samedi 19 mars 2016

Printemps des poètes 2 - "Tandis que les crachats rouges de la mitraille" (Rimbaud)

Je poursuis ma petite série à l'occasion du printemps des poètes : portraits tracés sur ipad et poème choisi. Aujourd'hui, rendez-vous avec Rimbaud.


  • Arthur Rimbaud. © ARySQUE Arthur Rimbaud. © ARySQUE
    Ce poète-là a le cœur en bordure, l'insolence bravache et la peine abyssale. C'est une étoile filante, un éclair, un coup à l'âme. Un maître du suspens poétique qui te promène, léger, dans les "frais cressons bleus" et te plombe au final comme on se prend une balle.
    Un amoureux total, un passionné absolu… messager des émois qui vous retournent l'âme, là, vous tout seul, avec votre peine et votre désir, votre jubilation et vos renoncements… Mais un homme que l'homme intrigue, que l'homme fait jouir et désespère ; un chercheur d'éternité. "Et merde aux saisons !", écrivait-il…
    Entre chaos de guerre et soif d'absolu, c'est un mélancolique pur jus du XIXe siècle ; et quel nectar ! Dans tout ce fatras, il avait ce génie : celui de savoir nous émerveiller du beau comme du laid, parce qu'en amour, en fait, c'est égal
    On aime à dire qu'il aurait mal fini, vendeur d'armes revenu de tout ? Je ne sais pas.Mais je lis Rimbaud et j'aime, absolument tout.Ce poème notamment, pour sa mitraille qui saccade, son Dieu qui s'en balance sous une plume badine, et ce "gros sou", enfin, pour qu'on taise les larmes !

    Le Mal
    Tandis que les crachats rouges de la mitrailleSifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
    Tandis qu'une folie épouvantable, broie
    Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;— Pauvres morts ! Dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,Nature ! Ô toi qui fis ces hommes saintement !…—
    Il est un Dieu, qui rit aux nappes damasséesDes autels, à l'encens, aux grands calices d'or ;Qui dans le bercement des hosannah s'endort,
    Et se réveille, quand des mères, ramasséesDans l'angoisse, et pleurant sous leurs vieux bonnets noirsLui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
    1870Arthur Rimbaud in Poésies

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