lundi 30 novembre 2015

Dictionnaire des idées reçues de la montagne

LIBERATION Par
Pointe de Charbonnel (traces) (58 K) 
La pointe de Charbonnel est le point culminant de la Haute-Maurienne. Jerome Bon / Flickr

Un décapant dico, bourré d’humour, sur les pratiques montagnardes. A déguster glacé.

«L’alpinisme n’existe pas sans récit», écrit François Damilano, alpiniste, guide, cinéaste et… écrivain sur la page d’accueil du site de sa maison d’édition. Et de fait, que serait l’Everest, les Drus ou le Cervin sans ces épopées, ces sagas, ces portraits magnifiant la montagne et les hommes qui la défient. Car qui dit récit dit souffle épique rivalisant avec les bourrasques de glace et de neige; phrases plus torturées que les cimes; hyperboles ou anaphores plus nombreuses que des séracs; réflexions plus profondes que les crevasses d’un glacier…
Face aux mots qui s’envolent et à la pensée qui divague dans l’air raréfié, il fallait une tête bien faite, capable de ramener tout le monde sur terre. C’est ce qu’a accompli Cédric Sapin-Defour, amateur de montagne comme il se doit, prof à ses heures perdues et observateur inspiré de ses semblables grimpeurs.
En 316 définitions, son Dico impertinent de la Montagne dégonfle toutes les baudruches croisées sur les sentiers et les refuges de l’arc alpin. Guides taiseux, sportifs nombrilistes, techniciens de la technique, touristes inconscients, montagnards satisfaits ou grotesques en tout genre. On s’y reconnaîtra tous!
Avec une plume nourrie d’autodérision, d’humour et d’anecdotes, Cédric dévisse l’accompagnateur en moyenne montagne «professionnel de la montagne qui ne sait pas faire les nœuds», le démêler de corde «pratique presque sympa au refuge mais franchement casse couille dans la paroi», la barre énergétique «alimentation principale du grimpeur alpiniste moderne que les Paccard, Balmat et consorts n’auraient même pas donné à leurs mulets», les Namastés «salutation communément employée en Inde et au Népal pour dire bonjour et au revoir. Mains jointes à plat devant la poitrine, on salue ainsi nos semblables d’égal à égal. Les alpinistes revenant d’expéditions restent un temps habités des traditions népalaises et du respect d’autrui. Drapeaux de prière sur le balcon, namasté par-ci, namasté par-là. Puis très vite, le naturel refait surface. Les bras se déplient, les mains se déjointent et le majeur se dégourdit. Enculé par-ci, enculé par-là…»
On pourrait continuer ainsi pendant des pages et recopier la totalité du livre en gloussant. On se contentera de conclure avec une ultime définition et cette interrogation métaphysique. Les bâtons télescopiques: sachant que leur délicat mécanisme ne résistera pas longtemps à la dureté du sol ou aux maniements barbares de vos enfants, que préférer? Qu’ils restent bloqués «en position allongée, efficient pour la marche quitte à ce qu’ils ne rentrent plus dans le coffre de la voiture» ou grippée en position courte, «avantageux pour le transport du bâton mais obligeant à se déplacer exgérement courbé»?

De Cédric Sapin-Defour. JMEditions, 198 pp., 11,90 euros.
Fabrice Drouzy
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[COP21] L'abécédaire indispensable pour suivre les débats

 LA MONTAGNE  30/11/15

La COP21 s'ouvre ce lundi. 150 chefs d'Etat sont attendus au Bourget.  - LOIC VENANCE
La COP21 s'ouvre ce lundi. 150 chefs d'Etat sont attendus au Bourget. - LOIC VENANCE
Quelques définitions et mots-clés indispensables à la compréhension des discussions qui vont rythmer les jours à venir.
Les négociations internationales sur le climat entrent dans un cadre et un langage spécifiques.
A comme Adaptation et Atténuation. Ce sont les deux piliers de la lutte contre le réchauffement climatique. L’atténuation consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Modifier habitats, infrastructures, systèmes de santé, modes de production agricoles sont les principales actions d’adaptation.
B comme Blocs de négociation. Reposant sur une logique géographique ou politique. Exemples : le groupe Afrique (54 nations), l’Alliance bolivarienne (Alba, neuf pays), le G77 + la Chine (133 pays en développement + Pékin), l’Union européenne (28 membres), les Pays les moins avancés (48 pays).
C comme Consensus. Il n’y a pas de vote lors des conférences sur le climat. Un consensus est recherché entre 195 pays. Un pays seul aura du mal à s’opposer à un accord, sauf s’il est très important ou s’il en entraîne d’autres.
D comme Déforestation. La déforestation et l’agriculture représentent environ un quart des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Agir dans ces domaines est indispensable. Le reste des émissions est causé par les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) dont il faut se détourner au profit des renouvelables et de l’efficacité énergétique.
F comme Financement. Un des sujets clé des discussions, qui donnera lieu à un bras de fer jusqu’à la fin de la COP21, le Sud ayant de fortes attentes vis-à-vis du Nord, qui voudrait voir les émergents les plus riches également contribuer.
I comme Îles. Les petites îles sont menacées par la hausse du niveau des mers, un des marqueurs les plus visibles du réchauffement. Elles sont regroupées au sein de l’Alliance des États insulaires.
K comme Kyoto. Le protocole de Kyoto, conclu en 1997 et entré en vigueur en 2005, est le premier accord international contre le réchauffement. Il imposait aux pays riches des objectifs contraignants (les États-Unis ne l’ont pas ratifié), mais il n’a pas permis de contenir l’explosion des émissions du fait du fort développement de la Chine, de l’Inde, du Brésil, etc.
M comme MRV. Mesurer, notifier et vérifier (monitoring, reporting, verifying en anglais). C’est le processus à définir à la COP pour garantir la transparence et la vérification des actions mises en œuvre par les pays.
N comme Négociations. Les négociations sur le climat sont un processus continu ayant débuté en 1995, rythmé chaque année par des COP (conférences des parties), celle de Paris devant se conclure par un accord mondial. Les COP suivantes permettront de rendre compte des progrès accomplis, de décider de mécanismes pour progresser vers les objectifs fixés.
O comme ONG. De nombreuses ONG ont, contrairement à la presse, un statut d’observateur qui leur permet d’assister à des débats à huis clos entre les négociateurs.
P comme Pékin. Pékin a en main une partie de l’avenir climatique de la planète. La Chine est le premier producteur de GES (25 %), devant les États-Unis, l’Union européenne et l’Inde mais aussi le premier investisseur dans les énergies renouvelables et a un rôle moteur pour les pays émergents et en voie de développement.
R comme Responsabilité. Le principe d’une « responsabilité commune mais différenciée » des pays est inscrit dans la Convention de l’Onu sur le climat. Il renvoie à la responsabilité historique des pays développés dans le réchauffement et à la capacité d’action des pays en fonction de leur niveau de développement. Son interprétation donne lieu à des débats sans fin.
T comme Transferts de technologies. Ce sera l’un des chapitres du futur accord, ces transferts étant nécessaires pour optimiser l’action des pays en voie de développement en faveur du climat.
Z comme Zéro émission de GES (gaz à effet de serre). C’est l’objectif pour la fin du  XXIe siècle avec une baisse de 40 à 70 % en 2050 par rapport à 2010, pour tenir le scénario de +2 °C. n
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On a tous nos tics de langage, mais on peut en guérir !

LA MONTAGNE  29/11/15

Dessin de Deligne
Dessin de Deligne
Comme une envie parfois de mettre des claques… Si, si… Il est des tics de langage, comme « au jour d’aujourd’hui » (aïe, vilain pléonasme), qui défient le seuil de tolérance auditive. Le journaliste Frédéric Pommier s’est penché sur nos abus verbaux.
Sa grand-mère lui disait souvent qu’on n’adore que Dieu. Ça, c’était avant. Désormais, on « adooooore » la Terre entière, le dernier James Bond comme la tarte aux cerises. Et tout est « frais », « comme le poisson ! ». Acteur, livre, pièce de théâtre… « Ce n’est pas bien, c’est frais ! Cela doit être l’influence du réchauffement climatique. Le frais est devenu positif ! »

Frédéric Pommier « a toujours été sensible à la parole » et s’amuse de nos tics de langage, sans épargner sa caste, celle des journalistes, grands distributeurs d’expressions toutes faites. Une fois même, il a lu sous la plume d’un confrère : « Le bras de fer des cheminots pourrait faire tache d’huile ». Tant qu’à faire, autant cumuler joyeusement les formules-images. « On en use et abuse ». À la décharge des journalistes, plaide-t-il, comme des politiques qui ne sont pas en reste, cette obligation d’« être compris par un maximum de gens en un minimum de temps ». Alors, par mimétisme, les tics se démultiplient.
Il les qualifie de « maladies auditivement transmissibles », tant ces tics se répandent comme une traînée de poudre (et hop, encore une image !). Alors, rien de bien méchant. « Ce n’est pas très grave, souvent même drôle ». Mais quand même, quand « on entend cinq fois par heure “la tension est palpable”, que ces tics saturent le discours, cela finit par devenir très agaçant », confie le journaliste de France Inter, auteur de L’Assassin court toujours et autres expressions insoutenables et Mots en toc et formules en tic, chez Points Seuil. Lui-même s’est soigné, même si « du coup » par ci, « du coup » par là, s’invite encore un peu trop souvent. « Il suffit de faire attention car, quelque part, c’est une forme de paresse ».

« Mots-doudous »Laquelle nous conduit parfois jusqu’au mépris. On parle de « grogne sociale », cite Frédéric Pommier, mais ce sont les cochons qui grognent. Il n’aime pas non plus les « foules anonymes » (alors qu’on parle d’un « parterre de stars »), ou « revoir sa copie ». Ou encore « les footballeurs jouent à la maison » pour dire « à domicile ». Infantilisant, tranche-t-il. Mais terriblement révélateur de notre époque où on ne dit plus « Bon appétit » mais « Bonne dégustation » (merci les concours culinaires télé), où tout est « décomplexé » comme la droite de Copé. Les tics sont rassurants. « On les utilise comme des béquilles du langage », de vrais « mots-doudous ».
Il en va de même pour les « tu vois c’que j’veux dire ? », « c’est clair », « juste », « j’dis ça, j’dis rien », « j’avoue », « grave »… servis à tout bout de champ et qui cachent mal leur vacuité. Ils disent trop qu’on n’a rien à dire. Mais ils ont leur utilité, ils nous servent… à reposer notre cerveau parce que, quoi qu’on en dise, il n’est guère facile de parler et de réfléchir en même temps, donc un petit « en fait » furtivement casé, cela permet de meubler, en attendant.
Seulement, on n’en sort pas grandi. Il faut savoir qu’« en fait », par exemple, est le premier tic de langage des enfants. Oups, ça fait réfléchir… On fera attention la prochaine fois. Et on arrêtera de balancer des émoticônes en guise de réponse pour ne pas avoir à élaborer une réflexion. Pure mesure de facilité.
Plus le langage est pauvre, plus on en rajoute. On est vite démasqué. L’Académie française veille au grain (formule-image !). Yves Pouliquen, auteur de Dire, ne pas dire, ne plaisante pas avec nos usages fautifs. « Notre belle langue française est menacée dans ses qualités maîtresses : précision, clarté, logique, force, justesse. Son avenir est compromis, et avec lui l’avenir de notre pensée ». « Voili-voilou » (redoutable celui-là !) pour terminer en beauté. 

Florence Chédotalflorence.chedotal@centrefrance.com
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COP 21: Sélection de livres pour le sommet

Par Olivier Le Naire L'EXPRESS 30/11/2015


COP 21: Notre sélection de livres et de films pour le sommet
La conférence de Paris sur le climat a suscité de très nombreux livres. Notre sélection pour mieux comprendre ces enjeux de manière claire. Et sans s'ennuyer.


Les livres

La 6e Extinction. Comment l'homme détruit la vie, par Elizabeth Kolbert (la Librairie Vuibert). Une enquête captivante sur la grande histoire de la vie sur Terre, et un état des lieux de la planète pour bien comprendre la partie qui se joue en ce début de XXIe siècle. Un livre majeur d'une journaliste du New Yorker, récompensée par le prestigieux prix Pulitzer.
La Librairie Vuibert

Climat. 30 questions pour comprendre la conférence de Paris, par Pascal Canfin et Peter Staime (Les Petits Matins). Un ouvrage éclairé et éclairant, par l'ancien ministre (écologiste) du Développement et tout nouveau directeur général de WWF France.

Dictionnaire de la pensée écologique, sous la direction de Dominique Bourg et d'Alain Papaux (Puf). Un pavé digeste pour comprendre que l'écologie n'est pas qu'entre les mains de girouettes politiques.


Dormez tranquilles jusqu'en 2100 et autres malentendus sur le climat et l'énergie, par Jean-Marc Jancovici (Odile Jacob). Pour cet auteur, polytechnicien, qui a participé à l'élaboration du Pacte écologique de Nicolas Hulot en 2007, on peut lire le monde à travers notre gestion des ressources énergétiques. Ce qu'il fait ici de manière iconoclaste.

Le Syndrome de la grenouille, par Ivar Ekeland (Odile Jacob). Ou comment - et pourquoi - une grenouille mise à cuire dans une marmite tolère une élévation régulière de la température de l'eau, alors qu'un ébouillantage brutal la ferait réagir aussitôt. A partir de cette vieille métaphore, l'analyse novatrice d'un économiste et mathématicien qui démontre, entre autres choses, que les hommes n'ont pas plus de discernement que les grenouilles.

Deyrolle pour l'avenir. Redessiner le monde, par Louis Albert de Broglie (Hoëbeke). Installé au bord de la Loire, où il a créé un fameux conservatoire de la tomate, l'auteur a racheté la maison Deyrolle, jadis spécialisée dans l'édition d'affiches scolaires sur la nature. Reprenant ce principe, Louis Albert de Broglie a fait réaliser de nouvelles fiches pédagogiques sur le thème de la transition énergétique. Un beau livre, intelligent, ludique et instructif.

Arctique. Climat et enjeux stratégiques (Ateliers Henry Dougier/Mappe). Le réchauffement climatique vu du pôle Nordet à travers des cartes. L'un des meilleurs titres de l'épatante collection Mappe, lancée par Henry Dougier, fondateur des éditions Autrement.

L'Atlas de la planète positive, par Isabelle Lefort et Alain Thuleau, préface de Jacques Attali (Les liens qui libèrent/Positive Planet). L'économie positive, ça existe, et ce livre le prouve en recensant, cartes à l'appui, quelques initiatives concrètes emblématiques qui changent notre vision du monde.
Les liens qui libèrent/Positive Planet

Géopolitique de l'ours polaire, par Rémy Marion et Farid Benhammou (Hesse). Les grands enjeux environnementaux racontés à travers l'histoire et le destin de l'ours polaire, depuis le fond des âges et jusqu'à aujourd'hui. Epatant.

Sauver les plantes pour sauver l'humanité, par Laurent et Isabelle Urban (Belin). Comme l'indique le sous-titre de cet ouvrage : "S'allier aux plantes pour combattre le changement climatique et nourrir la planète, c'est possible!" Démonstration.

Comment tout peut s'effondrer. Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes, par Pablo Servigne et Raphaël Stevens (Seuil/Anthropocène). Un ouvrage pas vraiment réjouissant, mais stimulant. Les auteurs y posent sans tabou les grandes questions de civilisation auxquelles il faudra un jour répondre collectivement, et aussi individuellement.

Tout peut changer, capitalisme et changement climatique, par Naomi Klein (Actes Sud). La nouvelle bible alternative de l'auteur du fameux No Logo, consacrée, celle-ci, aux questions climatiques. Incontournable!

La Puissance de la modération, par Pierre Rabhi(Hozhoni). Un recueil de textes du plus fameux des paysans philosophes (s'il n'en reste qu'un, ce sera lui!). A lire également: L'Agroécologie, une éthique de vie (Actes Sud), entretien avec Jacques Caplat (Actes Sud).

Manifeste Négawatt. En route pour la transition énergétique!, par l'association Négawatt (Babel/Essai). Les propositions d'experts et de militants pour remplacer, à l'horizon de 2050, les combustibles fossiles et le nucléaire par d'autres énergies et de nouveaux modes de vie. Un changement de comportements radical en perspective, si l'on suit leurs recommandations.

Ils changent le monde!, par Rob Hopkins (Seuil/Anthropocène). A l'origine du mouvement de la Transition, parti de Grande-Bretagne, l'auteur a sélectionné le meilleur des initiatives recensées par 1300 groupes dans 43 pays.

Le Tour de France des alternatives, par Emmanuel Daniel (Seuil/Reporterre). Un livre qui tient les promesses de son titre.

L'Avenir du climat. Enquête sur les climatosceptiques, par Stéphane Foucart (Folio). L'excellent ouvrage, aujourd'hui en poche, du journaliste du Monde devenu sur le Web la cible favorite de ceux qui nient le dérèglement climatique. Et la responsabilité de l'homme en la matière.

Que feriez-vous si vous saviez? Des climatologues face à la désinformation, par Eric et Catherine Guilyardi (Le Pommier). Où l'on apprend que dire et faire comprendre une vérité scientifique complexe n'est pas une sinécure.

Les Baromètres humains. Comment la météo nous influence (santé, humeur, crime, suicide), par Gilles Brien, avec la collaboration du Dr Wilhelm Pellemans (Les Editions Québec-livres). Menée par un météorologue québécois et un chirurgien-anthropologue, une enquête à la fois souriante et inquiétante sur la pluie, le beau temps et nous, les humains, qui y sommes soumis.
Les Editions Québec-livres
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vendredi 27 novembre 2015

Après les attentats, des livres pour parler aux enfants


Chaque semaine dans Les pages jeunes, «Libération » passe en revue l'actualité de la littérature jeunesse. En ce jour d'hommage national, la rédaction a établi une sélection d'ouvrages pour tous les âges traitant de ces questions. Ni simplistes ni gnan-gnan, mais beaux et touchants.



Dessin d'Anouk Ricard extrait de «Questions des tout-petits sur les méchants» de Marie Aubinay. Anouk Ricard. Bayard Jeunesse

A partir de 3 ans
Si on parlait de la mort, du Dr Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée.
Des pages les plus colorées possible pour explorer le deuil. La pédiatre Catherine Dolto y explique que cacher la mort d’un proche à un enfant, au lieu de le protéger, peut faire plus de mal que de bien. Elle donne des mots pour parler aux tout petits, définir la mort, ce «grand mystère», et ce que c’est que vivre, grandir et mûrir. Sur les illustrations, l’enfant est toujours accompagné, notamment lorsqu’il plante une fleur qui germe, pousse et meurt aussi. Car le livre ouvre sur ces étapes qui consolent et aident à faire son deuil : être entouré, parler du disparu, garder son souvenir vivant… Et penser à la vie qui continue. L.E.

Juste un petit bout ! d’Emile Jadoul
C’était pas gagné. Grâce à sa longue écharpe violette, la poule Léa résiste au froid et à la neige. Frigorifiés, un petit oiseau et un petit lapin lui demandent refuge. Rien de plus facile pour ces animaux doux et inoffensifs que de se serrer les coudes et le reste. Sauf que se pointe un petit renard qui voudrait bien se lover lui aussi dans cette chaleur amicale. Les justifications pour ne pas accueillir le carnivore fusent : «Echarpe trop courte», «peux pas bouger», «bout d’écharpe vraiment trop petit». C’est absurde mais ça fait tilt : difficile de faire de la place à celui qu’on craint pour des raisons historiques ou génétiques. Léa finit par ouvrir ses ailes au goupil. Pas besoin de beaucoup plus pour expliquer la différence et les a priori aux tout-petits. L.B.
Pilotin de Léo Lionni
Il s’appelle Pilotin. Un petit poisson noir parmi ses milliers de frères et sœurs rouge vermillon. Ils vivent tranquille dans la mer. Mais un jour, la tuile. Un gros poisson féroce les dévore tous… Seul Pilotin en réchappe. Il s’enfonce dans les profondeurs de la mer, triste et seul. Il croise mille merveilles, comme «une méduse belle comme une gelée d’arc-en-ciel». Au détour d’un rocher, il tombe sur des cousins rouges comme ses frères. Il les invite à poursuivre la découverte du monde. Mais aucun n’ose. «Le grand poisson nous mangerait !» Pilotin est très embêté, il sait combien on est plus fort ensemble malgré nos différences. Il réfléchit… «Et soudain, il s’écria : J’ai trouvé !» On vous laisse la surprise. M.P.
A partir de 5 ans
Les questions des tout-petits sur les méchants de Marie Aubinais
Parce que la justice, l’égalité ou le respect sont des valeurs universelles, des contes venus du monde entier (Burkina Faso, Italie, Scandinavie ou des Indiens Cherokee) répondent à ces Questions des tout-petits sur les méchants. Les séquences sont dessinées par deux illustratrices différentes pour séparer la vie d’aujourd’hui, où des petits interrogent leurs parents (et grands-parents) sur des scènes de la vie de tous les jours, et la sagesse d’antan, quand des dragons ou des magiciens apportent leur lot de réponses. Oscillant entre pédagogie et philosophie, l’ouvrage est sorti en janvier. Il parle de la guerre, pas formellement des attentats. Mais puisqu’il y est question à chaque page du sentiment d’injustice et du besoin de justice, de la lutte entre le bien et le mal et de l’importance de l’éducation et du respect de l’autre, il fait plus que l’affaire. L.Br.
Le ciel d’Anna, de Stian Hole
«Aujourd’hui, dit papa, quelqu’un fait tomber du ciel une averse de clous sur nos têtes. ça n’aurait jamais dû se passer comme ça.» Cette pluie de tristesse, c’est la mort de la maman d’Anna. «Mais peut-être que demain, ce sera une pluie de fraises et de miel», murmure Anna à son père. Avec ses yeux bleus et sa tignasse rousse, la petite fille emmène son père loin, dans son monde imaginaire. Peut-être vont-ils revoir «maman» sur leur route. Qui sait. «On n’a qu’à suivre les poissons volants. Ils connaissent sûrement le chemin.» Cet album de Stian Hole déborde de poésie et de sagesse. Il ne fait pas pleurer. «Je n’étais jamais allé dans les endroits que tu viens de me montrer, dit papa. Merci de m’y avoir emmené. Mais comment on va faire pour rentrer à la maison?» Anna a alors cette belle réponse: «On va faire comme le chat qui tombe du neuvième étage, qui se retourne en plein vol et retombe sur ses pattes.» M.P.
Le nuage bleu, de Tomi Ungerer
Rarement on a autant aimé un nuage. Doux comme du coton, rondouillet comme un oreiller, tout bleu comme un ciel sage. Rarement les histoires, même pour enfants, font à ce point flotter dans une béatitude nourrie de poésie, de beaux sentiments (sans gnangnan), de fantaisie aussi. L’histoire est en apparence toute simple: un petit nuage tout bleu vivait heureux avec son amie la lune. Une sorte de bouboule rebelle (et pacifiste) qui ne suit jamais les troupeaux de nuages, refuse obstinément de se laisser pleuvoir et encore plus de foudroyer. Il en est si heureux et si bleu, qu’il bleuit tout sur son passage: les cerfs-volants, les oiseaux, les avions, les sommets des montagnes… Jusqu’au jour où, alerté par un gros nuage de fumée noire, il découvre une ville en feu dans laquelle les blancs tuent les noirs, les noirs les jaunes etc. Alors, pour la première fois de sa vie, le nuage pleut sur le brasier, jusqu’à la dernière goutte. Il s’évapore, laissant derrière lui, un monde de paix, où tout le monde est bleu. Le talent de Tomi Ungerer, tout à la fois auteur illustrateur, mais aussi affichiste, inventeur d’objets etc., est là éclatant. C.Ma.
Capitaine Papy de Benji Davies
Tim est un mignon petit Anglais, proche de son grand-père, qui l’emmène parfois sur une île superbe remplie de perroquets, de cascades et de végétation luxuriante - on se croirait dans Paul et Virginie. On y est si bien, sur cette île merveilleuse, qu’un jour Papy lui annonce, ô surprise, qu’il compte bien y rester. Pour toujours. Et que si Tim doit reprendre la route, il le fera seul. Mais pas d’inquiétude, et pas de tristesse, car Papy sera là. Par la pensée… Alors Tim fera le voyage en sens inverse, bravant la tempête et affrontant la solitude. On s’attarde sur la mine bonhomme de Capitaine Papy, le regard si touchant et interrogateur de Tim, sur la multitude de détails et de couleurs de cet album. Il évoque le deuil, l’absence et le manque par touches délicates et efficaces, si bien que subsiste, une fois la lecture achevée, une songeuse mélancolie. J.L.
Flon-Flon et musette, de Elzbieta
C’est un album essentiel depuis vingt ans pour parler de la guerre aux enfants. Flon-Flon et Musette, deux petits lapins, passent leurs temps à jouer ensemble. Mais, un jour, le papa du premier lit dans le journal que la guerre est arrivée. Le récit, qui évoque par sa date de publication, 1993, les événements en ex-Yougoslavie est un mélange de Roméo et Juliette et de la Peste, de Camus. Malgré les affrontements, Flon-Flon veut toujours jouer avec son amie, mais sa mère lui dit que ce n’est pas possible. A la place du ruisseau qui les séparait, une haie d’épines se dresse désormais. La guerre finit par s’arrêter. Pourtant, la haie d’épines reste. Le papa dit à Flon-Flon : «La guerre ne meurt jamais mon petit. Elle s’endort seulement de temps en temps. Et quand elle dort, il faut faire très attention à ne pas la réveiller.» Le lapinot décide de braver l’interdit, part dans la neige, retrouve Musette. Ils se saluent en se frottant le nez comme les Inuits, c’est mignon, ça fait du bien. Q.G.
A partir de 7 ans
Sept milliards de visages, de Peter Spier
On a connu cet album dans les années 80 titré Quatre milliards de visages, il en compte aujourd’hui sept mais le message sur ce qu’on appelait pas encore le vivre ensemble reste intact. Ce que raconte et illustre Peter Spier au fil des pages de ce classique, c’est la richesse de la diversité de l’humanité, des couleurs de peau (avec un nuancier beaucoup plus varié que blanc/noir) mais aussi des formes de nez, de lobes d’oreilles, des yeux des cheveux… Diversité physique mais aussi culturelle: langues, religions, habitudes alimentaires… Le tout illustré de façon élégante et riche avec une grande variété d’exemples qui permettent de décentrer notre regard européen, sans classer, ni hiérarchiser. L’album se conclut par deux belles doubles pages très évocatrices, à l’heure ou la tendance est au repli sur notre «mode de vie». «Imaginez comme le monde serait triste si tout le monde ressemblait à tout le monde, si chacun pensait, mangeait, s’habillait et agissait de la même façon, conclut Peter Spier? N’est ce pas merveilleux un monde ou personne ne ressemble à personne ?» G.La.
Cité Babel, de Pascale Hédelin et Gaëlle Duhazé
C’est un livre étroit et haut, comme cet immeuble dont il raconte la vie quotidienne des habitants, de religions, cultures et traditions différentes. Au premier étage vit une famille catholique qui fête Noël et Pâques, les baptêmes et les premières communions. Au deuxième, la famille juive célèbre Pessah et Pourim, et ne travaille jamais le samedi. Au troisième, les musulmans mangent du mouton pour l’Aïd al-Kebir et écoutent tonton Habib raconter son pèlerinage à La Mecque. Quant à l’épicier du rez-de-chaussée, il est athée mais sait répondre aux besoins de chacun, bouddhistes comme hindouistes, sans oublier la déco pour les fêtes laïques comme Carnaval ou Halloween ! Avec ses pages à tourner à chaque étage, ses histoires au fil des saisons et ses dessins chaleureux et détaillés, Cité Babel est un bijou de pédagogie pour comprendre les religions monothéistes et leur pratique. Comme quoi, il est si facile de vivre ensemble. C.Gé.
Akim court, de Claude K. Dubois
Cet album raconte l’histoire d’un petit garçon touché par la guerre. Il joue gentiment quand soudain des bombes se déversent sur son village. Il est séparé de ses parents, voient des corps jonchés le sol des rues. Le dessin, au joli fusain noir, n’esthétise rien mais ne cache pas non plus. Akim est capturé par des soldats, il doit leur rendre des services, aller leur chercher de l’eau contre un bol de riz. Un jour, profitant d’un moment d’inattention, il s’enfuit. Il croise d’autres réfugiés, ils marchent longtemps tous ensemble. L’histoire se termine bien, il retrouve sa mère, saute dans ses bras. Ce récit, difficile, triste, à lire avec un adulte est tout de même utile pour expliquer le drame des migrants, que c’est normal parfois de s’enfuir, que la vie (ou ce qu’il en reste) doit continuer, et qu’il y a, bien sûr, toujours de l’espoir. Q.G.
A partir de 11 ans
Vivons ensemble : Pour répondre aux questions des enfants sur l’immigration de Mustapha Harzoune et Samia Messaoudi
C’est une sorte de dico. Qu’on peut ouvrir à n’importe laquelle des 250 pages. Refermer. Et feuilleter plus tard. Un couteau suisse pour apprendre à vivre ensemble, en somme. Chaque double page répond à une question. Peut-on ne pas avoir de nationalité ? Qu’est-ce qu’un réfugié ? Y a-t-il toujours eu des frontières ? C’est quoi le vivre ensemble ? Au fait, être Français, ça veut dire quoi ? Et d’autres, démontant de manière simple des raccourcis répandus : tous les musulmans sont-ils islamistes ? Que dit le Coran à propos du voile ? Ce bouquin est aussi truffé de ressources (films, extraits de chansons…). D’où on a pioché : «Ton Christ est juif, ta voiture est japonaise, ton couscous est algérien, ta démocratie est grecque, ton café est brésilien… Et tu reproches à ton voisin d’être un étranger ?» (Anonyme, chanté par le poète belge Julos Beaucarne). M.P.
Pourquoi les hommes font-ils la guerre ? de Myriam Revault d’Allonnes
Pourquoi les hommes se disputent-ils à propos de Dieu ? de Michaël Foessel
Pourquoi les hommes font-ils la guerre ? Pourquoi se disputent-ils à propos de Dieu ? Voilà de sacrées colles… Et deux petits précis précieux adressés aux ados et à leurs parents. Les philosophes Michaël Foessel et Myriam Revault d’Allonnes décortiquent quelques notions universelles que les quinze derniers jours ont rendues cruellement actuelles. Pas pour y plaquer des réponses toutes faites mais pour livrer des clés. Répondre aux angoisses en posant les choses à plat. Eviter les clichés et les raccourcis. En la matière, mieux vaut se méfier des discours pétris de simplicité. On y trouve ce paradoxe à méditer : «La guerre est liée à la civilisation : la civilisation ne signifie pas que la barbarie disparaît. […] On invente presque au même moment l’imprimerie et la poudre à canon.» L.E.
Il était plusieurs «foi», de Monique Gilbert.
«Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots», disait Martin Luther King. Mais pour se comprendre et se respecter, il faut d’abord apprendre à se connaître. C’est le but de ce livre, qui répond de façon simple, vivante et sans parti pris aux questions que les collégiens -voire les adultes- se posent sur les quatre religions les plus représentées en France. En décrivant la journée, la semaine, l’année et la vie d’enfants pratiquant le judaïsme, le catholicisme, l’islam et le protestantisme, il permet surtout de se rendre compte à quel point leurs croyances et rites religieux se ressemblent. Pour tous, Dieu est unique. Pour tous, à l’origine, il y a la Bible. Pour tous, il y a six jours de travail et un jour de prière. Tous croient à la résurrection. Publié pour la première fois en 1977, l’ouvrage a été entièrement remanié et complété. Jusqu’à cette édition poche, parue en septembre. Plus que jamais nécessaire, il peut aussi servir d’outil en classe. C.Sc.
A partir de 13 ans
Maintenant, c’est ma vie de Meg Rosoff
Dans un futur très proche, Daisy qui vit à New York avec son père et sa marâtre se retrouve expédiée dans la campagne londonienne. Sa tante Penn et ses quatre cousins habitent une ferme biscornue où elle découvre un peu de chaleur humaine et tombe amoureuse d’Edmond. Mais à peine la gentille tante partie en voyage, une bombe explose dans une gare. Les attentats se multiplient et une guerre mondiale éclate. Un Ennemi a envahi la Grande-Bretagne de l’intérieur pendant que ses soldats se battent au loin. La ferme réquisitionnée, les enfants sont placés dans un centre de réfugiés. Daisy et sa cousine préférée Piper finissent par errer sur les routes à la recherche du reste de la famille. Maintenant c’est ma vie, écrit en 2004 dans la foulée de la guerre en Irak, réédité en 2014, est un roman poignant, qui parle de la brutalité de la guerre et de la rupture avec la vie d’avant, mais surtout de comment des événements dramatiques font rapidement grandir. F.Rl.
A partir de 14 ans
Douze heures avant de Gabriella Ambroisio
Dima, Palestinienne, a grandi dans un camp de réfugiés. Myriam, Israélienne, a émigré de Californie. Toutes deux ont 18 ans et vivent dans la même violence quotidienne : attentats, alertes, ruines, morts. Les destins de Dima (qui va se porter volontaire pour une mission suicide) et de Myriam (dont le petit ami a été tué lors d’un attentat) vont se croiser dans la pire des circonstances. Rédigé sous la forme d’un compte à rebours, ce roman est «librement inspiré» de faits réels : Ayat al-Akhras, Palestinienne de 17 ans, s’est fait exploser dans un supermarché de Jérusalem le 29 mars 2002. Le livre fictionne (à peine) ses dernières heures et celles de ses victimes. Douze heures pendant lesquelles Juifs et Arabes traversent le roman, permettant à l’auteur d’expliquer le conflit israélo-palestinien et le mécanisme du terrorisme. Pour Amnesty, ce livre «ne blâme pas et ne juge pas… Il est simplement honnête. Et c’est là que réside sa magie.» A.Va.
Frédérique Roussel , Guillaume Launay , Catherine Mallaval , Laure Equy , Camille Gévaudan , Marie Piquemal , Quentin Girard , Coralie Schaub , Laure Bretton , Johanna Luyssen , Audrey Vacher Si on parlait de la mort du Dr. Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée. Dessin : Frédérick Mansot. Gallimard Jeunesse, «Mine de rien», 6 €.
Juste un petit bout ! d’Emile Jadoul, l’Ecole des Loisirs, coll. Pastel, 11,20 €.
Pilotin de Léo Lionni, l’Ecole des loisirs, 11,70 €.
Les questions des tout-petits sur  les  méchants de Marie Aubinais, Bayard Jeunesse, 14,90 €.
Le ciel d’Anna, de Stian Hole. Albin Michel Jeunesse. 12,50 €.
Le nuage bleu, de Tomi Ungerer, L’Ecole des loisirs, 13,20 €.
Capitaine Papy de Benji Davies, éd. Milan, 11,90 €.
Flon-Flon et Musette de Elzbieta, l’Ecole des Loisirs, coll. Pastel, 10,50 €.
Sept milliards de visages, texte et illustrations de Peter Spier, texte français de Christian Poslaniec, l’Ecole des Loisirs. 15,30 € au format album, 5,60 en version poche.
Cité Babel de Pascale Hédelin et Gaëlle Duhazé, les Editions des éléphants, 16,50 €.
Akim court, de Claude K. Dubois, Pastel, 11,5 €.
Vivons ensemble : pour répondre aux questions des enfants sur l’immigration de Mustapha Harzoune et Samia Messaoudi, Albin Michel Jeunesse, 19,90 €.
Pourquoi les hommes font-ils la guerre ? de Myriam Revault d’Allonnes. Dessins : Jochen Gerner. Gallimard, 9,50 €.
Pourquoi les hommes se disputent-ils à propos de Dieu ? de Michaël Foessel. Dessins : Aurore Callias. Gallimard, 10 €.
Il était plusieurs «foi», de Monique Gilbert. Albin Michel Jeunesse, 9,50 €.
Maintenant, c’est ma vie de Meg Rosoff, Albin Michel, «Wiz», 12,20 €.
Douze heures avant de Gabriella Ambroisio, Gallimard, «Scripto», 8,15 €.
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jeudi 26 novembre 2015

Le manuscrit originel d'Alice au pays des Merveilles, "Les Aventures souterraines d'Alice", publié en France

Le Nouvel Obs Littérature 

Le manuscrit "Les aventures souterraines d'Alice" ("Alice's Adventures Under Ground"), qui a servi de matrice au chef-d'oeuvre "Alice au pays des merveilles", est publié ce jeudi en France, en version originale dans un coffret par les Editions des Saints Pères
Il s'agit du livre que le précepteur Charles Dodgson, alias Lewis Carroll, avait offert à son élève Alice, 12 ans, en novembre 1864. Le récit compte 90 pages et 37 illustrations, toutes de Carroll lui-même.
Un an plus tard, en 1865, Lewis Carroll publiait "Alice au pays des merveilles". Par rapport au manuscrit offert à Alice, il a gommé toutes les références à sa famille et ajouté deux nouveaux chapitres et de nouveaux personnages (comme le Chat du Cheshire).
On trouve aussi quelques variations et certains passages, comme le procès d'Alice, sont développés. Le livre n'est plus illustré par Lewis Carroll mais par John Tenniel. L'ouvrage connaît un succès immédiat et Lewis Carroll imaginera une suite, "De l'autre côté du miroir", publiée en 1871.
La "vraie" Alice revendra elle son précieux document chez Sotheby's quelques années après l'avoir reçu. Acheté par un collectionneur américain, un groupe de bienfaiteurs, qui souhaitait remercier la Grande-Bretagne pour son rôle durant la guerre, offrira ce document unique à la British Library en 1948.

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samedi 21 novembre 2015

9 poèmes inspirants qui sont de véritables odes à la vie parisienne

http://soocurious.com 21/11/2015
AUTEUR Lauranne Boivin
 
Ville aux cent villages, Ville Lumière, capitale de la gastronomie, de l’art de vivre, de la création, ou encore cité de l’amour, Paris ne manque pas de surnoms. La métropole française est d’ailleurs l’une des inspirations de nombreux poètes qui se sont armés de leur plume pour lui rendre hommage. SooCurious vous présente quelques-uns des poèmes rédigés en l’honneur de la capitale.
Enfants de la haute ville, Jacques Prévert
01-poemeparis-JulPaulsen
Enfants de la haute ville
filles des bas quartiers
le dimanche vous promène
dans la rue de la Paix
Le quartier est désert
les magasins fermés
Mais sous le ciel gris souris
la ville est un peu verte
derrière les grilles des Tuileries
Et vous dansez sans le savoir
vous dansez en marchant
sur les trottoirs cirés
Et vous lancez la mode
sans même vous en douter
Un manteau de fou rire
sur vos robes imprimées
Et vos robes imprimées
sur le velours potelé
de vos corps amoureux
tout nouveaux tout dorés
Folles enfants de la haute ville
ravissantes filles des bas quartiers
modèles impossibles à copier
cover-girls
colored girls
de la Goutte d’Or ou de Belleville
de Grenelle ou de Bagnolet.

La Seine a rencontré Paris, Jacques Prévert
02-poemeparis-Savani1987
Qui est là
toujours là dans la ville
et qui pourtant sans cesse arrive
et qui pourtant sans cesse s’en va
C’est un fleuve répond un enfant
un devineur de devinettes.
Et puis l’œil brillant il ajoute
et le fleuve s’appelle la Seine
quand la ville s’appelle Paris
et la Seine c’est comme une personne
des fois elle court elle va très vite
elle presse le pas quand tombe le soir
des fois au printemps elle s’arrête et
vous regarde comme un miroir.
Et elle pleure si vous pleurez
ou sourit pour vous consoler
et toujours elle éclate de rire quand
arrive le soleil d’été…

La Tour Eiffel, Maurice Carême
03-poemeparis-AminaTagemouati
Mais oui, je suis une girafe,
M’a raconté la tour Eiffel,
Et si ma tête est dans le ciel,
C’est pour mieux brouter les nuages,
Car ils me rendent éternelle.
Mais j’ai quatre pieds bien assis
Dans une courbe de la Seine.
On ne s’ennuie pas à Paris :
Les femmes, comme des phalènes,
Les hommes, comme des fourmis,
Glissent sans fin entre mes jambes
Et les plus fous, les plus ingambes
Montent et descendent le long
De mon cou comme des frelons
La nuit, je lèche les étoiles.
Et si l’on m’aperçoit de loin,
C’est que très souvent, j’en avale
Une sans avoir l’air de rien.

Sous le pont Mirabeau, Guillaume Apollinaire
04-poemeparis-Mbzt
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Chanson de la Seine, Jacques Prévert
05-poemeparis-vonderauvisuals
La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit…
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s’en va vers la mer
En passant par Paris.
La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers
Mais la Seine s’en balance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s’en va vers le Havre
Et s’en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris

Paris blanc, Pierre Coran
06-poemeparis-serenemovement
La neige et la nuit
Tombent sur Paris,
A pas de fourmi.
Et la ville au vent
Peint l’hiver en blanc,
A pas de géant.
La Seine sans bruit
Prend couleur d’encens
Et de tabac gris.
A l’hiver en blanc,
Le temps se suspend,
A pas de fourmi.
A pas de géant
Tombent sur Paris
La neige et la nuit.

Sur la ville de Paris, Isaac de Benserade
06-poemeparis-FUMIGRAPHIKPhotographist
Rien n’égale Paris ; on le blâme, on le louë ;
L’un y suit son plaisir, l’autre son interest ;
Mal ou bien, tout s’y fait, vaste grand comme il est
On y vole, on y tuë, on y pend, on y rouë.
On s’y montre, on s’y cache, on y plaide, on y jouë ;
On y rit, on y pleure, on y meurt, on y naist :
Dans sa diversité tout amuse, tout plaist,
Jusques à son tumulte et jusques à sa bouë.
Mais il a ses défauts, comme il a ses appas,
Fatal au courtisan, le roy n’y venant pas ;
Avecque sûreté nul ne s’y peut conduire :
Trop loin de son salut pour être au rang des saints,
Par les occasions de pécher et de nuire,
Et pour vivre longtemps trop prés des médecins.

Paris, Louis Aragon
07-poemeparis-commons
Où fait-il bon même au cœur de l’orage
Où fait-il clair même au cœur de la nuit
L’air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l’espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits
Jamais éteint renaissant dans sa braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-Jour jusqu’au Père Lachaise
Ce doux rosier au mois d’août refleuri
Gens de partout c’est le sang de Paris
Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre
Rien n’est si pur que son front d’insurgé
Rien n’est si fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai
Rien ne m’a fait jamais battre le cœur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré

Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire
09-poemeparis-DocSearls
Le cœur content, je suis monté sur la montagne
D’où l’on peut contempler la ville en son ampleur,
Hôpital, lupanars, purgatoire, enfer, bagne,
Où toute énormité fleurit comme une fleur.
Tu sais bien, ô Satan, patron de ma détresse,
Que je n’allais pas là pour répandre un vain pleur ;
Mais comme un vieux paillard d’une vieille maîtresse,
Je voulais m’enivrer de l’énorme catin
Dont le charme infernal me rajeunit sans cesse.
Que tu dormes encor dans les draps du matin,
Lourde, obscure, enrhumée, ou que tu te pavanes
Dans les voiles du soir passementés d’or fin,
Je t’aime, ô capitale infâme ! Courtisanes
Et bandits, tels souvent vous offrez des plaisirs
Que ne comprennent pas les vulgaires profanes.
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« Liberté, j’écris ton nom » s’affiche au centre Pompidou

20 Nov. 2015 LE PARISIEN

Place Georges-Pompidou (IVe), ce vendredi 20 novembre. Cette bâche de 13 m de haut reproduit le célèbre poème de Paul Eluard.
Place Georges-Pompidou (IVe), ce vendredi 20 novembre. Cette bâche de 13 m de haut reproduit le célèbre poème de Paul Eluard. (AFP/Adrien Morlent.)

Il n’a fallu qu’une heure pour installer cette bâche. Mais elle devrait marquer les cœurs des Parisiens pendant près d’un mois. Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou, a choisi le poème de Paul Eluard, « Liberté, j’écris ton nom », publié en 1942 dans le recueil Poésie et vérité pour répondre aux attentats d’il y a une semaine qui ont ensanglanté Paris.

Sur cette bâche de 13 m de haut, ce vers est illustré par un superbe dessin de Fernand Léger de 1953 dont un exemplaire est conservé au Centre Pompidou. « Ils expriment la force de la création et de l’esprit face à la force brutale et à la barbarie », indique Serge Lasvignes, qui, en janvier dernier, avait affiché une photo rendant hommage à la marche Républicaine du 11 janvier.

Liberté

Paul Eluard
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Paul Eluard
Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)
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mardi 17 novembre 2015

Samedi matin, 14 novembre, je dois donner quatre heures de cours

Le samedi 14 novembre au matin, à 8 heures, Philippe Liotard, sociologue et enseignant à Lyon-I, s’est trouvé face à un amphithéâtre rempli d’étudiants. Il devait donner un cours intitulé « Corps, sexes et cultures ».
Un carnet de notes
Vendredi, 13 novembre, Paris a été lâchement attaqué au cœur de sa vie nocturne.
Samedi matin, 14 novembre, je dois donner quatre heures de cours en amphithéâtre.
J’ai peu dormi, mal. Jusque tard dans la nuit à chercher des informations sur Twitter, Reddit, les directs de la presse, de la radio, contacter les amis, savoir comment ils vont, rassurer, par téléphone, SMS, Messenger…
J’étais à Paris vendredi, mais je suis rentré, je suis en sécurité, chez moi, devant mon ordinateur et l’horreur.

Je ne peux pas faire cours

Levé tôt, douche, café, puis aller chercher la presse et se rendre sur le campus.
Que vais-je faire ? Je ne peux pas faire cours… Je dois faire cours. Un cours intitulé «  Corps, sexes et cultures  » consacré aujourd’hui aux loisirs corporels et aux stéréotypes qui les entourent, aux inégalités entre les hommes et les femmes dans le sport. Quelle futilité… quel non-sens.

Philippe Liotard est sociologue, il travaille sur le corps, le sport, la sexualité. En plus d'enseigner à l'université Claude Bernard, à Lyon, il tient un blog. C'est là qu'il a posté samedi ce beau témoignage qu'il nous aimablement autorisé à reproduire. Nous l'en remercions. Les intertitres sont de Rue89. Xavier de La Porte
Je suis entré dans l’amphithéâtre. Les étudiants étaient là, assez silencieux. Sur le tableau, un mot avait été écrit, invitant à rester debout face au terrorisme.
Je l’ai lu ce mot. Je me suis tourné vers l’amphi. J’ai posé mon sac sur le bureau, ma sacoche, ma bouteille d’eau. Je n’ai pas sorti l’ordinateur. J’ai regardé chaque étudiant, chacune, chacun, un à une. Les étudiants me regardaient. Il en manquait. Normal, samedi matin, 8 heures, c’est tôt.
J’ai regardé encore ces visages puis je leur ai demandé de se lever pour respecter une minute de silence, un silence qui s’était déjà installé. Tout le monde se lève. Le recueillement est palpable. Des étudiants arrivent en retard, se dépêchent, comprennent, se mettent au diapason de ce silence-là.

Et je parle de Paris, du beau temps

Je me mets à parler. Je ne sais pas ce que je vais dire ; je ne sais pas ce que j’ai dit. Je me souviens de ma voix, grave, que je sens résonner en moi, qui me traverse et porte une intensité et une gravité que je ne me connais pas. Je suis ému. Je ne sais pas si je vais pouvoir faire cours l’air de rien, alors je le dis. Et je parle de Paris, vendredi, du beau temps, des terrasses de bar remplies, du Bataclan, de la joie qu’il y a quand on va ensemble à un concert.
Un carnet de notes - Waferboard/Flickr/CC
[...] Je pose mes questions, je me demande comment on peut en venir à une telle horreur. Je m’interroge à voix haute, je ne fais pas de cours… Le silence est total, les regards que je croise sont plongés dans les miens. Jamais je n’ai ressenti ça avec des étudiants. Jamais. Un silence à la fois glacial et de communion.
Puis des étudiants parlent. Des étudiantes portant le foulard s’expriment. L’une d’entre elles nous lit des versets du Coran. Ce cours est un cours transversal que peuvent suivre tous les étudiants de licence inscrits à l’université Lyon-I dans la filière sciences et techniques. Il y a dans cet amphithéâtre des étudiants français, parmi eux des étudiants musulmans, des étudiantes musulmanes portant le foulard, d’autres pas, des étudiants étrangers, noirs, asiatiques, égyptiens (l’un a pris la parole, un autre est venu me remercier à la fin de cet échange).

On a parlé de tout

Une jeune marocaine nous parle de l’attentat de 2003 au Maroc. Elle parle longuement. Quand elle a fini de parler, elle se met à pleurer. Un autre étudiant au bord des larmes s’interroge sur comment on peut faire pour que l’on ne puisse plus en arriver à ça. Plus tard, une fois sorti, un jeune homme noir me dit qu’il ne m’a plus écouté pendant un moment, qu’il était vide, qu’il s’est mis à pleurer mais qu’il ne pouvait pas pleurer devant tout le monde et qu’heureusement, ça ne s’est pas vu.
Quels échanges, quelle écoute… 3h30. Sans pause. Et les étudiants en retard qui viennent s’assoient et… restent. Après la pause des autres amphis, des étudiants entrent et me demandent s’il peuvent venir eux aussi parler…
On a parlé de tout. D’identité, de religion, de médias, de Charlie – forcément de Charlie– du 11 Qeptembre, d’Al-Qaeda, de Boko Haram et de Daech. Des Tchétchènes et des révolutions maoïstes d’Amérique du Sud, de Georges W. Bush et de l’Irak, des Palestiniens et d’Israël, des juifs d’Israël et du Hamas, du Liban, de Beyrouth, d’éducation, de la volonté de ne pas éduquer pour contrôler les consciences (et donc d’éduquer à des valeurs de soumission), de la rupture dans l’éducation, du devenir terroriste, de Dieudonné, de la musique, du plaisir, du respect, des conditions du respect, de la liberté d’expression, des esclaves, de Mohammed Ali, des réfugiés…
De tout je vous dis, de la peur, de la solidarité, des communautés, de comment on se crée des ennemis, même dans le sport, déjà dans le sport, comment on en veut aux autres, comment on fait de l’autre le responsable de ce qu’on vit, comment on est, toujours, l’autre des autres.

3h30 à se parler, ça arrive souvent ?

Des étudiants qui parlent qui s’écoutent… qui s’écoutent vraiment. Pas une seule fois les voix se sont chevauchées. Pas une seule fois en trois heures trente. Malgré, on le sent, des tensions, des points de vue différents… Des étudiants qui restent là alors que ça ne sert à rien, qu’il n’y aura pas d’évaluation, que ce que l’on a fait ce matin est inutile…
Est-inutile ? Etait-ce inutile ?
Rester 3h30 à se parler, à s’écouter, ça arrive souvent ? Rester ensuite, après 3h30, pour encore parler, ça arrive souvent, le samedi matin quand on est étudiant ?
J’aurais pu faire mon cours l’air de rien.
Je n’ai pas pu faire le cours que j’aurais dû faire.
« Show must go on » ! Je sais.
A un moment je me suis dit « C’est bon, maintenant, on va pouvoir faire cours… ».
Mais non, ça n’a pas été possible. Parce qu’il fallait se parler et que le cours n’avait pas de sens ce samedi matin. Le savoir formel n’avait plus d’importance.
Ce qui était important, c’était de pouvoir parler, d’apaiser ce qui nous traversait.
Parce qu’à travers les mots qui ont circulé, c’est la vie qui s’est propagée et l’espoir de l’intelligence qui s’est imposé sur la désespérance de l’ignorance.
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vendredi 13 novembre 2015

Décès d'Alix d'Unienville, première femme prix Albert Londres

http://www.cybersfere.net/pict/cyber/ref/90480.jpg

  • Par Publié
Alix d'Unienville, infatigable résistante et première femme lauréate du prix Albert Londres en 1950, est décédée le 10 novembre à l'âge de 97 ans, a-t-on appris aujorud'hui auprès de sa famille.

Après la Deuxième Guerre mondiale, elle est devenue une des premières hôtesses de l'air d'Air France. Le récit de ses voyages, intitulé "En vol. Journal d'une hôtesse de l'air", lui a valu le prestigieux prix de reportage. Sa famille, issue de la noblesse et installée à l'île Maurice depuis le XVIIIe siècle, revient en France en 1926 avant de gagner Londres en 1940, alors qu'elle est âgée de 22 ans. Elle se fait engager comme secrétaire au quartier général du général de Gaulle, où elle rédige des tracts de propagande qui sont ensuite lâchés au-dessus de la France occupée.

Cette femme "discrète mais déterminée" propose alors ses services au Special Operations Executive, un service secret britannique pour lequel elle opèrera sous les noms de code "Myrtil" et "Marie-France" et l'alias Aline Bavelan. Elle est notamment parachutée en France fin mars 1944 pour amener de l'argent et des documents à des réseaux de Résistance. Elle organisera ensuite la transmission de renseignements entre des agents d'Ile-de-France et Londres.
Le 6 juin, jour du débarquement de Normandie, elle est arrêtée avec plusieurs autres résistants, dont le futur ministre Pierre-Henri Teitgen, et emprisonnée. Embarquée dans un train à destination des camps de Buchenwald et Ravensbrück le 15 août 1944, elle parvient à s'échapper à la faveur d'un arrêt imprévu dans la campagne de Seine-et-Marne.  Un pont ayant été coupé, le train doit s'arrêter et les prisonniers franchissent à pied une passerelle sur la Marne. Pendant la traversée du village de Mery-sur-Marne, elle se glisse dans une maison dont la porte était ouverte. Une famille la recueille et la cache.

Après la Libération, cette infatigable aventurière devient correspondante de guerre pour les forces américaines en Extrême-Orient, puis hôtesse de l'air chez Air France durant quelques années. Elle se consacre ensuite à l'écriture, collaborant ponctuellement à des journaux français et étrangers et rédigeant six livres entre 1949 et 1976.

Alix d'Unienville avait été décorée de la Croix de Guerre 1939-1945, et faite chevalier de la Légion d'Honneur et membre de l'Ordre de l'Empire Britannique.
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jeudi 12 novembre 2015

Barthes, l’hyper texte

Philosophie: Barthes, l’hyper texte 
 
Par Clément Ghys —LIBERATION 
Résultat de recherche d'images pour "roland barthes"

Entre colloques et parutions, le penseur français qui aurait eu 100 ans reste un modèle qui dépasse le monde universitaire.

Ce jeudi, Roland Barthes, mort en mars 1980, aurait eu cent ans. Qui ne parle pas de lui ces temps-ci ? Personne. A son sujet, se multiplient colloques et parutions. Surtout, qui ne l’évoque pas comme une sorte de modèle ? Alors que le penseur se retrouvait, de son vivant, pris dans des querelles intellectuelles, il est aujourd’hui comme hors du débat. Barthes, c’est un peu Newton : on peut difficilement être contre. Tout le monde le cite en modèle d’intellectuel français, jusqu’à Nicolas Sarkozy qui, lorsqu’il remit la Légion d’honneur à Julia Kristeva évoqua son amitié avec le sémiologue. Sauf que le président prononça le «s» de Barthes, comme le nom d’un joueur de foot ou d’un animateur télé, déclenchant l’hilarité de Philippe Sollers dans la salle.
La mort de cette figure douce et majeure a inspiré la Septième Fonction du langage (Grasset), roman de Laurent Binet sorti en septembre et fausse enquête où se croisent les acteurs principaux de la pensée de l’époque. L’auteur de 43 ans voit en lui «une figure devenue totémique. On a beaucoup parlé du poids de Foucault ou de Derrida aux Etats-Unis, mais en France, Barthes a un rôle capital. Son triomphe contre ceux qui l’attaquaient est total». Aussi, la force de sa pensée serait d’avoir dépassé les frontières du microcosme universitaire : «On est comme Monsieur Jourdain, tout le monde fait du Barthes sans le savoir. Il ne se passe pas une semaine sans que sa grille de lecture du monde soit utile, et utilisée. Selfie, smartphone, tout peut se lire avec sa méthodologie», précise l’écrivain.
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Selon le philosophe Mathieu Potte-Bonneville, «il y a chez lui une telle pensée de l’hypertextualité, des différents régimes de signes, qu’il nous aide à comprendre le contemporain, Internet, etc. Nous sommes dans une société mixte, un monde d’images en pleine circulation.» A l’Institut Français, où il est responsable du pôle «Idées et Savoirs», Mathieu Potte-Bonneville est de ceux à l’initiative de Barthes.vision, une plateforme internet lancée en avril. Comme Instagram, le site présente des nuées d’images, envoyées par des internautes du monde entier appelés à réagir visuellement à une quinzaine de citations de Barthes. A la fameuse phrase «Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a lieu qu’une fois», correspondent des couchers de soleil, des oiseaux qui s’envolent, des enfants qui jouent, avec des hashtags comme sur les réseaux sociaux. De même pour «le mur appelle irrésistiblement la trace des songes profonds, des agressions ou des caresses intimes» ou autres extraits de ses livres. Depuis le lancement de Barthes.vision, plus de 5 000 photos ont été publiées. Potte-Bonneville : «C’est frappant de constater que les internautes ont envoyé des images soignées, très posées, et très peu de photos volées.» Comme si Barthes imposait une forme d’élégance.
C’est aussi, en plus de la bibliographie, ce qui reste du penseur : une attitude, un détachement, une allure qui se résume à quelques signes distinctifs (la veste en tweed, la voix douce, le regard clair…). Au fond, Barthes est devenu comme le bifteck-frites ou la DS, une mythologie. S’attacher à ce qu’il y a de plus saillant et léger chez lui, ce n’est pas le renier, c’est accompagner cette hypersensibilité à tout ce qui affleure des choses. Laurent Binet : «Chez lui, le ton n’est jamais polémique, toujours technique, un mélange de rigueur et d’inventivité. D’où la référence que je fais à Sherlock Holmes dans mon livre». Barthes impose une déduction. En septembre, voilà qu’il est lui-même devenu un objet d’une (relative) traque de détective. Les éditions du Seuil ont lancé un appel public «à la recherche de l’enregistrement sonore de la dernière leçon que Roland Barthes donna au Collège de France, le 23 février 1980». Grâce à un ancien étudiant, le cours retrouvé a été inclus dans la dernière édition de la Préparation du roman, sorti fin octobre.
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Roland Barthes aimait Stendhal, comme nombre de personnes, et voilà que sa figure, trente-cinq ans après sa mort est l’objet d’une cristallisation telle qu’étudiée par l’auteur du Rouge et le noir. Une sorte de culte barthien contemporain. Dans le Roman du mariage, de manière hilarante, Jeffrey Eugenides mettait en scène une jeune fille en plein chagrin d’amour qui ne sortait pas de son lit et ne lâchait pas son exemplaire de Fragments d’un discours amoureux. Début 2015, la marque Hermès a lancé un carré en hommage au livre, reproduisant sur la soie la structure visuelle de l’essai paru en 1977, comme un fétichisme absolu.
C’est que Barthes ne nous a pas seulement enseigné comment voir, il nous a aussi appris à regarder, et donc à aimer. Il y a quelques jours, la Poste a sorti un timbre à son effigie. En haut de l’enveloppe, le visage crayonné du penseur est un parrain idéal pour les déclarations d’amour. Même si plus grand monde n’écrit ses missives enflammées sur papier.
Colloque international «Avec Roland Barthes» au Collège de France les 12 et 13 novembre. Sous la direction d’Antoine Compagnon, d’Éric Marty et Philippe Roger.
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