est pas un but, ce n’est qu’un long voyage,
Où les mots, les idées et les vers s’intriquent.

Sang tant et tant, versé pour la cause suprême,
Celle du sentiment pur, de l’orgueil blessé.
Sueur cérébrale nimbant de buée vague
Les émotions ultimes et les amours rêvés.

Langueurs des jours éteints, palpitations extrêmes,
Dans quel état d’esprit nous avez-vous laissés ?
Nos coeurs enflammés à tout jamais divaguent
Au souvenir ardent par la rime soulevé.

Oublions donc ce siècle, le poète est sans âge.
Son oeuvre se fait seule, sans tant compter le temps.
Elle est comme un tableau, déroutant paysage,
Qui traverse les jours, éternel printemps.

FF 12/15







Honni printemps


Je hais le printemps, cette saison heureuse !
Où tout revit, où tout redémarre.
Les autres l’aiment, moi j’en ai marre !
Saison vide, saison creuse.
Les bourgeons, les petits oiseaux,
La tiédeur de l’air, les fleurs,
Les écureuils qui pointent leurs museaux,
Les espaces verts enjôleurs.
C’est trop facile !
Avec des trucs comme ça,
Tout le monde est content !
C’est du bonheur qu’on ensile,
On suit bêtement la doxa,
On trouve tout épatant !
Je hais le printemps, cette saison bénie,
Où tout va mieux parce qu’il fait beau.
C’est la fin de la neurasthénie,
On sort enfin du tombeau.
S’il suffisait d’une d’hirondelle
Pour que tout s’arrange,
On lui devrait une fière chandelle,
Ce serait plutôt un ange.
Mais c’est pas vrai, on nous ment !
La saison ne change rien !
Ce foutu printemps charmant,
Ce n’est qu’un petit vaurien !
Pendant le printemps, c’est comme toujours.
On est malade, on a des ennuis, on meurt.
On s’en fout des beaux jours,
Hors desquels tout demeure.
Au moins, en été, on a trop chaud.
On transpire, on se déshydrate.
On rate son bachot,
Au cours bouillon la rate !
Au moins, en hiver, on a trop froid.
On grelotte, on attrape la crève.
Tous les jours on porte sa croix,
On sent bien que la vie est brève.
Au moins en automne on sait pas trop.
Les feuilles tombent, il fait frais.
L’été est dans le rétro
Et l’hiver futur effraie.
Je hais le printemps, cette saison fallacieuse,
Qui nous berce d’espoirs,
De promesses délicieuses,
Nous autres, les pauvres poires !
Ah ! Que viennent les saisons standard !
Le même temps toute l’année.
Pour la météo, plus besoin de radars,
Toutes les saisons simultanées.
Des feuilles où on veut quand on veut.
Des fleurs ou pas, selon ses voeux.
Le chaud, le froid, au thermostat,
Au choix, tristesse ou fiesta.
Pareil pour la pluie et les nuages,
Ce qu’on veut où on est
Pour le soleil ou pour l’ombrage,
A chacun son robinet.
Ça ce serait la liberté !
Mais va y avoir un problème,
Faudra se concerter,
Qui tourne le thermostat ? Moi-même ?

FF 03/16






VOS THONS !


Finie la tribune
Ambitieux Sarko
Quand t’es à la une
C’est pour un fiasco
Ton étoile est morte
Abandonne le jeu
Des gars de ta sorte
Sont des têtes de noeud.

T’as promis la lune
On t’a pris au mot
Hollande sans rancune
Tu sais qu’c’est pas beau
Malgré ton escorte
Qui te fait la cour
Le diable t’emporte
Avec tes discours.

T’avais des lacunes
Au gouvernement
Juppé l’infortune
C’est pour çui qui ment
T’as payé pour l’autre
Tout l’monde s’en souvient
Maintenant c’est nos votes
Qui t’feraient du bien.
T’es inopportune
T’as d’mauvaises idées
Le Pen la fausse brune
On va t’trucider
Tes pensées malsaines
Tu peux t’les garder
Faut quitter la scène
Ou bien t’suicider

Quand on lit les unes
On en voit plein d’autres
Malgré leurs lacunes
Y s’croient bons apôtres
Ils cherchent la gloire
Mais sont bons à rien
Ils veulent le pouvoir
Sans nous faire du bien.

Communs et communes
On voudrait aut’chose
Quelqu’un ou quelqu’une
Qui soit en osmose
Avec nos problèmes
Et tous nos ennuis
Bref quelqu’un qu’on aime
A qui on dise oui.
F.F.





La philosophie des cartons à chapeaux






Forgée par des siècles d’expérience, la philosophie des cartons à chapeaux mérite d’être étudiée, même et surtout si elle est méconnue. Nombre de penseurs l’ignorent ou la dédaignent. Que l’on n’en trouve aucune trace avant l’invention du carton à chapeau, c’est compréhensible, voire même logique.
Un être pensant ne peut pas penser avant que d’exister, c’est un fait clairement établi par le Cogito de Descartes. Ou alors sous une forme métaphysique, par essence inaccessible à l’esprit humain. Par contre, dès l’apparition du carton à chapeau et à partir de la structuration de sa philosophie, nul écho chez les penseurs contemporains. Très tôt, c’est le silence sur ce sujet, chez Kant et Hegel. Comme on pouvait s’y attendre, Auguste Comte nie la scientificité de cette philosophie, allant jusqu’à mettre en doute son existence. Karl Marx est encore plus radical, puisqu’il réfute en bloc cette philosophie, au motif qu’elle est bourgeoise et en tant que telle, amenée à disparaître avec la dictature du prolétariat.
Au XXe siècle, la situation n’est guère meilleure. Un seul penseur d’envergure, le roumain d’expression française Emil Cioran, va réfléchir constructivement sur les éléments disponibles de cette philosophie. En particulier dans le cadre de son approche sur les contenants vides. Dans une étude de 1923, « De la vacuité du vide chapelier », il démonte les rouages principaux de cette pensée en évoquant le vide des cartons qui contiennent le vide des chapeaux qui contiennent le vide des têtes humaines. Analyse fulgurante s’il en est, même si elle demeure empreinte de pessimisme, à l’instar de toute l’œuvre de Cioran.
L’autre philosophe marquant du XXe à s’être penché sur la philosophie des cartons à chapeaux est Martin Heidegger. Bien qu’il l’ait fait de manière marginale dans son grand-œuvre, « Etre et temps », il prend le point de vue inverse de celui que Cioran développera plus tard en évoquant les contenants des contenants des contenants des pensées.
En toute logique, lorsque Jean-Paul Sartre, très influencé par Heidegger publie « L’Etre et le Néant », on s’attend à y trouver davantage qu’une allusion à la philosophie des cartons à chapeaux, mais c’est compter sans les effets de la mode et du temps.
Le temps d’abord. Lorsque cet ouvrage majeur de Sartre paraît, en 1943, en pleine occupation allemande de la France, il est impossible d’évoquer ouvertement le rôle du carton à chapeau qui, par définition enferme la pensée. C’eut été le meilleur moyen d’attirer l’attention de l’occupant sur une comparaison hardie avec sa tyrannie liberticide et de se retrouver ipso facto en prison, voire pire. On sait que Jean-Paul Sartre était un grand
résistant, mais de l’intérieur. Pas de l’intérieur du pays, de l’intérieur de lui- même. C’est à dire qu’en fait, il était le seul à savoir qu’il résistait. Ce n’est qu’après guerre, dans « Les chemins de la liberté » qu’il parlera brièvement des cartons à chapeaux, et encore, essentiellement en tant que boite à objet.
Et c’est ici qu’intervient le second facteur délétère : la mode. Au lendemain de la seconde Guerre mondiale, l’usage de chapeau va se perdre peu à peu. Et avec lui, celui du carton. En effet, philosophie mise à part, que faire d’un carton à chapeau si l’on n’a pas de chapeau ? C’est du reste un des piliers de la philosophie des cartons à chapeaux qui pose que le carton à chapeau ne peut avoir de pensée propre. Toute l’approche de la philosophie des cartons à chapeaux repose sur celle des chapeaux eux-mêmes. Les disparition des couvre-chefs entraînant celle de leurs contenants, elle signe également l’arrêt de mort de leur pensée.
Il est néanmoins une idée forte de la philosophie des cartons à chapeaux qu’il convient de garder en tête, c’est celle de sa supériorité. Dès leur origine, les cartons à chapeaux ont posé cet axiome qu’ils seraient supérieurs à l’humain dans la pensée, au motif indiscutable qu’ils contenaient le melon de l’homme susceptible d’avoir la grosse tête.



F.F.





                                               FLEUR

1 Cent fois cent ans de poésie mais ma mère est toujours la même mère insupportable et tyrannique. Cent fois cent ans de poésie, mais les cul de jatte ne prendront jamais de bain de pieds. Cent fois cent ans de poésie et le clochard sous la porte cochère sera toujours le clochard sous la porte cochère : la gueule boursouflée, tuméfiée sous l’oeil gauche, fendue comme un fruit trop mûr en plusieurs endroits, si bien qu’on jurerait qu’il a plusieurs bouches cousues à la vavite sur le visage, l’élocution contrariée par l’inégale répartition des dents sur la mâchoire, et cependant bavard, apostrophant les passants sidérés d’entendre parler ce gros fruit pourri posé en équilibre sur un amas de chair cuite dans la pisse et la vinasse, une mouche pour seule compagne. Quand la vie fait sa putain, les poètes versifient et les clochards ont le coeur crevé.



2  Cent fois cent ans de poésie jamais n'aboliront le règne révoltant des objets. Nous sommes quelques hommes au milieu des choses : nous passons, ils restent et se transmettent de génération en génération, solides, froids et impassibles comme au premier jour. Les hommes les
façonnent sans soupçonner que c’est une armée de soldats sournois dont ils s'entourent. Les lampadaires qui se jettent contre l'homme titubant, les portes qui écrasent les doigts de l'enfant, les pots de fleurs qui assomment le piéton, les couteaux qui blessent la cuisinière. Et quand la vie fait sa putain, les objets restent imperturbables, sourds à mon
angoisse : je voudrais les briser, alors je donne dans un banc le coup de pied le plus malveillant de toute l'histoire des coups de pieds. Le plus humiliant n’est pas la douleur mais le fait de n’avoir même pas entaillé l'arrogance de ce morceau de bois juché sur deux pieds de fer. Je les ai
tellement épiés que j'ai fini par comprendre : la force des objets c'est de ne pas lire et écrire de poésies.


3 Cent fois cent ans de poésie et je suis toujours le jouet de mes émotions. Je suis un ridicule petit pantin fait d'une volée de bois vert, sur la figure duquel on a peint un sourire indélébile et deux ronds rouges pour les joues. Je suis cette petite chose stupide et palpitante, cette âme
vibrante à la recherche d'une fusion. Quand la vie fait sa putain, et que je n'arrive pas à ajuster ma petite personne au monde extérieur, je porte un noeud papillon pour convoquer l'homme en moi. L'homme en moi est taillé
pour la vie telle qu'elle est, il vit en toute simplicité, les mains dans les poches, campé sur ses deux jambes, tête nue et la pensée au vent. Je sais bien au fond de moi qu'il suffit que quelqu'un dénoue ce noeud papillon pour que je redevienne femme. Mais ceci est une autre histoire

 
                                                                                                                                                    Fleur


                                                                    MARIE


Le parc des sources, le bel endormi
Joliment appelé, doucement déserté, ce parc boisé de platanes, de tilleuls, d’ormes et de marronniers est tout aussi impressionnant que majestueux. Les troncs de ces arbres centenaires sont postés tels des cuirassiers au garde à vous ayant pour mission d’accueillir l’impératrice Eugénie.
Ils sont plantés si harmonieusement que les oiseaux hitchcockiens nichés sur leurs opulentes ramures croassent de cime en cime sans pause silence. Ils sont noirs, menaçants et bombardent de leur fiente les bancs publics ou les promeneurs surpris.
Certaines de ses allées sont bosselées par des racines rebelles qui émergent du sol, fragilisant le pas déterminé des marcheurs audacieux.
Sa traversée à la nuit est cauchemardesque. Le ciel sombre éclairé par quelques réverbères épuisés rend l’atmosphère oppressante. On pourrait même imaginer quelques morts nostalgiques se baladant sans crainte de croiser un insomniaque.
Ce vaste espace entre le hall des sources et l’Opéra a eu son heure de gloire au siècle dernier. Les belles dames se croisaient, se dévisageaient, se jalousaient quand elles se promenaient sous l’élégante galerie les jours de pluie. Quant aux messieurs, ils gardaient en main leurs chapeaux, leurs gants, leurs canes et conversaient secrètement.
Aujourd’hui, des lycéens s’y rencardent à la sortie des cours pendant que quelques rappeurs jusqu’à une heure tardive, clouent le bec des corbeaux de leur musique rythmée.
Il est défraîchi, déserté, sa splendeur d’autrefois s’est même estompée... Situé en plein cœur de Vichy, il reste noble, romantique, poétique mais tellement triste !

Pourquoi ne pas en faire un lieu de « Rendez-vous Littéraire » en compagnie d’Apollinaire, Césaire, Vian, Prévert et tant d’autres à la voix plus discrète comme ceux de l’atelier d’écriture…

Utilisons les deux kiosques Presse qui se désespèrent pour informer les promeneurs d'actions éphémères. Théâtre imaginaire pour y faire des lectures de nos écritures et de nos grands classiques accompagnés par des musiciens à l'âme passionnée ?
Et pourquoi pas, aux Fêtes Napoléoniennes, organiser des balades littéraires ?
Flânons comme au siècle dernier, réveillons notre "bel endormi" et créons le premier "Concert de mots" !!!
                                                                                                                   Marie


Je souris aux passants déroutés.
Je pleure d’être seule à pleurer.
Je hurle à l’écho qui me répond.
Je récite des histoires à voix haute.
J’écris des lignes pour me lire.
Je me mire et je me vois.
J’erre sans en avoir l’air.
Je rêve de mon je.
Je mange ce que je veux.
Je dors avec mon je.
Je dis ce que je crois.
Je pense et je suis.
Je suis et je médite.
Je médite et j’imagine.
Je imagine et je joue.

La vie est un Je, mais sans toi, ce n’est pas du jeu ! Car
Sans ton regard, je m’éteins.
Sans tes larmes, je me dessèche.
Sans ta répartie, je me tais.
Sans ton écoute, je me disperse.
Sans ton œil, je m’illusionne.
Sans ton miroir, je me vois floue.
Sans ton bras, je m’égare.
Sans tes chimères, je fabule.
Sans ta cuisine, je dépéris.
Sans ton désir, je dors.
Sans tes critiques, je m’impose.
Sans toi, je ne pense qu’à moi.
Sans ta folie, je suis trop sage.
Sans ton amour, je me fane.
Sans ton Je, pas de jeu.

                                                                                                                   Marie

 

 

 

 DICTEE DE PRINTEMPS :  samedi 2 avril 2016 

 

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Que j’aie une propension à l’inconstance, voilà qui ne fait aucun doute et cela ne date pas d’hier. J’en suis fort marri, quoique je n’y puisse mais.
Plutôt que de m’alarmer sans cesse de mes revirements d’opinions, je préfère me dire que mon tropisme pour la palinodie fait partie intégrante de mon idiosyncrasie. Il n’est rien de tel que de faire sien un défaut pour qu’il se change, ipso facto, d’ennemi en camarade.
Ainsi, ces hésitations, ces atermoiements sans fin deviennent-ils des compagnons de route. Des idées baroques et farfelues m’environnent de toutes parts, telles des papillons voletant dans l’air tiède d’un éternel été.
Je ne m’inquiète plus de savoir si ma conviction, demain, sera différente de celle d’aujourd’hui, puisque je sais déjà que celle d’après-demain sera autre encore.
En lieu et place des affres de l’indécision, je navigue désormais dans l’apesanteur éthérée d’un tourbillon de pensés antagonistes, toutes différentes, mais toutes semblables en ceci que j’en changerai d’un jour l’autre.
Je me sens prêt, de la sorte, à affronter l’existence grâce à l’énergie, pour ainsi dire cinétique, que cette procrastination perpétuelle me procure. A un certain stade, l’irrésolution devient un moteur, puisque plus rien n’est immobile ni définitif.
C’est avec sérénité que j’attends mon jour ultime, celui que la mort aura choisi pour m’emmener, car je sais déjà que je remettrai au lendemain ce pénible événement…
Frédéric Fossaert







L 'HIVER DES POETES 
Samedi 5 décembre 2015






ADRIENNE


Démon de glace


Ses dents blêmes
Rendues acérées par la haine
Transpiraient des larmes de croquemitaine
Pareilles à des décoctions de chiendent.

Ses yeux nivéens
Etrécis par la rage qui aliène
Exsudaient des hurlements muets de sirènes
Pareils à des cauchemars obscènes.

Ses doigts glacés
Durcis par la folie meurtrière
Arrachaient des lambeaux de chairs familières
Pareils à des scories de cimetière.

Son âme algide
Perdue dans un océan terrible
Tordait des mots arrachés au livre indicible
Pareils à des monstruosités irrémissibles.



LE VIEL HOMME ET L’HIVER


Les deux pieds posés à plat, le vieillard attend.
Sur ses genoux noueux, couché un chat sommeille.
Le jour s’effiloche, ni joyeux ni palpitant
S’étirant de l’aube grise au soir vermeil.

De son fauteuil, il surveille l’hiver inquiétant
Bien tôt abattu cette année sur Montfermeil.
Déjà les premiers flocons tombent en virevoltant
L’entraînant doucement dans un demi-sommeil.

Maintenant l’année est vieille comme lui est vieux.
Doucement ses journées à elle se raccourcissent
Cependant que ces jours à lui s’évanouissent.

Elle, elle renaîtra au détour d’un jour pluvieux.
Mais pour lui, point de ce bienheureux artifice.
Bientôt, la mort lui tendra son triste calice.









Chaos

Léa est fatiguée. Rien ne s'est passé comme prévu aujourd'hui. Le Louvre a vécu une journée de folie et elle sort de la pyramide de verre avec soulagement. Elle laisse derrière elle les hommes de guerre. Une pluie torrentielle tombe alors qu'elle rentre à pied. Elle est trempée de la tête aux pieds quand elle insère sa clef dans la serrure.

La porte se referme avec un bruit de succion dans son dos.
Léa lance son imperméable gorgé d'eau en direction du perroquet de bois. Il tendait ses doigts vers le plafond.
À peine effleuré, le meuble mué en volatile jaune et rouge s'élance en jasant et sifflant vers un ciel émeraude où quelques nuages cinabrins s'effilochent en batifolant.
Dans son maillot de bain en lamé de cuivre entremêlé de larmes de crocodiles, Léa s'avance sur le pont du paquebot qui fend une mer pourprine.
Son bikini de plus en plus déliquescent coule à ses pieds - qu'elle possède délicats - et forme une flaque tremblotante et gélatineuse. Après un moment d'hésitation, ce liquide incertain et iridescent se dirige vers le perroquet qui s'est posé à quelques pas et qui le gobe, gobe... lait.
Devenu voilure, le volatile rejoint le mât de hune. La caraque née du paquebot file bon train quand elle se met à donner de la gîte sous l'œil froid du lièvre qui bondissait hors du sien…
Léa, déséquilibrée un instant par le rude tangage du bateau, se glisse à l'intérieur de la bauge de l'animal à la fourrure couleur de cachou. Cachou Lajaunie ?
La jaune jeune femme atterrit dans cette tanière étroite. Nue comme un ver… de terre, elle déloge la reine de cœur qui se terre, terrait dans l'antre du chapelier fou.
Léa, Alice ? Alice, Léa ? Non, Non !
Avec LeWis, le Wis, né du sourire évanescent du chat du Cheshire, elle la poignarde avec ire, messire.
Du sang craché jaillit une corolle… Caroll, périanthe, calice … Alice, Alice ? Non, Non ! Calice plein du lait de l'ânesse… ânesse de Buridan, plus fine et moins sotte que son frère car élevée par Ockham. Le roi du rasoir et pas de cœur comme la reine morte avec son Wis planté dans son calice plein du lait de l'ânesse sœur.
Plonge Alice et ressort Cléopâtre aux traits de Liz.
La Liz de Richard, pas Cœur de lion ! Mais Burton ! Pas celui des fringues ! L'autre, l'autre !
Alice, Cléopâtre ? Cléopâtre, Alice ? Non, Non !
Oui, mais la pyramide, Cléopâtre-Liz, elle connaît. Et blanche et dégoutante du lait éburnéen qui sèche et colle, elle aiguise, et… Gizeh, le bec de l'oiseau lyre Icare… et ment jusqu'à cent, cent qui s'envole jusqu' à mille, mille y gramme.
Am, stram, gram. Pic et pique… la pointe de la pyramide de verre… du Louvre où Alice-Cléopâtre-Léa habillée de pied en cape est doucement déposée par Icare juste après le bord de la nuit.
Léa secoue sa chevelure d'ébène. Deux ou trois gélules alizarines cliquettent en rejoignant le sol et roulent. Le jour se lève, repoussant la brume albugineuse.
Léa tapote machinalement ses deux talons l'un contre l'autre. Les ailes de Mercure se détachent et deux gouttes de bel argent s'enfuient à tire-d'aile pour se fondre loin d’elle dans le Dédale de la grande citadelle éternelle.

Léa sourit, soupire, s'étire et fixe le mastaba de verre qui s'éclaire sous l'étreinte auréoline du soleil en éclatant en milliers d'étincelles. Une nouvelle journée commence.

Une bombe explose ! 

 


                                                ALYX


La vieille dame


La vieille dame est entrée dans le blanc de l’hiver.
La sève s’est figée, ses mains sont craquelées,
Noueux comme du vieux bois, les doigts sont arrêtés,
Plus de mailles à l’endroit, plus de mailles à l’envers.

Sa vie s’est enveloppée d’un manteau de silence.
Elle se laisse glisser, muette et résignée,
Sur une pente douce où la peine est feutrée,
Où se calment sa peur et son chagrin immense.

Dans les brumes de l’oubli, peu à peu elle s’efface,
Laissant filer les choses auxquelles elle tenait tant,
Elle regarde disparaître autour d’elle les gens.
Dans un coton de neige, elle quitte bientôt la place.

Tout ce qu’elle a donné est planté bien vivant.
C’est au coeur des siens que viendra son printemps.







Aimer l’hiver



Il faut aimer l’hiver
Puisque nous y allons,
Aborder sans colère
La dernière saison.

Apprendre les pensées
Qui bien souvent réclament
Plus de ténacité
Et une belle force d’âme.

Nos pas se font plus lents
Et nos vieux corps se glacent
mais nous avons le temps
de cultiver la grâce.

Bien des beautés s’effacent
Sous la neige et les ans
Mais d’autres les remplacent
qui valent au moins autant

Ce n’est plus le grand feu
D’un soleil tout donné,
Mais qu’il est doux le jeu
Où il faut le créer.















DOMINIQUE   









Peur de lit vert

Elle éteignait la lampe – je détestais cet instant- et j'avais déjà tenté plusieurs rappels, pour un petit massage du pied, pour un bonbon improbable (j'avais brossé mes dents), pour un dernier câlin.
Maintenant c'était sans espoir. Clap de fin. La porte se refermait à tire d'elle, l'emportant à mille années-lumière.
Au mieux je coulais dans un long sommeil réparateur qui ranimerait ma jeune vie trépidante pour un lendemain plein d'espoir.
Au pire je tâtonnais dans le noir, apeuré, désorienté, me perdant dans un gouffre indécis, flottement de réminiscences d’un jour écoulé, d’abstractions de la nuit.
Le parquet craquait. D'imperceptibles froissements murmuraient m'assourdissaient. Des ombres noires me frôlaient. Pays hostile et froid. J'étais pétrifié, mes peurs raclaient mon lit glacé. Un siècle de flocons couvraient mon souffle blanc, la lune blafarde fuyait le vent cinglant.
Avais- je franchi une porte, un passage maléfique, basculé dans l’ abîme malfaisant, satanique ?
Rebrousser chemin, trouver la sortie, le grand jour, et fuir loin de là pour toujours.
Cela m'était impossible. Une énergie invisible m’agrippait, m'engluait dans ses ondes néfastes, me glaçait le sang. Sortir de ce piège à chagrins. En vain.
Je criais de toutes mes forces, ce n'étaient que sons fluets, atones; je voulais déguerpir à toutes jambes, mes pas s'affolaient dans un sur-place épuisant et aphone.
Et puis soudain ce hurlement crevant les ténèbres, familier: c'était bien ma voix que déchirait la terreur, trouant le ciel. Elle ricochait dans la nuit étoilée en échos salvateurs pour échouer sur l'astre éblouissant qui m'emplissait à présent de sa magnificence aveuglante, inespérée.
Adieu catacombes, j'émerge dans le parfum triomphant de «l'Air du Temps».
Une aile intemporelle effleure mes cheveux, j'ose enfin ouvrir les yeux.
La lumière éclabousse ma vie. Je reviens dans mon lit.
Ah vous dirais-je Maman…
Un ange, une madone? est penché sur moi, solaire, sa main protectrice auréole mon front blanc, bonheur ô combien rassurant.
C'était bien Elle, lumineuse, la Reine éclairée de mes nuits d'enfant.





Clocher tors, i libre

La neige goutte à goutte
Regarde fondre le jour
Le clocher ploie sous l’air glaciaire
Des pêchers d’un monde banni
Le ver est dans le fruit
Et les âmes trop tard réunies
Pleurent sur l'homme solitaire
Poète dresses toi prends ton bâton
Car le chemin sera long
Tous ces murs à franchir
Tous ces ponts à construire
Tu gèleras tous leurs chagrins
Au porte-mental des haines
Tu plongeras leurs délires vains
Au garde-fou des peines
Vas papillon de nuit inspirée
Voles à la vitesse de l'obscurité
Afin que tes vers éphémères
Libèrent le piège à rêve amer
Que dans leur naissante clarté
Ils luisent jusque sur les mosquées
Et arrosent de tes yeux las
Le temps qui passe et sonne le glas
Tandis que moi si sure
Je sais qu’il est bien tard
Ce monde quelle imposture
Bleuira dans le noir
De ma mémoire trouée
Pleurent mille calas mitées
Dont les pétales blancs filochent
Au goutte à goutte de mes pensées
Et si la brume au son des cloches
Tarde à mouiller mon front brouillé
Le long du lent néon latent
Je glisse et sombre dans le néant




                                              FLEUR


-1-

Un mardi, en revenant à pied du marché, avec ma mère à qui je donnais encore la main, j'ai vu Tolstoï venir à notre rencontre. J’avais neuf ans, et sans les avoir jamais lus, je connaissais le nom et le visage des quelques grands auteurs que mon père me montrait en photo sur les pages d'un gros livre. J'avais hérité de son admiration pour chacun d'entre eux, je ne pouvais pas ne pas reconnaître Tolstoï. J'avais le souffle coupé, mais ma mère me pressait, elle chantonnait presque de son ton enjoué "Viens, je vais te présenter !" Tant de légèreté m’affolait, j'aurais préféré quelque chose de plus solennel : c’était Tolstoï tout de même ! Mais ma mère était ainsi, gaie et folâtre. Et de surcroît fort ignare puisqu'elle s'est adressée à Tolstoï en ces termes : "Monsieur Loezic, je vous présente ma fille !" et se tournant vers moi elle a ajouté "Monsieur et Madame Loezic ont un merveilleux jardin dans lequel tu aimerais jouer !" Elle désignait au-delà de la place de l'église un vieux mur de pierres. J'ai compris ce jour-là que ma mère ne voyait pas les choses de la même façon que le commun des mortels. Malgré la honte qui me brûlait les joues pour elle, j’ai pensé qu’il valait mieux la laisser dans l’ignorance, d’autant plus que Tolstoï ne paraissait pas se formaliser de la méprise. Peut-être même s’en amusait-il en secret.

-2-

Elle vient d'avaler une assiette de légumes verts, et reste un moment à table, après le déjeuner, repue et satisfaite d'avoir mangé sainement pour une fois : au lieu des sandwich quotidiens, elle a cuisiné et dégusté de bons légumes cuits à l’huile d’olive. Elle les imagine avec satisfaction, encore sous forme de rondelles, dans ce petit sac que l'on appelle estomac. Elle pense à Frida Kahlo et au tableau que l'artiste aurait pu en faire : un autoportrait en robe bleue, assise sur une chaise verte, les mains sur les genoux. A partir du cou, juste sous le menton, le tuyau rouge de son œsophage apparent coule par-dessus la robe, jusqu’au niveau du ventre où il s’arrondit en une petite bourse rouge elle aussi, avec quelques rondelles vertes gentiment étagées les unes sur les autres. Le fond du tableau est jaune ou peut-être lilas, et une grande sérénité se dégage de cette vision. Elle décide que de toute l'œuvre de Frida Kahlo ce tableau est son préféré. Elle se rend bien compte de la part d'orgueil qu'il y a à adorer un tableau imaginé par soi. Comme elle le décrit à son chat, il reste silencieux et semble perdu dans la contemplation d'une chose sur la cloison juste derrière elle. Elle conçoit tout à fait qu’un carnivore comme lui puisse méditer sur un tableau où l’œsophage et l’estomac sont apparents. Le trouvant si concentré, elle se retourne pour suivre le regard du chat, dans l'espoir enfantin de voir son Frida Kahlo pendu au mur, juste derrière elle : elle n'y trouve que le Monochrome blanc d'Alphonse Allais, intitulé « Première communion de jeunes filles chlorotiques par temps de neige ».



-3-

Mon amour,
Je ne vis que pour l'instant où je vous retrouverai ce soir. Seul avec moi, c'est ainsi que je vous veux. Je déteste l'idée de vous partager avec d'autres.
Je regarde parfois vos photos : j'aime votre dégaine. Je vous aime en noeud papillon, je vous aime en veste trouée, je vous aime tête nue, je vous aime fumant, je vous aime de profil, je vous aime détendu, je vous aime dubitatif, je vous aime souriant, je vous aime sérieux, je vous aime perdu, je vous aime concentré.
J'aime les moments que l'on partage au café, ou sous les arbres, ce temps suspendu où nous sommes seuls au milieu de la foule.
Mais j'aime surtout lorsque la journée prend fin et que nous nous installons, vous et moi, sur le vieux canapé rouge. J'aime la façon dont vous me racontez ces histoires de votre Mississipi natal. J'aime quand, les jours où je suis triste, vous me chuchotez qu'entre le chagrin et l'absence d'émotion, vous préférez le chagrin.
Aussi, mon amour, où que vous soyez, et quel que soit le lieu où désormais vous promenez votre jolie petite gueule, sachez que je vous aime. Et je me fous que vous soyez sourd à mon amour, sous prétexte que vous êtes mort dix ans avant ma naissance : William Faulkner, je vous aime !





                                                                         MARIE



1
C’est un poème monorime tout simple de 5 pieds ou 6 pieds. Pas renversant, je vous l’accorde mais le compte est bon !!!


C’est un vendredi treize
Par un soir d’hiver
Que Paris, ville lumière
A vécu l’enfer

A la terrasse se désaltère
C’est déjà hier
Ensemble à un concert
C’est encore hier
Musique et bonne bière
C’est sans commentaire

Dans ce monde à l’envers
On dit c’est la guerre
La terre se désespère
Agissons solidaires

Que tous les luminaires
Nuit et jour nous éclairent
Que lire notre Voltaire
Et ses pensées fédèrent
Dans ce monde de travers

Qu’un hiver littéraire
Ce n’est pas une chimère
Que ce Noël s’avère
Amour à nos compères


2
Là où je suis, je ne vois que des pieds qui marchent vite, ralentissent, s'arrêtent et repartent d'un pas léger. La rue piétonne est bondée.
C’est presque Noël, les vitrines ont revêtu leurs costumes de fête. Les haut-parleurs chantent invariablement Tino Rossi pendant que des marrons chauds titillent mes narines.
L’odeur attise ma mémoire. Mes pensées s’évadent jusqu’à ma grand-mère assise
près de la cheminée avec son panier remplit de châtaignes entre ses cuisses. Elle les fendille une à une, les dépose dans sa vieille poêle trouée et me confie ; « dès que t’entends une douce ritournelle résonner à ton oreille, c’est qu’ta cuisson est aboutie. Tes châtaignes doivent être grillées dehors et tendres dedans.
  • Recentre-toi, pas de mélo aujourd'hui, sinon t'es foutu !
  • J'en étais où ?
Aux douleurs qui me fragilisent, je sens la neige. Timidement, doucement sans trop s'attarder, sans trop s'attacher, elle s’impose. Juste un nuage blanc se dépose sur le macadam, s'efface puis réapparaît. On ne l'a pas invitée mais elle sait qu'elle sera bien accueillie. Les arbres à poil blanchissent pendant que les enfants à quatre pattes rassemblent les quelques flocons qui jonchent le sol.
Moi aussi, je l'aime cette neige car elle change mon horizon, me déguise en esquimau et transforme mon parapluie en igloo.
  • Qu'est-ce qu’il te prend ?
Je suis un habitué de la rue Saint Vincent et m’installe au hasard, selon ma fantaisie. Je déteste la routine. J’aime qu’on me cherche. Car on m’attend avec mon nez rouge et ma phrase choc. Chaque jour j’en trouve une, tantôt amusante, tantôt philosophique, jamais triste…
Je décoince le guindé, je distrais les mômes, je divertis la veuve, je provoque le bourgeois, j’apitoie la bigote, je déride le policier, je choque le curé, j’amuse l’anar et j’écris tout ce que je vois…
Car j’en imagine des histoires juste en espionnant des chaussures au bonnet … j’en ai rempli des carnets écris au crayon gras. C’est Madame Huguette du resto du cœur qui me les procure. Elle aime mes mots qui disent des phrases et qui racontent. Elle n’a pas d’enfant alors elle m’a promis qu’elle les ferait éditer pour les miens.
  • Merde, merde et merde ! c’est Noël qui te fait pleurnicher …
Et ces sapins qui clignotent, qui ravivent des couleurs de fête, des bisous et des câlins oubliés.
  • Non, mon vieux… tu l’as voulu cette liberté !

Ton job, c’est clochard et heureux de l’être !




                                  

                                              MONIQUE






                            

LES HOMMES DERIVENT EN HIVER


Les hommes dérivent en hiver,
Les relations deviennent de verre
Les êtres frisent les fêlures
Les couples frôlent les brisures
Les croyants révèlent leurs cassures

Les regards deviennent transparents
L’autre s’évapore tel du givre
Les hommes ont gelé leur façade
Pour rester de marbre
Les uns désertent les autres
Dans un climat de froidure
Arbres dépouillés
Feuilles caduques ils ne savent plus vivre
Sur la même branche

Les médias stagnent en hiver
Amoncellement des faits-divers
Lancés en rafale de boules de neige
Engourdissant les informations
En stériles désinformations
Ere de communication électronique
Mais des langages verglacés
Qui dérapent au premier virage

Les religions ont les œillères de l'hiver
Les cristaux coupants, sanglants cinglent
Les prédications : des glaçons d'inhumaine froideur
Les routes sont coupées, les Dieux ne savent plus se relier
Des pays croulent sous des amas de combats
Guerres en perpétuel hiver
Qui cachent la partie financière de l’iceberg
Tous ces peuples immigrés
Qui dévalent en avalanche
Sur des contrées dont le frimas
Les contraint à l’hibernation du cœur

Le poète est un éternel enfant naïf
Jouant sur un tapis de neige
Qui s’émerveillerait
Qu’un petit flocon
Par dérision et compassion
Débaroulerait la pente avec détermination
Se transformant peu à peu
En une grosse boule-terre qui pourchasse l’hiver.




VITALE ESCAPADE D’UN RANDONNEUR EN TROUBLE D’HUMEUR


Par la campagne, il était parti,
S’échappant de son lit.
Il arpentait les chemins
D’un égarement certain.
La rivière qu’il entend
Coule tranquillement
Alors que ses pensées
Se déversent agitées,
Jaillissant en cascades
Tumultueuses, maussades,
Giclant ses craintes.
Débordantes complaintes
Violemment rejetées,
Sans cesse ressassées !
Elles se heurtent aux pierres,
A ses bornées œillères
Déposées au fil des jours
Des jamais, des toujours.

Il errait, désespérément solitaire
Sur cette peuplée terre
Qui ne dévoilait qu’ombres
Et gardait la pénombre
De la nuit tombée.
La végétation s’estompait,
Le regard s’évaporait.
Le paysage confus
N’était que diffus.
Nuages souffreteux de verdure
Pour un projet immature
Voilant la face
A pile ou face
A l’homme inquiet
Qui nerveusement marchait
Sans idée de parcours.
Les pas incertains, lourds,
D’un flandrin cherchant son chemin
Vers un improbable destin
Assailli de pourquoi !
Vers qui, vers quoi ?
D’où venait-il ? Qu’était-il ?
Où allait-il ? Qui était-il ?
Personnage fébrile
Sur le fil de sa vie .
Il savait tout de sa naissance,
Il méconnaissait son essence,
Et avait perdu le sens de sa vie
Depuis des nuits.



COULEUR BLAFARDE DE L’HIVER

Ils ont emprunté à l'hiver la froideur du cœur.
Déjà, la neige avait d'un voile, feutré les caricatures,
Engourdissant l'expression dans un glacial futur.
Les feuilles rougies de l'automne sont tombées,
Tourbillonnant d'angoisses et de peurs,
Valsant au rythme du sordide métal,
Concert fourbe de percussions des armes qui sonnent le glas…
Déjà, les oiseaux n'osent plus pépier en liberté !
Pâleur des jours sous restriction…
Nuit longue d'un obscurantisme…
Qu'un croissant de lune n'éclaire même plus !

Il s'avère que chaque hiver est chassé
Par un printemps vengeur de vie.
Le cycle est immuable, le temps des beaux jours viendra :
La chaleur humaine fera fondre la terreur de l'hiver !
Les fleurs ne seront jamais noircies de niqab
Mais revendiqueront leurs couleurs bigarrées de tolérance.
Les artistes feront voguer le drapeau de la liberté de penser.
Les abeilles, librement, butineront des fleurs d'espèces différentes
Aux cœurs desquels chacun puisera son essence de croyance.



LE DERNIER HIVER
Déjà l'hiver est là !
Le vent entend le souffle du dernier râle
Murmurant ses ultimes complaintes.
Ses yeux éblouis tentent de retenir
Le paysage givré qu'il a devant lui
Où brillent ses derniers souvenirs.
C'est si beau un paysage d'hiver !
La pureté des blancs, le silence intense,
Le ciel fardé de poudres irisées...
Jamais il n'avait tant perçu les perles nacrées
Suintant des neiges sous le soleil !

Lui, n'est plus aussi vif que le froid !
Ses membres tels des branches décharnées et rabougries
Laissent le froid l'envahir et l'engourdir.
Ses pas dans la neige dessinent les condoléances
Des dernières empreintes de son existence.
Elles s'effaceront dès les premiers beaux jours
Pour laisser place au renouveau.
Bientôt, les oiseaux pépieront piano
Pour le laisser rêver en paix à son interminable hiver.











SYLVIE S.


1
Papa, il est allé à la gare de Lyon, chercher Pépé et Mémé. Quand ils sont arrivés à la maison, ils sont restés longtemps dans le garage, moi je voulais courir aller les voir, mais Maman a dit que je me calme, que je les laisse arriver. Arriver ? Ils sont arrivés ! puisqu'ils sont avec Papa dans le garage ! Je les entends, je suis derrière la porte de l'escalier.
Enfin ils montent, je veux les embrasser tous les deux en même temps. Les joues de Mémé sont parfumées au « sent bon » du dimanche et celles de Pépé ne piquent pas, elles sont toutes douces, il a du se raser juste avant de prendre le train. Avec son costume, sa chemise et sa cravate y ressemble au monsieur de la banque que des fois Papa et Maman vont voir dans son bureau. Mémé me serre contre elle, elle rit, dit que je suis toujours le plus beau des petits garçons et que même j'ai drôlement grandi depuis qu'on s'est vu pour les vacances. Elle passe sa main dans mes cheveux, que Maman a mouillés pour qu'ils ne rebiquent pas, et les mets tout n'importe comment. J'aime bien quand elle fait ça. Pépé lui me chatouille et m'attrape dans ses bras pour parler dans mon oreille. Il a un secret à me dire :
- Ce soir c'est décidé, j'attends le Père Noël, je lui prépare un casse croûte et on boira un canon ensemble !
-Avec le Père Noël ?! Tu crois qu'tu l'verras ? Maman a dit que si les enfants ne vont pas se coucher et que s'ils dorment pas, le Père Noël y va pas venir parce qu'il n'veut pas qu'on le voit.
-Les enfants...non, mais les Grands-père, c'est différents !
Je regarde Pépé, les yeux tous ronds, je l'admire mon Pépé, il est le plus fort, il n'a peur de rien , même pas de rencontrer le Père Noël, le vrai, pas ceux déguisés des magasins.
Et il l'a rencontré !! Au milieu des cadeaux déballés au pied du sapin, il m'a tout raconté : Son arrivée en traîneau, sa hotte un peu lourde, qu'il aime le saucisson, qu'il a bu qu'un seul canon de rouge parce qu'il n'avait pas fini sa tournée, qu'il a dit que je devais continuer d'être toujours sage et qu'il est parti en remerciant Pépé du casse croûte en disant « à l'année prochaine ! » … Ah ben là, j'suis trop fier !!
Aujourd'hui … c'est moi le grand-père, je suis assis dans la cuisine chez mes enfants, mon petit fils est dans son lit endormi, sur la table il y a du saucisson, une bouteille de Mercurey et deux verres. 
 
J'attends le Père Noël !!! …..




2
Tout est prêt !!
Ouf ! J'en peux plus de ces courses, j'ai beau avoir une charrette à roulettes, j'ai toujours des tas de sacs à porter. Faut dire que depuis deux jours je n'arrête pas. Tout doit être parfait. J'ai commencé par ranger la maison, et j'ai enchaîné avec le ménage. Gabrielle m'a téléphoné mardi soir pour me prévenir qu'elle descendrait samedi, elle arrivera au train de 12h15. Je lui ai préparé sa chambre, à ma petite fille, j'ai fait faire quelques transformations depuis sa dernière visite. On n'avait rien changé depuis le moment où elle est venue vivre avec moi , à la mort de ses parents. A l'époque elle avait 9 ans, aujourd'hui elle en a 11 de plus, il était grand temps de moderniser tout ça et de lui faire un espace qui cadre mieux avec les goûts d'une jeune étudiante parisienne.
Les doubles rideaux et le dessus de lit sont assortis à la peinture, un camaïeu de beige et de taupe, c'est moi qui les aie faits ! Je suis impatiente de voir son expression quand elle ouvrira la porte de sa chambre. Elle va être ébahie, ma ptite'chérie. Je peux bien la gâter, c'est mon rayon de soleil cette mignonne, je n'ai plus qu'elle, puisque mon fils et ma belle-fille n'ont pas survécus à cet horrible accident de voiture...Qu'est-ce que je serais devenue sans cette enfant a élever, c'est elle qui m'a fait tenir debout, c'est elle qui m'a fait avancer, qui m'a maintenue en vie.
Bon allez, il faut que je m'remue, comme disait Raymond mon défunt, son grand-père : « secoues toi ma fille !! ».
Je n'ai plus que quelques heures pour lui préparer ses plats préférés :
Un pâté aux pommes de terre, une pompe aux grattons, un lapin au vin blanc et aux olives . Je vais lui faire une tarte aux poires et... un cake au citron pour son petit déjeuner... dimanche. On va se régaler, pour samedi soir j'ai prévu des escargots.... une folie gastrique... mais tant pis, on aime trop ça toutes les deux ! On prendra du citrate de bétaïne ! Ah et puis on va se boire une bouteille de champ'. J'adore ces moments là, quand on a bu deux ou trois coupes, le soir, assises côte à côte sur le canapé, on se laisse glisser dans un bain chaud de confidences... quelques fois très intimes... on est alors deux amies, deux complices, deux femmes...

C'est dommage qu'elle ne vienne que demain midi... elle aurait pu prendre le train de ce

 soir.... elle a tellement envie d'aller à ce concert avec ses deux copines, je n'ai pas voulu

 insister et puis c'est une salle mythique, Le Bataclan.....

Tout est prêt, je l'attends.




















                
                                             VALERIE






1 Scare et Pécie se téléphonent.


- allopécie, comment vas-tu ? Je ne pensais pas te trouver chez toi !
- Escare ! Je suis ravie de t'entendre.
- Je ne te dérange pas ?
- Non, je couperose ; mon massif de rosacée est envahi par une sorte de lichen scléro-atrophique, Orgelet c'était l'année dernière, comme quoi dame nature !
- A part ton jardinage, comment vas-tu ?
- j'ai une balanite d'enfer, je papillonite, et puis j'ai décroché un cdd chez l'urtiquaire du coin, à moi commodes et armoires anciennes à vendre et à acheter. Enphétamine , m'a quelque peu pistonné, l'urtiquaire est un ami de son furoncle et de sa tante.
- génial, tu as vraiment l'air d'être en forme ?
- Tom m'a organisé un voyage surprise. D'abord les cataracte de bravoure pour lui car il n'est pas trop château, on a fait le choléra pour terminer par les fièvres de la vallée du Rift. Et gale à lui même ce Tom.
- et toi, des nouvelles ?
- Oh je suis comme un chancre mou. Dyshidrose ne t'a pas appelé ?
- Shidrose, Non, je t'aurai prévenu.
- Elle m'a quitté hier. Elle m'a pris en grippe depuis un mois. La peste, elle a toujours fait preuve de septicémie à mon égard. Je me suis pris une folliculite cette nuit, j'ai encore une sacrée barre.
- Quoi ? Mais tu étais sa coqueluche ?
- La teigne ! Méla et noemie n'ont rien pu faire. Elle est partie habiter dans la zona son frère.
- la zone de son frère, Scare, ton français ! Passe à la maison, je vais te préparer une bonne petite pelade avec un bon verre de rosé.
- mais quel herpes de salope elle fait, tu te rends compte !
- Scarelatina, elle ne te plairait pas ?
- Celle qui a appris la sténose et la dactylo chez ton père ?
- Oui, on avait pas encore d'appareil lacrymal mais ce n'est pas le sujet.
- elle a eu son eczema au fait ?
- Scare, tu évites le sujet ?
- Pécie, je suis sûr que tumeur de soif, je vais te laisser.
- Réfléchis quand même, pour Tina, tu pourrais te mettre sur la liste des candidoses.
- le mal d'amour, ça gangrène tout, alors…
- mouai, siphylisse m'appelle, c'est la sœur de Tina, je lui parlerai de toi. Allez, prépare toi un bon ebola de chocolat, ça va te remonter. Et filariose faire des courses, ça te changera les idées.
- non, au lit pour moi, je me sens un peu fébrile, à demain, on se trombidiose en fin de journée.



  


2
L'homme à peur , il chancelle, il est terrorisé,
là, seul et voûté, il se cramponne au panneau,
piégé par la glace, mon dieu que cet être est beau,
égaré, pris tel l'oiseau, perdu sur cette place,
l'air hagard, paniqué, tête légèrement penchée,
la dure terre blanche a gelé, il ne peut marcher,
il sent que bientôt il va glisser, chuter.

Nos regards se croisent, le sien azur éclatant,
étincelant, et puis c'est délicatement,
que je lui tends mon bras et qu'il m’emboîte le pas
d'un air décidé, en route pour la traversée,
il est si léger malgré le poids des années.

Je me penche vers lui pour lire les marques du temps,
ce tremblement menaçant, son écharpe rouge sang,
sa peau si boucanée, halée, tannée, séchée,
tous ces profonds sillons qui parcourent son visage;
sa tenue noire soignée, il ressemble à un mage.

Il marche avec courage malgré son très grand age,
ses cheveux enneigés, ses lèvres ciselées,
ses douces mains raffinées, son joli béret,
pas à pas il avance, lentement, doucement,
un air malicieux, rusé rend l'homme si charmant,
la traversée prend fin, l'homme me lâche peu à peu;
d'un regard affectueux, nous nous disons adieu.



3
Histoire d'une vie
Les mots en caractère gras sont des titres de romans

Grandir, c'est le temps de grandes espérances, les vrais bonheurs, le pays sans adultes, le temps des secrets, l'art de l'oisiveté, la volupté d’être. Puis viennent la métamorphose, l'éveil de l'intelligence, les transformations silencieuses sans oublier la politique du rebelle.
Soudain, j'ai l'esprit nomade: objectif paris, un long chemin vers la liberté Je suis l'homme qui voulait changer le monde, et j'ai le goût du risque, je me prends pour le visionnaire ! Alors, c'est le premier amour, ma première femme, une vraie parisienne.
Et très vite , le formidable événement: un enfant, elle s'appelait Sarah, sage comme une image ! Je suis un père idéal et le plus heureux des hommes, ma vie est tout a fait fascinante
Nous sommes la famille modèle, rien ne vaut la douceur du foyer

Tout à coup, l'intranquille: l'enfer commence avec elle, erreur fatale, la sottise, c'est arrivé comme ca, sans raison. C'est le palais du désir, j'ai le diable aux corps, deux femmes, double jeu. Je suis le roi des mensonges, d'un millier de mensonges. C'est folie dans la famille, l'impossible pardon.

La famille en désordre: cinquante ans passés, présent et avenir, l'heure trouble.
Je suis au bout du rouleau, divorce a Buda, la bataille, chute libre, descente aux enfers, on ne peut compter sur personne. C'est l'isolation, l'hiver de la grande solitude et la pension alimentaire, le déménagement.
Quand reviendras tu ? J'ai un cœur trop lourd, je vis dans le jardin des larmes, sans famille.
Et si je me confessais, je commence la thérapie, non le passé ne meurt jamais.

Vingt ans après: Je veux de la vérité et joue cartes sur table, transparence. Par un soleil d'octobre, je pars vers la mer, vers le sud. direction la grande île. Voici le temps retrouvé, le second souffle: une vie comme neuve, me voici l'homme qui rit, le retour du bonheur, chouette une ride !

Dernière escale: Un si long voyage dans le jardin du passé.
Tout compte fait, Je reviens à Paris ma bonne ville, jours tranquilles à Clichy; j'ai rêvé de courir longtemps mais c'est la dernière porte. Puis je vous dire un secret ? tout ce que je sais c'est que je ne sais rien .
Je suis au terme du voyage, près de la mort porte de la vie, ne t’inquiète pas pour moi, tendre est la nuit.







                                        FREDERIC



I vert

L’hiver nous est tombé dessus ; ouille !
Les arbres ont perdu leurs feuilles rouille.
Les frimas sont là ; aglagla
L’église égrène ses heures tristes, ah glas, glas…

La lumière légère ne pèse que d’un poids chiche,
Dans le ciel, le soleil, gros comme un pois chiche,
Tente de darder ses rayons vers
La terre comme au pôle le rayon vert.

C’en est fait de la longueur de ces jours
Où l’on fit avec bonheur deux séjours
Sous des cieux éternellement cléments
Dont celui qui dit avoir la clef ment.

Mais courage après l’hiver vient le printemps
Nous retrouverons la joie en empruntant
Les chemins battus par la gent féminine
Des vers et de la prose élite,
Auprès de leur mâle prosélyte.






Pour ranger ses livres

Il voulait s’en aller faire du ski
Inhaler des sommets l’air exquis
Il mit sur sa voiture des pneus cloutés
Et partit dans un brouillard flouté
Là bas vers les pics nivaux
Sur l’autoroute sans passages à niveau.
Mais en arrivant, quelle déception,
Toutes les pentes, sans exception
Etaient dépourvues de poudreuse,
Pierreuses, ocreuses, cendreuses.
C’était la faute au réchauffement climatique,
Tout à fait symptomatique.
Comme il s’était fourvoyé,
Il s’en revint dans ses foyers
Fort déçu, tout dépité,
Il pensa avec sérénité
Que vais-je faire de mes skis ?
Chez lui, en buvant un whisky,
Il se demanda « dans quel état j’erre » ?
Et il en fit des étagères.







SUR ONZE PIEDS

C’est lili, c’est lili, c’est l’hiver maintenant,
C’est le G, c’est le G, le gel permanent.
Et y’en a, et y’en, y’en a pour longtemps
C’est pas gai, c’est pas gai, tout ce foutu temps.

Dis c’est quand, dis c’est quand qu’il fera soleil
Qu’on aura, qu’on aura, bien chaud aux oreilles.
Dans des mois, dans des mois, dans des mois c’est sûr,
Y’aura plus, y’aura plus, y’aura plus d’gerçures.

Mais il faut, mais il faut, mais il faut attendre,
Le prinprin, le printemps, le printemps si tendre.
D’ici là, d’ici là, d’ici là y’a qu’à,
Boire un coup, boire un coup, boire un coup d’vodka.

C’est bien mieux, c’est bien mieux, c’est bien mieux qu’un grog,
C’est si bon, c’est si bon, on dirait d’la drogue.
Ca rend sou, ça rend sou, ça rend soulographe,
On bébé, on bégaie comme un phonographe.

C’est poupou, c’est pour ça, qu’on attend l’printemps
Qui renren, qui renren, qui rend repentant.
Les bobo, les beaux jours, qui vont revenir,
Vont nous a, vont nous a, vont nous assainir.

Y s’rait temps, y s’rait temps, car ma poésie,
Pleine de fan, pleine de fan, pleine de fantaisie.
Est au bout, est au bout, au bout du rouleau,
C’est pas du, c’est pas du, c’est pas du boulot…

 

 

 

 

La dictée du Stylo d'Or: Texte de Frédéric Fossaert inspiré de « La confession d’un enfant du siècle » D’Alfred de Musset

Le désenchantement

Photo de MussetNous convînmes de ne plus nous revoir, de crainte que vous ne fussiez offusquée et que nos relations prissent un tour tyrannique.
Néanmoins, je me prenais à rêver à ces temps où, jeune sybarite, je m’imaginais caracolant ardemment vers vous sur une haquenée allant l’amble ; de la race de celles que j’avais vues jadis musant en troupeau dans des champs de bruyère et de trèfle incarnats.
J’entends encore tintinnabuler les verres que nous entrechoquions, tandis que j’étais l’amphitryon de vos fêtes anodines où nous nous gaussions en abusant de surnoms hypocoristiques. J’étais Apis et vous la taure promise au rite extatique, du moins était-ce là ce qui surnageait du maelström de mes sentiments ambigus.
Les louanges de vous que j’avais entendues me berçaient de l’idée incongrue que vous eussiez pu être celle qui partagerait mon eudémonisme quiétiste. Et alors que vous me laissiez m’abandonner aux mille ridicules de l’amoureux transi, j’ignorais que vous en fussiez l’observatrice goguenarde. Je ne réalisais pas que mes élans brouillons mais sincères se brisaient sur les récifs cruels de votre indifférence moqueuse.
C’en est fait de mes idéaux de nigaud, votre attitude sinueuse m’a dessillé. Vous prîtes le parti d’en rire, tandis que je ravalais mes larmes, vous vous esclaffâtes quand je sanglotais…
Désormais, mon cœur néantisé n’appelle plus pour moi, de ses vœux désenchantés, que la vie érémitique de l’anachorète au désert.


                                                             













A lire, le beau texte d'Alyx, de l'Atelier d'écriture...

Octobre 2015


Résultat de recherche d'images pour "l'été images"L' Eté des Poètes   Juin 2015 

 

 

 Adrienne



Cauchemar


Une fumée incarnadine rugit hors de l'obsidienne à l'éclat souillé et s'entortilla autour du fut malingre d'un baobab gigantesque croulant sous une horde de morts hallucinés et armés de crocs aux relents d'ammoniac frelaté. L'aube gémissait. Le vrombissement endiablé surgi des élytres de milliers d'eumolpes brisa le dais marbré du ciel qui se répandit en larmes de lymphe pustuleuse et olivâtre. Des droséras anémophiles et digressives s'élevèrent en claquant du bec, tirant dans leur sillage une vague de ptérodactyles amorphes agitant frénétiquement des moignons d'ailes. L'hellébore fétide hésita au bord du monde, arracha ses racines émétiques et remplies de sagesse puis se décida à accoucher du tripode aux pieds de feu puant le carbone mithridatisé qui la déchirait depuis des millénaires à coup de trilles assassines et ultrasoniques. Soudain l'appel tonitruant et feutré des cloches adamantines du pur sang à la croupe couverte d'arabesques mauresques troua le décor. La bulle de savon s'éleva. L'aiguille du géant lilliputien parée de sa dentelure de sang vert trancha la bulle. Pop ! Noir, noir, noir ! Tête dans le bocal. Chacal au regard de percale ! Rien. Bancal.

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Eumolpe : insecte coléoptère. Ravage la vigne. Peut être synonyme de "écrivain".
Droséra : Plante carnivore vivant dans les tourbières.
Digressif : qui fait des digressions (développement qui s'écarte du sujet principal).
Anémophile : plantes dont les fleurs se prêtent à l'entraînement du pollen par le vent.
Emétique : qui provoque le vomissement.
Mithridatisé : rendu insensible, indifférent (figuré).



INSOMNIE

Tourbillons froids de l’enfer
Énormes et noirs.
Cruelles chimères,
Azazel ou Lucifer !
Quel sinistre entonnoir
Les crache et les agglomère.

Sommeil refusé, vertige
Nausée, ivresse abhorrée
Temps qui se fige
Nuit haïe et espérée
Devenue lointaine déesse
Ou proche diablesse.

La fureur de la lutte
De la harpie avec Belzébuth
Dévore minute par minute
La nuit démolie et sans but.
Démons triomphants et anges anéantis
Appellent ensemble la folie.

Le repos s’échappe
Par une éternelle trappe.
Rage vaine et sans soupape.
Désespoir, fatigue, pleur,
Frayeur, peur, malheur,
Terreur, douleur.

Géhenne harassante et sans fin
Crachant l’angoisse de jours sombres.
Où est le beau et divin séraphin
Triomphant de la cohorte des Ombres ?
Où est l’archange salvateur
Qui balaiera l'agrypnie du veilleur ?



La Peur

Martin suivait ce couloir depuis bien trop longtemps. Pourquoi avait-il suivi cette femme aux cheveux couleur de carotte dans ce bâtiment qui menaçait ruine ? A cause de son parfum entêtant ? De sa démarche légère ? Il ne savait plus trop. Il s'était simplement conduit comme un idiot.
Il cherchait maintenant à regagner l'extérieur et son ambiance colorée, chaude du soleil de l'été. Ici, régnait une fraîcheur qu'il trouvait de plus en plus malsaine et la pénombre semblait s'épaissir au fur-et-à-mesure qu'il s'éternisait entre ces murs lépreux.
Loin devant lui, une porte claqua. Fort. Malgré lui, il sursauta et une onde froide lui parcourut l'échine. La paume de ses mains devint moite. Martin respira un grand coup. Il accéléra son allure. A sa droite, se dessina une porte. Elle était entrouverte. Derrière un nouveau couloir. Pris d'une inspiration subite, il décida de s'y engager. Ici, les murs suintaient. Quelque part, des gouttes d'eau s'égrenaient en un son métallique. Puis, un bruit de talons hauts éclata. Une femme, la femme devait être tout près. Très près. Martin se mit à courir. Il lui fallait la rejoindre. Elle devait savoir retrouver la sortie. Le couloir fit soudain un coude sur la gauche, à angle droit. Là-bas, à l'autre extrémité, il perçut un mouvement fantomatique. Martin sentit son cœur s'emballer. De nouveau, sa respiration se fit hachée et il se couvrit d'une sueur glacée. Il tenta de se raisonner, de reprendre son souffle mais l'adrénaline qui l'avait envahi ne semblait pas de cet avis.
Il écarquillait les yeux, peu sûr de ce qu'il voyait se profiler au fond du corridor qui n'en finissait plus. Un personnage aux traits hagards se dessinait face à lui. Enfin ! Enfin quelqu'un ! Quelqu'un à qui demander son chemin.
Il se précipita encore plus vite vers l'avant et percuta de tout son poids une surface lisse et sale. Choqué, il dévisageait l'inconnu qui se dressait devant lui. Un homme hirsute aux yeux exorbités plongeait ses yeux dans les siens. Sa bouche, grande ouverte, était tordue par un rictus hideux. A travers le voile qui les séparait, la pâleur de l'individu était frappante. Il semblait vidé de tout sang. Gris, il était gris. Des larmes de sueur tremblaient sur ses joues glabres. Martin tendit les mains, son vis-à-vis mima son geste à la perfection.
Alors, il comprit. Son reflet le toisait. Son cœur s'enfla encore et envahit toute sa poitrine. Sous ses coups redoublés, il étouffait. La salive qu'il n'arrivait plus à avaler se mit à couler hors de sa bouche qu'il gardait désespérément ouverte. Derrière lui, un hurlement déchira le silence. Un crissement. Brutal. Menaçant. Une ombre, deux ombres… juste dans son dos. Il les voyait s'agiter dans le miroir. Cette fois, il sentit un cri monter et se ruer hors de sa poitrine. Et tandis qu'il hurlait en regardant le petit groupe qui s'avançait vers lui, Martin sentit une onde chaude et liquide inonder son pantalon. Sa vessie venait de le trahir. Ses jambes plièrent et il s'affaissa.


Le bloc de papier


Blanc, format A4, triste et moche. Il avait eu une couverture, blanche, triste et moche ! Elle avait disparu un jour. Lequel ? Je ne me souvenais plus. Il était posé là, sur un coin de mon bureau blanc, triste et moche mais tout de même pas de format A4. Quoique ! Ce bureau que je trimbalais depuis mon enfance n'était pas immense. Sa surface à vue de nez : douze fois celle de mon vieux bloc de papier. Depuis quand traînait-il sur un coin de ce meuble exigu ? Je n'en avais aucun souvenir. Quand l'avais-je acheté ? Au fait, était-ce bien moi qui en avais fait l'acquisition ? Sans doute. Tout ce que je savais, c'est qu'il était là depuis longtemps. Les coins inférieurs de ses pages se recroquevillaient, s'enroulaient vers le haut, tirebouchonnaient à qui mieux mieux. Au fil du temps, ils se désagrégeaient. D'ailleurs, la première page, elle aussi, subissait l'outrage du temps. Elle était devenue pelucheuse. L'usure la faisait se transformer doucement en une surface irrégulière d'où s'échappaient d'infimes parcelles de papier. Il gisait tantôt à découvert, tantôt noyé sous une marée de factures, de prospectus publicitaires et autres journaux. Il réapparaissait de temps à autre comme pour me narguer. Il me rappelait de façon intermittente qu'il était arrivé ici suite à l'idée absurde que j'avais eu d'écrire. Idée irrationnelle s'il en fût ! A l'école, j'avais toujours été nul en composition française et on ne pouvait pas dire que je passais ma vie dans les bouquins.
Aujourd'hui, alors que j'étais assis pour je ne sais plus quelle raison devant mon bureau, il était là, bien en évidence. Il avait refait surface après quelques semaines de plongée sous-papiers. Je ne me souvenais pas de l'avoir extirpé de la masse sans cesse croissante des documents divers et variés qui s'amoncelaient là. Je passais ma main sur sa surface. Son aspect feutré se retrouvait dans la sensation que j'éprouvais lors de cette caresse. Ce simple geste produisit le soulèvement d'une fine poussière blanche dont une partie resta collée à l'intérieur de ma main. Machinalement, je retroussais ses pages. Si, sur la première d'entre elles, le tracé de son quadrillage n'était plus guère visible, à l'intérieur, ses traits nets dessinaient un ensemble de petits carreaux sagement serrés en bon ordre les uns contre les autres. Ils semblaient agressifs à mes yeux habitués à leurs comparses décolorés. Je refermais le bloc et tentais de lisser les coins qui rebiquaient. Peine perdue. Mes doigts remontèrent alors vers les agrafes qui liaient les pages entre elles. Avec l'ongle d'un index, je grattais le résidu de couverture resté coincé sous elles. Après plusieurs minutes de labeur, je réussis à en détacher les derniers lambeaux.
Mon ouvrage minutieux terminé, je fixais toujours le bloc blanc, triste et moche. Comment avais-je pu penser qu'il était facile d'écrire sur ce type de papier blanc, triste et moche ? Découragé, je détournais mon regard. J'accrochais des yeux mon reflet incrusté dans le miroir rococo dont une bonne moitié sortait de derrière le vieux fauteuil affaissé non loin de ma chaise. Je contemplais alors le visage d'un homme blanc, triste et moche que les ans avaient durement brutalisé. Mécaniquement, d'une main j'ouvris le tiroir de mon dérisoire bureau. Elle se referma sur le petit automatique qui y sommeillait.
Rouge. Le bloc rutila gaiment et but avidement le sang rouge qui était venu l'éclabousser.




Alyx


Si proches

Quelle chance nous avons d’être contemporains !

Rends –toi compte, nous aurions pu ne jamais nous croiser
Vivre les mêmes jours, baigner dans la même culture,
Vibrer aux mêmes films, boire les mêmes musiques,
Craindre les mêmes événements mais être heureux des mêmes progrès,
Nous sommes si différents … et si proches.



Quelle chance nous avons de vivre la même ville !

Rends-toi compte, nous aurions pu ne jamais nous rencontrer
Longer les mêmes rues, flâner dans les mêmes jardins
Connaître les mêmes boutiques, applaudir aux mêmes scènes,
Nous bercer des mêmes reconnaissances familières
Nous sommes si différents… et si proches.


Quelle chance nous avons d’aimer tous deux l’écriture !

Rends-toi compte, nous aurions pu ne jamais nous parler
Regarder aux mêmes fenêtres, faire les mêmes voyages
Nous émerveiller sans cesse des phrases et des mots
De la Beauté et de la Vie qu’ils portent au cœur,
Nous sommes si différents … et si proches


Cascade.

La roche garde la mémoire millionnaire de sa naissance
La roche garde la mémoire de son histoire, de tous les vents et toutes les eaux
La roche a gardé ce soir la chaleur sensuelle du soleil d’aujourd’hui
La roche vient de garder la trace humide de mon pied nu

La roche m’accueille pour quelques instants dans son infini.
Elle reste
Et je ne fais que passer.





Simples éléments d’un printemps en Corse

EAU
La cascade tambourine, m’aveuglant, m’enivrant
Je reçois sa force fraîche qui lui vient des sommets.
Mon crâne ne raisonne plus, il ne fait que sentir.

CRÊTES
Les aiguilles de Bavella découpent le ciel,
Haute dentelle fine toujours renouvelée,
L’ombre et la lumière brodant la roche et les arbres.

MER
L’écume est douce aux pieds et le spectacle immense
Depuis la jolie transparence des bords de plage
Jusqu’aux profondeurs mystérieuses et inquiétantes.

CÔTES
Les strates blanches avancent en haute majesté
Portant au ciel les maisons de Bonifacio
Et le porphyre se couche sous la caresse des vents.

ÎLES
Les rochers en chaos révèlent au creux des vagues
Les plages qui blondissent sous le soleil levant
Les oiseaux nous invitent dans leur paradis
CHANTS
Les voix montent en polyphonies douces et viriles
Livrant un peu des villages aux senteurs de myrte,
De leur vie, leurs amours et leurs ardents combats.

FEU
Le soleil sur mon corps s’est permis tous les coups
J’ai le visage en flamme, et la peau qui me cuit,
Le vin de Corse aussi m’embrase le cœur et l’âme.

AIR
La douce tiédeur du soir libère dans le jardin
Des parfums inconnus d’essences tropicales
Qui portent loin nos rêves et préparent au sommeil.


Ces mots d’une syllabe portent les sens en tous sens
Ils viennent de la Corse en vaisseaux bien chargés,
Il eût fallu pour chacun un chapitre au moins.



Ecrirêve

La promenade fut facile, la montagne était basse.
Déjà le soleil couchait les ombres sur la campagne.
Entre loup et chien, l’écho ne hurlait plus, il ne faisait qu’aboyer.
L’horizon bétonnait, la ville approchait donc,
avec ses résidences si denses,
avec ses chiens attachés,
avec ses chemins quadrillés,
avec son bataillon d’organisation et d’ordr’inateurs.

Cascarède eut peur que la raison arraisonne ses vaisseaux de grand large
pour les rentrer au port.
Il prit une déviante pour ne pas arriver trop vite,
et l’âme agie opéra : il emprunta une cursive.
Il se mit à écrirêver, suivit les volutes, les boucles et les arches
de son écriture courante et fantaisiste
qui conduit la pensée déroulante et déroutante,
sans rime ni raison, sans frime ni direction.
Il tourna la clé des champs et libéra les herbes folles.
La folie était son pays sage.

Il découpa le ciel pour se faire un abri à sa démesure,
en dents de scies pour croquer les importuns.
Puis il se coucha. Il se coucha dans le temps,
parce que Léo avait dit « avec le temps va, tout s’en va ».
Tout s’en va même la raie alitée.
Il ne croyait plus en sa pèche.
Dans sa couche, il ne voulait plus voir la dure taie de la raie alitée.

Les jeux de mots ne sont qu’un passage pour mieux décoller.
Il voulait de l’absurde, du vrai absurde qui met le cul par-dessus tête.
Il se coucha donc le cul sur la tête et ainsi tourne-emboulé,
il vit son for intérieur.
Son for était sombre comme de bien entendu.
Il y avait rangé ses souvenirs, ses émotions :
Il y avait l’armoire à colères : fallait pas l’ouvrir, pas jouer de lyre à cibles,
ça fait mal aux autres quand on les cible.
Il y avait le tiroir à chagrins : fallait le maintenir bien fermé, ça fait mal à soi-même.
Il y avait les projets indicibles, les moqueries acerbes, les agacements,
les préférences, la fierté déplacée, l’amour impossible…
bref tout ce qu’on ne peut partager qu’avec soi-même
et comme il n’était pas égoïste, il quitta son for intérieur.
Il interrompit l’arrêt alité qui par ce canal lui revenait.

Il se leva, la tête dans les étoiles, évita les dents de scies de son abri,
c’est pas bon pour le moral : ça fait des hauts et débat.
Et comment débattre quand on est seul ?
Il se tint debout face à la nuit.
Il se confronta à ses propres idées,
sortit ses propres arguments de leur fourreau de certitude,
sabre au clair de lune, plume au vent des idées fixes
et là, il rejoignit l’absurde du solipsisme :
Il tournait en rond, dans son monde.

Sans foi, sur le guêpier, il remettait son ouvrage,
Mais les mots étaient lourds dans des phrases piégées.
Evoquer ce qui vient, convoquer ce qu’on peut,
invoquer les cieux pour s’envoler jusqu’à eux.
Il n’atteignait que les nuages.
Son écrirêve était nébuleux,
en strates cumulées dignes d’un Nimbus
sans rythme ni passion, il retombait en pluie.

Les autres… il avait besoin des autres.

Il prit alors la route de la ville,
pour se frotter au monde et s’ouvrir l’esprit,
se trouver des compagnons et les admirer :
ceux qui colorient sur tous les tons
ceux qui emmènent sur tous les sons
ceux qui donnent de l’âme au béton
ceux qui sur les planches enchantent les soirées…

La contrainte pour finir n’est pas mauvaise fille.
Sans être canalisée, la pensée se perd en marécage,
Il faut pour lui donner du flux de solides rivages.
Déjà, sur le chemin, Cascarède sentit l’énergie revenir
Comme un papillon, il fonça vers les lumières de la ville.





Caroline

Number 1 :


Iris buvait en son calice
Un vin fou riche en épices
Qu’une goutte de maléfice
Vint en son ciel faire malice.

Sans que vraiment rien elle n’y puisse
Elle ressentit sur sa cuisse
Comme une sorte de petit suisse
Tombé à l’instar d’un vieux truisse.

Sortant tranchants à sa guise
Elle souffla plus fort que la bise
Et sur son excroissance exquise
Elle abattit la lame grise

Couchée sur le bord de son flanc,
Elle suça le laitage blanc
Qui mêlé aux perles de sang
Goûtait les berlingots d’antan.



Number 2 :

Une agapanthe sur la mauvaise pente
Affirmait à un vieux cerisier
Qu’une ancolie sans mélancolie
Ne valait rien sans un brin de folie
Et qu’à vouloir toujours tout maitrisé
Nul ne l’appellerait un jour l’amarante.


De son côté un gros rhododendron
Très lourd sous son feuillage rond
Débitait à un fier hélianthème
Plutôt fort en thème
Un charabia passiflore
Mais très osé sur l’hellébore.


Devant tant de grivoiserie,
rougit l’innocente capucine
Qui dans sa tenue d’opaline
Tourna les yeux vers son amie,
La renoncule à frou-frou
Qui aussitôt la jeta dans la gueule-de-loup


Pleine de rage, la saxifrage
Extirpa de cette bouche vipérine
Le jeune fille et l’autre orchis fine
Qui sans l’aide de la dextre renouée
Eurent été conduits sans ambages
Jusqu’aux limites du rivage.


Admirez ce florissant jardin paysager
Où coexistent les humeurs les plus humaines
De la langueur à la convoitise
De la rage à la couardise
Tout ce qui fait en cette fausse stance
la beauté de ce massif en transe.




Number 3 :


Sur une île de l’océan pacifique vivait Hippolyte, un jeune provençal polyglotte, qui pour satisfaire ses penchants érémitiques, avait dans la roche granitique troué sa demeure troglodyte.
Ne dites à personne, surtout quand le téléphone sonne que notre bienheureux, vit là-bas dans une grotte tout juste assez haute pour pouvoir installer sa hotte.
Car de la visite, il n’en veut point avoir, préférant de beaucoup le lancinant roulis des flots à la conversation incessante de ses aïeux.
La journée il peint des mammouths ou des chevaux sauvages sur les parois de sa cuisine à colombage. Il utilise de la poudre de lilly-pillys ou d’eucalyptus en guise de pigments colorés.
D’ailleurs lui-même qui passe le plus clair de son temps dans son antre sans lumière se sent peu à peu se faner et perdre l’éclat de sa couleur d‘autrefois.
D’un tempérament plutôt roux à peau blanche, il est en passe de devenir, comment dire, transparent voire translucide.
Même les contours de son visage ont changé ce qui lui fait dire à lui-même et à haute voix qu’il est transfiguré. Plus grave encore, il commence à avoir quelque doute sur son genre et se sent irrésistiblement attiré par la transsexualité.
D’ailleurs le koala qui cohabite avec lui aurait fort à raconter s’il avait suffisamment d’énergie pour le faire et surtout si on lui donnait un micro adapté.
Ce transfuge transplanté, translucide et transfiguré devient naturellement transsexuel.
Parfaitement lucide sur son état, pouvant en mesurer l’évolution tous les matins devant le miroir de sa salle de bain, il se grime une fausse barbe rousse sur le menton tout en s’interrogeant fortement sur la façon de remédier à cette auto disparition.
Certes se réinventer un visage tous les matins à la craie noire en pensant qu’elle est rouge est une possibilité mais qui ne peut être que provisoire.
En plus de la dissipation progressive de ses traits il avait dû faire face à la perte irrémédiable de ses cheveux qui l’avait conduit à cette terrible extrémité : confectionner un tissu de peaux de bananes cousues qu’il devait régulièrement remplacer afin de garder le jaune citron de la peau le plus proche selon lui de la couleur carotte de sa chevelure d’antan.
Ces perruques bananières et pourrissantes amassées dans un coin de son habitat commençaient à empester et Hippolyte obligé d’ingurgiter une quantité pharamineuse de ce fruit oblong régressait de jours en jours à l’état de singe.
Tant et si bien qu’une pilosité longue et rêche finit par se fixer vaguement sur le contour de sa silhouette évanescente et il devint en quelques semaines une simple couverture de poils.
Il se traînait dans la maison comme une serpillère mal lavée et lorsque sur ces 2 pattes il se redressait les bras écartés, il ressemblait à une chauve souris dépliant ses ailes velues.
A la puanteur des bananes en décomposition s’ajouta vite un désagréable remugle qui émanait de lui-même et qu’Hippolyte mit longtemps à identifier.
C’est son compagnon le koala qui, de façon tout à fait fortuite, lui révéla les raisons de son malaise, lorsqu’un jour de tempête, il quitta la maison sans fermer la porte.
Hippolyte s’approcha du seuil et huma les relents venues de l’océan et portés par le vent déchaîné. Puis, il se retourna et fit quelques pas à l’intérieur de la pièce ce qui lui permit enfin de mettre un nom sur son exhalaison.
Il sentait le renfermé.
Ce fut comme une révélation pour lui. En trouvant le bon mot, il trouvait la solution à tous ses maux.
Il courut vers la plage, sautant de joie, dansant sur le sable tandis qu’un à un tous ses poils s’envolaient dans le souffle puissant.
Il tournoya pendant des heures comme s’il passait dans le tambour d’une machine à laver.
C’est alors que le soleil réapparut sur une mer enfin calmée.
Essoufflé mais heureux, Hippolyte s’approcha de l’eau et put enfin revoir son reflet dans les vagues apaisées. Il reconnut ses yeux, son front, sa bouche, sa tignasse colorée et tout ce qui faisait de lui l’être qu’il était.
Il sourit et tranquillement regarda son ami le koala.
Il le mit sur son dos tandis qu’au loin les sirènes d’un cargo en partance retentissaient.
Il agita les mains et se mit à appeler pour qu’au plus tôt on vienne le rechercher.









Dominique


Mariage en Absurdie


C’est enfin jour de Grande Lessive
le bal des pingouins hilares s’élance
en lissant leur humeur mouillée
sur les prés vannés que tordent
de rires obsolètes les hologrammes
feutrés mais néanmoins populaires.
Réminiscences  de cristaux bavards
destinées aux prétentions féroces
d’ analphabètes ventripotents.
Même si le Grand Veneur
n’est pas à la noce il s’accroche
à l’immensité en dégustant son cri lustré
et la Sainte Trinité badine
sur le bec bien huilé de mille igloos fragiles.
On est déjà à mi-aout.
L’escadrille amarante exulte inexorablement
Chagall botte en touche
et c’est d’une belle oie blanche
qu’il glisse parmi nous. 
Il en fait tout un cirque
chat piteux s’il en est.
Mais la montagne est belle
les mots clament à tire d’aile
tandis que l’horizon enchante le néon.
Où sont donc passés les enfants d’Edouard ?
C’est le temps de la célébration
le vaisseau du futur absorbe les mariés
sous les joyeux graffitis en queue de pie.
La cérémonie enjambe les corridors
le fluide spatial s’engouffre entre les toiles.
Les points de suspension ne tenant qu'à un fil
les fautes d'ortolan s'y agrafent graciles
les Inuits inutiles effeuillent le papier blanc
glacé de la banquise
font publier les bans
l'encre bleue est exquise.
Les curistes curieux n'en ont cure
et dégomment l'astrolabe hasardeux.


Grenade enchantée


La grenade écarlate éclate d'un rire charmant
S'étale sous les lattes du ténébreux aimant
Dégoupille le té de son cri arbouté
Il ne reste qu'un nébreu au sort des plus curieux
Attiré sous les ifs par l'amour explosif
D'une silhouette en paille qui s'enflamme et se taille
Un chemin au soleil la rejoint à tire d'elle
En fume un sort ses runes et se rit de la lune
Le grenadier est fier de sa graine guerrière.


Songe de Galice en Dalilée

Les lisses dauphins si lestes jaillissent des jonquilles
Et sur la jonque céleste la dorade écarquille
Un lagon médusé au long songe éthéré
C'est à l'or que Galice à l'orée d'un calice
Palisse les oranges qui de leur pelure frangent
Le radeau de Vénus et se branchent à Janus
Un spectre sidéral effleure le soleil
Mensonge vespéral d' une vapeur de vermeille
L' esquille de glace pure s'allonge près des mésanges
En légères coques de bure brillant de mille losanges
Elude l'astre adoré
Dans le marais abstrait une pagode élidée
Lui tire son portrait et tandis qu'insouciantes
Tournent les montres molles les ondes turbulentes
D’une valse s'étiolent
Un bel éphémère bleu sautille au bord des yeux
D'une souris acoustique atypique et quantique
Et le bal des chimères chamarrant les mandoles
Indolence douce-amère se love en alvéoles
La chrysalide des anges crescendo ravissant
Diffuse un son étrange bruissement évanescent
Galice glisse dans les airs esquisse un clair de terre
Sur ses draps alunit atterrit dans son lit.







Fleur

-1-

Le cul sur le sol brûlant du bagne de Saint-Laurent-du-Maroni, il a façonné à coup de caillasse la cuillère à soupe dérobée au réfectoire, où les bagnards en rang serrés se concentrent sur leur assiette de fer blanc pour ne pas voir la crasse dont les mouches s’enivrent et les lettres gravées dans le bois de la table à la cuillère, ou peut-être aussi gravées à l’ongle par un enragé devenu fou bien avant la cellule d’isolement, et au-delà de la crasse et des lettres gravées dans le bois de la table, le dos des bagnards de la rangée de devant – ici on ne mange pas face à face, mais tous tournés vers le mur du fond, sur lequel les lampes à pétrole ont laissé des traces de fumée noire torturées comme la chevelure du Diable.

A coup de caillasse, à chaque seconde d’inattention des gardiens, mais sans précipitation, maîtrisant son impatience, il a aplati le bombé de la cuillère à soupe. Quand il l’a trouvé assez plate, elle n’était pas encore prête, sa petite chérie travaillée le cul sur le sol brûlant du bagne. Il la voulait affûtée et une fois affûtée il l’a voulue aiguisée, et par la seule volonté de sortir de l’Enfer, il a métamorphosé la cuillère à soupe dérobée au réfectoire en un sacré poignard de bagnard. Avec patience, la tête rasée brandie au soleil de Guyane, parfois dodelinante de fatigue à la façon d’une tête de coquelicot au bout de sa tige poilue lorsque la chaleur est trop forte, parfois immobile comme butée sur un seul rêve – et quel rêve.

Cacher la cuillère à entremets devenue couteau sous son aisselle gauche, entre les côtes et le biceps, avant de se plaindre au gardien d’une douleur violente. Marcher à petits pas à travers les couloirs jusqu'à l’hôpital, absolument concentré sur sa petite chérie qui devenait la chair de sa chair au creux de son aisselle. Poignarder le médecin de sa cuillère-couteau au moment où il se pencherait pour l’ausculter. S'évader. Une fois libre, remonter le Maroni jusque sous les arbres et y mourir de faim ou se faire avaler par un fauve. Peut-être plutôt y crever du paludisme ou de la lèpre, exactement de la même manière animale que les autres bagnards, en finissant couché sur le flanc. Mais en crever en liberté.







-2-

J'ai trouvé la contrebasse dans sa robe de bois clair, allongée sur la tranche aux pieds du piano. Ensorcelante avant même d’avoir fait entendre le son de sa voix. Je me suis assise en face d'elle, scandalisée à l'idée qu'elle puisse être plus féminine que moi - aguicheuse, va ! - mais prenant en douce des leçons de pose. Comme elle m'ignorait encore dix minutes après mon arrivée - blonde, va ! - je l'ai saisie par le chignon pour la redresser sur son unique talon haut.
Elle a laissé aller lascivement son corps contre le mien - allumeuse, va ! - je voulais la faire vibrer, mais je ne pouvais pas, aussi démunie qu'un homme face à une femme fatale.


-3-

La gueule entrouverte des pistaches sur leur perle verte qu’elles tiennent pour un grand trésor, et que les hommes croquent au jardin après avoir écartelé ces prétentieuses petites femelles. Ils les arrosent de Whisky. Une échelle rouge se tient droite au milieu des arbres, avec cet orgueil qu'ont parfois les objets, parce qu'ils ont fait le tour des questions existentielles : ils savent ce à quoi ils sont destinés. Alors elle est là, elle sait qui elle est, et cela suffit. Quant à moi, je m'adosse au mur et me laisse baiser par le soleil.



- 4 -

Si la chance vous sourit, parmi les autres clients du café où vous êtes seule, vous trouvez une belle gueule à détailler. Vous l'observez, vous vous y attardez longuement, avec délice, et chaque détail vous semble tellement à son exacte place que vous savez que vous n'auriez pas pu l'inventer : elle frise la perfection. C'est un cadeau des cieux pour vous récompenser d'avoir subi tellement de visages insignifiants, et de figures ternes, aussitôt vues aussitôt oubliées. Alors cette gueule, vous la savourez, vous la caressez des yeux. Vous l'avalez toute entière et la mâchez. Vous croyez l'avoir assimilée au point qu'elle vous appartient. Mais soudain elle décide qu'elle est autonome, qu'elle doit vivre sa vie, elle veut quitter la scène, et disparaître dans la foule de la rue. Vous avez envie de la rappeler à l'ordre, de hurler votre indignation : elle vous appartient. Un instant vous envisagez de la dérober à son propriétaire, d'un coup de canif éclair. Vous entrevoyez des étagères remplies de belles gueules volées à l'arrachée à la sortie d'un café. Vous vous abstenez, vous espérez seulement que sa sortie sera aussi théâtrale que vous l'auriez imaginée : le plus déchirant, c'est qu'elle s'arrache à vous sans panache.



Marie

Venir d’ailleurs et mourir à Vichy
Quelle drôle de folie presque irréfléchie !
A moins que les bulles de l’eau de Vichy
Fusent et suscitent des pouvoirs enrichis
Ou que les pastilles fraîchement blanchies
Garantissent une haleine bigrement rafraîchie !

A Vichy, on se nippe avec chichi
L’apparence est finement affranchie
Aucun homme à canne n’est avachi
L’allure est superbement réfléchie.

Sans eau thermale, on se sent défraichie !
Restez à Vichy, est un grand pas franchi !!!




Haïku
Deux aiguilles s'enlacent
Deux amoureux se regardent
Minuit est passé



Premier jour de l’été 2015.

C’est la Fête de la musique à Vichy !
Un concert par la « Société Musicale » est annoncé à 15h au kiosque du parc des Bourins, situé à côté du « Tahiti Plage », le long de l’Allier.
Quelques chaises attendent les promeneurs qui passent par hasard. D’autres, prennent place par habitude. Les musiciens sont installés. Quelques retardataires se glissent discrètement entre les pupitres…
A l’heure dite, les chaises commencent à manquer. Les trombonistes s’échauffent, d'autres placent les lutins. Tous, ajustent leurs lunettes sur leurs nez. On n’aperçoit que le haut des cuivres où se reflète le soleil.
Soudain, l'orchestre se lève et salue l’assemblée. Les musiciens arborent fièrement leurs gilets couleur bordeaux, imprimés de joueurs de jazz, gris et or. Leur cou est orné d’un nœud papillon bariolé sur une chemise blanche.
Au premier son des trompettistes, les bavardages cessent. A l’écart, un vieux monsieur assis sur son tabouret pliant, a les yeux pétillants. Près du kiosque, un garçon se hisse sur la rambarde, captivé par la grosse caisse. Les notes glissent sur la contrebasse, sautent sur le saxophone, rebondissent sur le trombone, s’étalent sur le tambour, s’écrasent sur les cymbales. Le thème du film « Le jour le plus long » s’achève, le public emporté par la musique, applaudit à tout rompre.
Ici et là, on se lève, les plus enthousiastes applaudissent sans relâche la fanfare. Les musiciens eux aussi sont debout. La joie se lit sur leurs visages. Dimanche prochain, ils joueront à Riom, sur la place du marché.
Le concert à peine fini, la foule se dirige vers le palais des congrès où va se produire « l’Orchestre d’harmonie de la ville de vichy ». Il suffit de suivre le mouvement, c'est un des plaisirs de cette fête populaire, se laisser porter par le flot humain, sans vraiment savoir où l'on va, ce que l'on va entendre. Même si l'on a son programme dans les mains.
Les musiciens de l'harmonie sont vêtus eux de noir ébène, d’une chemise blanche fermée par un nœud papillon très sobre.
Ce ne sont pas les mêmes gens qui ont pris place au premier rang. Ils sont plus âgés, plus traditionnels, plus habitués à des concerts classiques. Pour autant, d’autres se pressent pour prendre une place restante.
Les musiciens accordent leurs instruments. Le chef d’orchestre annonce le titre de la partition. Il lève sa baguette, le morceau commence, les cuivres se déchainent. Le silence écoute la musique.
Un portable à peine audible est vite stoppé. Des enfants assis en tailleur tapotent en mesure sur leurs genoux.
Au fil des rues, la musique change de ton. Les passages, eux aussi, sont habités par des guitaristes, des chanteurs qui envahissent l’univers des piétons. La ville se transforme en l’espace de quelques heures. On la regarde différemment. On la voit ! Comme si la musique en plein air nous invitait à la redécouvrir, à la voir soudain autrement.
A côté du Café Corse, passage de l’Amirauté, des africains jouent. Leurs doigts frappent la peau du djembé. Sur un même tempo, des européens en concert répondent. Le rythme se répète inlassablement pendant qu'ici et là des corps s’animent, galvanisés, enthousiasmés !
L’homme pressé, la femme à la poussette, les ados en rollers s’arrêtent, fredonnent sans pour autant oser « s’afficher » alors que la puissance de la musique les invite, les incite à se laisser aller, à danser comme s'ils étaient seuls au monde, sans regards désapprobateurs...Pas si facile de danser seul ou à deux, à 17 heures en pleine ville sous le regard des autres...Et pourtant, si seulement ils osaient. Alors ils tapent du pied, claquent des doigts, dandinent des fesses… ils danseront, peut-être plus tard, quand la lumière du jour se sera effacée.
Dans le parc des Sources la « Brasserie le Royal » est assaillie comme les autres cafés par des flâneurs. Attablés, ils se désaltèrent avec une bière bien fraîche, une limonade, un thé glacé. Ils s’attarderont encore un peu, mais pas trop car un autre groupe les attend…
Les musiciens font le spectacle, les enfants dansent, les jambes gigotent, les visages se détendent, les sourires foisonnent. Les amoureux s’embrassent, les amants se touchent, les vieux se tiennent par la main.
C’est une journée pas comme les autres. Le temps s’est arrêté et c’est bon !




Valérie


Un an
Tant d’événements
en seulement un an
c'est en le traversant
que l'on pense à ces gens

ces jeune filles chrétiennes
qui nous font tant de peine
pourquoi Boko Haram
ne baisse-t-il pas les armes

les proches demandent pourquoi
pour ceux du Malaysia
tout à coup envolés
ou sont-ils bien passés ?

ces martyrs de Daesh
qui tel un tissu rêche
les arrache et les tue
ces otages disparus

Charlie est abattu
adieu charb et cabu
unis le 11 janvier
pour tous manifester

ce cher Robin Williams
l'acteur avait une âme
cher maître inattendu
des poètes disparus

l'avion décollera
mais n’atterrira pas
pilote désespéré
préférant s'écraser

ceux qui sortent du lot
pour que le monde soit beau
bravo à Malala
Modiano en sera


cette littérature
rend ce monde plus pur
même si tant de nigauds
parleront toujours trop

je pense à ces médias
et à tous leurs faux pas
ciel l'affaire Nabilla
bien sur qu'elle paraîtra

Mais notre Rosetta
qui à coup de grands pas
a permis de lancer
notre amie Philae

et l'éclipse solaire
qui le temps d'un éclair
nous a tous détourné
de cette bien triste année



Nouveaux mots :
Comme le beaujolais, ils sont arrivés les nouveaux mots que l'on trouvera dans notre prochain dictionnaire . Cette année, on dédiabolise, on mémérise, on glamourise, on psychologise ! Savez vous que tout nous est permis ? On peut se saper comme un baltringue, se chausser de stilettos pour aller déjeuner avec un zadiste ; le menu se composera d'un cari, d'un burger, d'un yuzu, d'un café gourmand et enfin de quelques gogis.
Pour rejoindre notre ami, le covoiturage bien sur ! Pourvu que l'on ne tombe pas sur un boloss comme la dernière fois, nous avions pris cher, il nous avait véhiculé en gyropode. C'est vrai que les particules fines sont devenues notre combat premier mais tout de même ! Mince aujourd'hui, c'est la circulation alternée, énervés nous fumons notre e-cigarette. Ouf notre chauffeur est un hipster qui va taffer, tout sauf un troll.
Nous avons pris contact avec lui à travers les open-data de ce site internet et avons payé en bitcoin, pratique. Il nous raconte qu'il a été un faucheur volontaire mais qu'il s'est pris un scud alors il s'est calmé.
Nous sommes arrivés et rejoignons notre zadiste qui de surcroît est un adepte du véganisme, manquait plus que ça ! Son job consiste à créer des captchas et des gifs ; le reste du temps il est bénévole dans une recyclerie. Pendant le déjeuner, nous parlons périurbanisation, tourisme spatial, marée verte. Nous ne comprenons rien à ses explications sur l'empreinte carbone . Il nous bassine le temps du dessert sur la crise de liquidité et enfin nous avoue être un climato-sceptique. Cela ne nous surprend guère.
Nous commençons à ressentir une électrosensibilité désagréable, nous prenons notre ordinateur et rentrons notre identifiant pour vérifier si le restaurant n'est pas fibré. Pas de cyber-attaque, c'est déjà ça ! Nous quittons notre ami en faisant un petit selfie que nous lui enverrons. Hop, direction la zumba. Dans le taxi nous regardons sur l'écran un tuto expliquant comment nettoyer le cuir et ça nous fait triper . Nous nous détendons pour enfin nous ressentir de la zénitude.


Une année d'écriture
Chère année d'écriture, ce soir je me souviens.
Ces petits personnages que j'ai posés de ma plume, comme sortis de nulle part. Au fur et à mesure des sujets demandés, je les ai mis en scène.
Parfois je pense à eux, cette femme en route pour la Bretagne, ce garçonnet tuant son grand-père, cet homme à New-York un 11 septembre. Il y a aussi ce vieillard glacé, ce fauteuil de psy, cette feuille mourant lentement, ce paquebot portant mes morts, ce paysan malade. Que de méli-mêle mots dans mon cerveau pour les raconter. Quel plaisir ai-je pris à les avoir crées. Et vos histoires à vous qui m'ont aussi marqué, c'était vraiment bien de les avoir partager. Et ce vocabulaire et ces expressions si bien expliquées par notre maître émérite. Tout cela s'est passé et vraiment bien passé.
Mais surtout ces rencontres, et le temps d'un café nous oubliions nos montres pour tant se raconter. Mes copines d'écriture, je vous promet de travailler dur cet été sur mon problème de tirets. Ne soyez pas trop sages, remplissez vous d'images, afin que nous puissions toutes, à la rentrée, tourner bien d'autres pages.




Frédéric


Vanitas, vanitas vanitatis et omnia vanitas

Ecrits et châtiment.
Dans cette zone grise
Qu’est la vie,
Entre chien et loup,
Qui dit la vérité ?
Qui ment ?
Au jeu du chat et de la souris,
Qui gagne, qui perd ?
Et cris et chat qui ment,
Et couinements de la souris,
Tohu bohu, charivari, ramdam,
Où est la vérité ?
Au fond du puits, comme d’habitude,
Depuis la lassitude
Dont elle ne se défait plus.
Dans son puits il a plu,
Tant et plus,
Au début, ça lui a plu.
Et puis elle s’est lassée,
De la pluie aussi,
Comme du reste.
Voilà dix mille ans
Que la vérité coule.
Elle coule à pic,
Au fond du puits,
Ou bien elle coule des jours heureux,
Quand vient l’appui
D’une bonne nouvelle,
D’un élan de justice,
Qu’elle saisit de justesse.
Sinon, la plupart du temps,
Elle s’ennuie d’elle-même.
Là-haut, au grand jour,
Le chat ment méchamment.
Le chien aboie dans les bois,
Où le loup loupe la souris
Verte qui court dans l’herbe.
Et les hommes dans tout ça ?
Ils la cherchent la vérité ?
La lanterne de Diogène
Ne serait pas de trop
Dans le puits sans fond
De la vérité sans fard.
Du fond de son puits,
Elle a creusé profond,
Jusqu’au centre de la terre.
Elle a eu chaud, la vérité,
Mais moins qu’en surface.
Finalement, à force de creuser,
Comme un chat perçant,
Elle est arrivée de l’autre côté de la terre.
Là où on mange les chiens,
Là où l’homme est un loup pour l’homme,
Là où les souris
Commandent aux ordinateurs.
Elle a pointé son museau de vérité
A la margelle du puits.
On a voulu l’enfermer immédiatement,
Alors elle a replongé dans son puits
D’ennui, de nuit, dénué d’huis.
Depuis, elle puise la patience
D’attendre des jours meilleurs.
Lorsque la terre en aura fini
Avec les souris, les chats,
Les chiens, les loups,
Et surtout les hommes menteurs,
La vérité se retrouvera
Seule avec les arbres et les insectes,
Les fleurs et les oiseaux.
Plus personne n’aura besoin d’elle,
Mais elle pourra sortir au grand jour.
Elle regardera le ciel
Gris et plombé,
Elle humera l’air
Epais et fuligineux,
Puis elle s’écriera :
« Si on me l’avait demandé,
J’aurais dit la vérité »…





L'ODYSSEE DE L'EAU D'ICI

Plus tard l'ailleurs meilleur !
Pas sûrs les délices de l'au-delà,
Lapons du calice l'eau d'ici.
Gouleyante, l'eau de là,
Pétillante à Vichy.
Une note un peu salée,
Très bon pour le moral.
Verte mine, et râle ?
Vertus minérales !
Vraies ou fausses, toutes eaux.
Pitié pour l'humain zoo.
Certes, vaut pas tripette,
Mais bien là, saperlipopette !
Pas facile l'ici bas,
Entre samba et combat.
Brève la traversée,
Sourire, larme versée,
Le temps de comprendre,
Les jouets faut les rendre.
Fin du bruit, grand silence,
Vide intersidéral ?
Néant de pierre tombale ?
Viendra bien assez tôt !
Plutôt la cour du roi Pétaud !
Jolies les promesses,
Des fols de la messe,
Oiseaux de croix,
Oiseaux de paradis.
Joli petit paradis,
Avec qui ?
Les vieux d'antan ?
Pas très tentant.
Numéros du même cabaret,
Voit pas l'intérêt.
Mauvaise agence de voyage,
Imprécis séjour dans les nuages.
Y'a la télé ? Qu'est-ce qu'on mange ?
Les copains, que des anges ?
On fume, on boit, on baise ?
Ou direction la fournaise ?
Pur esprit, d'accord,
Plus d'envies, plus de corps.
Pas d'appétit sans faim,
Longue l'éternité, surtout la fin.
Quoi d'autre sinon, on repique ?
Réincarnative gymnastique ?
Les mêmes et on recommence,
Litanie, triste romance.
Sans compter, quel hébergeur ?
Un vieux, un teenager ?
Problèmes pratiques,
Nécessités logistiques.
Penser au plus tôt
A apprendre l’espéranto !
Trop vague. Procrastination.
Demain, demain, la purification !
Hic et nunc et basta !
Poker et canasta.
Paris, bonnes cartes,
Dix de der ou capot.
Pari de Descartes ?
Joueur de pipeau !
Pas demain, aujourd'hui !
Foin d'hasardeux sauf-conduit !
Belle ou pas, d'ici l'eau.
Avec ou sans cash flow,
Vivre le possible
L'éphémère pour cible.
Dans la tête, le mirobolant,
Les pensées, tapis volant,
Jusqu'au bout la flamme,
Carpette diam'...




LA BELLE EVE Y DANSE


Sur le pont d’Avignon des possibles
La belle Eve y danse.
Au dessus des eaux paisibles,
Elle guette avec prudence
Les signes fondateurs
Du lien unique qu’elle espère.
Se défiant de l’adulateur
Comme des promesses de Cythère
Elle danse calmement, à son rythme,
Tous yeux pour autrui,
Pesant ses algorithmes
Mais pour lui toute ouïe.
Que ressort-il de ses sens en éveil ?
Des sentiments troubles et troublés.
Des monts et merveilles ?
Une envie de rassembler
Les pièces d’un puzzle complexe
En vue de démêler l’écheveau
Des fils enchevêtrés de son cortex
Face au possible renouveau.
La belle danseuse y parvient-elle ?
C’est difficile et parti pour être long.
Pourtant à cette rude tâche elle s’attelle
Posant de-ci de-là des jalons.
Sa quête connaîtra t-elle une bonne fin ?
Comme dans toute recherche à deux,
Encore faut-il que l’autre séraphin
Ne soit pas trop hasardeux.
Serait-il si mauvais danseur ?
Bon maître de ballet, mais ici
Point n’est besoin d’un jacasseur
C’est l’homme fiable qu’on apprécie.
Alors sur le pont d’Avignon des possibles
Emplie d’espoir, la belle Eve y danse
A tous les charmes sensible
Mais forte de son indépendance,
Elle soupèse son vis-à-vis
Curieuse mais circonspecte
Espérant l’amour d’une vie
Entre intellect et affect.
Bon, mais cette danse finira t-elle ?
Les danseurs enlacés aboutiront-ils ?
Celui du temps est leur seul autel
Sur lequel sacrifier aux danses fertiles.






Résultat de recherche d'images pour "printemps images"   Le Printemps des Poètes: L'Insurrection Poétique

Mars 2015, de l'Atelier d'écriture...  






L’EMAIL DES MOTS

Le temps s’égrène, futile, abandon pathétique,
Lors que l’instant fatal et non hypothétique
S’approche à pas de loup de nos êtres fragiles
Qui pour l’heure encore louent leurs enveloppes d’argile
Celles où Dieu insuffla, dit-on, jadis la vie
Laquelle s’essouffla, courant après l’envie,
De trop dire, de trop faire, de perdre en entropie
Cette énergie de fer qui sied aux utopies.
Il est temps, sonne l’heure où les comptes se règlent,
Viens oiseau de malheur avec tes griffes d’aigle
Arracher de nos vies ses reliefs d’orgueil,
Eux qui nous ont ravis seront notre cercueil.
Nos espoirs les plus fous, nos rêves décousus
Tout ce dont on se fout, tout ce qui a déçu,
Dans le creuset commun d’une unique fournaise
Brûlera sans lendemain en soldant la genèse.
Pouvions-nous éviter que cette frénésie
Ne nous fasse visiter la palingénésie ?
Antichambre risquée de l’apocatastase
Hypothèse critiquée qui mènerait à l’extase.
Que n’avons-nous laissé la parole du poète
A quelque gynécée porté sur l’odelette !
Les femmes seules eussent pu, armées de la raison
Chasser le corrompu par un contrepoison.
L’oiseau doit à la plume le moyen de s’enfuir
Elle eut pris du volume pour tenter de séduire
Ceux qui voyaient venir au loin l’apocalypse
En quête d’un avenir à l’abri des éclipses.
Toujours il eut fallu laisser la place au verbe,
Là était le salut que le beau exacerbe.
Si les poètes seuls avaient voix au chapitre,
Ce n’est pas un linceul qui clorait cet épître.
Comme lors des corso où l’on se bat de fleurs,
Des mots seulement le sceau marquerait nos valeurs.
Allons appliquons-nous, faisons encore le cancre
Qui néglige la tache pour consommer son encre.

                                                                       Frédéric
    

                                                               


La maîtresse, elle dit que...

La maîtresse, elle dit que c’est joli la poésie, mais moi, je n’aime pas ça,  la poésie !!
C’est triste et ça parle que de choses pour les grandes personnes. Et pis c’est plein de mots compliqués, qu’on ne comprend pas quand on a six ans.
La poésie ça raconte la campagne, avec des paysages plein d’arbres en fleurs ou des chemins courant sous la neige et des animaux qui parlent, ou encore l’histoire de soldats qui sont couchés dans l’herbe, ou de l’eau de la rivière qui brille comme la bague que Papa a donné à Maman pour lui dire qu’il voulait se marier avec elle.
Et pis, il faut l’apprendre par cœur, la poésie, la réciter devant tout les enfants de la classe, il y en a qui rigolent en se cachant derrière leur main. Moi, quand c’est mon tour d’aller au tableau à côté du bureau de la maîtresse, je suis tout rouge.
La maîtresse veut qu’on mette le ton. C’est quoi …le ton ? Des fois, je ne sais pas ce que je dis et puis on fait comment pour « laisser tomber la voix » ?
Le dimanche, quand on va manger chez Pépé et Mémé, c’est toujours au moment du gâteau que Maman me demande de réciter la dernière poésie que j’ai apprise. Il faut que je me lève de table et que j’aille me mettre debout à côté de Pépé pour mâchonner des mots à la queue leuleu qui n’ont souvent ni queue ni tête pour moi. J’ai toujours peur d’en mettre un à la place de l’autre, ou d’en oublier un.
Mais quand j’ai fini, j’ai des frissons dans mon dos quand Mémé m’applaudit avec de la pluie dans les yeux, elle m’embrasse en avalant mes joux et me donne la plus grosse part du gâteau en disant que je suis le plus beau des petits garçons.
                                                       Là, j’aime bien la poésie



Sylvie S


 

INSURRECTION

Ce qui me révolte?

C’est la pensée coquine

Qui me dicte ma conduite mesquine

Ce qui m’indigne?

C’est la croyance maligne

Que c’est l’autre qui me porte la guigne

Ce qui m’insupporte?

Ce sont les petites phrases anodines

Qui n’en sont pas moins assassines

Ce que je conteste?

C’est que pour avoir une belle angine,

Il faille absolument une belle poitrine

Ce que je refuse?

C’est que pour faire une bonne bénédictine

Il faille un bouquet d’églantine.

Caroline K





Foin des tyrans !

Honni soit les pourvoyeurs de thèmes !
A bas la dictature
De ces chefaillons aux courtes ailes
Jetons-les en pâture
Aux démons pour qu'ils les écartèlent
Biffons-les d'une rature
Ils n'auront ni fleurs ni chrysanthèmes !

Et donnons la liberté aux mots !
Aboyons haut nos phrases
Nées des délires de nos fantaisies
Rejetons les oukases
De ces ayatollahs de la poésie
Devenons kamikazes
Clouons au pilori ces grimauds !

Adrienne D

 




Absurdité d’un monde

Absurdité d’un monde et cruauté de l’homme
Quand partout dans le monde
Des milliers de civils tombent.
Rwanda, Kosovo, Congo
Absurdité d’un mot que liberté on nomme
Quand des hommes sont sacrifiés
Sous les bombes.
Mali, Soudan, Ethiopie,
Peuples décimés pour l’histoire
Affamés parc’que nous refusons de voir
L’ignominie de l’homme
Dans cette immense foire.
Virus, sècheresses et famines
Qu’on sait repousser loin de nous,
Font fuir les hommes en cohortes.
Et quand dans notre confort
Nous sommes résignés
Soudain les loups sont à nos portes.

Les miliciens de nos consciences
Enfin,  nous  rassemblent quand
Les attentats perpétrés
Par des kamikazes enragés
Rendent fébriles nos continents surveillés-surarmés.

Alors, nos dirigeants alignés
Pour une belle image à la télé
Nous leurrent.
Mais  je vis pour mon  bonheur
Et serais comme Sisyphe
Engagés dans un inlassable labeur
Contre la cruauté des leurs.

Sylvie M


En ces temps suspendus...


 
En ces temps suspendus je lavais les vitraux

Du choeur des cathédrales

Eclaboussant le ciel de filigranes dorés

Auréolant l'abîme des toiles du Grand Maitre

Qui naissent des couleurs une fois évaporées

Les blanches sépultures se chauffaient au soleil

Leurs larmes d'ambre coulant vers l'espoir infini

Et puis le crépuscule déployait de son aile

Un voile sombre éphémère dont le souffle mourait

Dans un dernier soupir

Le noir sied aux âmes seules qui embarquent et s'envolent

Vers l'alpha l'oméga et la poussière cosmique

De leurs rêves en spirale flotte comme suspendue

A l’appel du cristal

Couler dans les profondeurs est vain



Car l'ivresse est ailleurs moi je préfère le vin d'ici



Aux promesses de l'eau delà dans les vers de la poésie



Je plonge mes lèvres jamais las



Mais quand des sarcophages montaient les paraboles



Les gisants ravissants avaient une classe folle.


Dominique V






                                             
 

 



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