Ecrire ses souvenirs d'école
est un exercice classique. Des grands auteurs y ont excellé. A cette rentrée,
Lola Vanier, 27 ans, surgit toute fraiche de l'anonymat pour conter les siens.
Drôles et graves à la fois.
Lola Vanier
publie un livre choc sur l'ennui à l'école à la rentrée 2015. (Nicolas Pavan
libre de droits)
Sa dernière année d’université en master d’arabe
lui a servi de révélateur. Une fois de plus, Lola Vanier, 27 ans, y a croisé des
enseignants pleins de morgue, prisonniers d’un système éducatif déshumanisé, et
cette expérience a brusquement fait sens. Elle écrit au début de son livre (1),
en librairie ce jeudi 27 août :
“J’ai compris que mes chagrins et ceux
de mes camarades à l’école, au collège et au lycée, n’étaient pas de petits
chagrins de mômes, de petites vexations d’adolescents susceptibles mais bien de
profondes failles dans la maison de l’Institution."
Défiance mutuelle
Elle a donc replongé dans ses impressions
d’élève, au collège puis au lycée publics, à Paris : dans le système qu'elle
décrit, les enseignants - beaucoup d’entre eux en tout cas - anesthésient
l’envie d’apprendre et transmettent un savoir postiche. Elle écrit :
“On m’a enseigné un monde de
connaissances dans lequel ma présence était superflue."
Avec humour, elle égrène ses déceptions
scolaires. L'école qu'elle a fréquentée ne semble pas avoir été touchée par les
réformes qui suscitent tant de débats fiévreux. Interdisciplinarité ? Travail
par projet ? Participation ? Rien du tout ! La passivité est la
règle.
“Pour moi, le cours magistral a été une
réalité constante de la primaire jusqu’à l’université. Tout est fait pour que
les élèves écoutent et que les professeurs parlent."
Pour autant, elle n'accable pas les adultes. Ils
font ce qu'ils peuvent, avec ce qu'ils ont appris. Enseigner autrement ne
s’improvise pas.
Ennui quotidien
Ses portraits sont croqués sur le vif : le
professeur d’anglais se répandant en remarques sarcastiques pour ne pas perdre
la face ; le professeur d’histoire-géo dictant son cours sans jamais poser une
seule question à sa classe ; un autre se perdant dans des digressions infinies
sur le sentiment national - si loin du sujet qu’elles en deviennent drôles ; la
professeur de SVT en guerre avec ses élèves, qui du coup la laissent se débattre
avec un rétro-projecteur rétif… Lola Vanier nous assied en classe avec elle, et
c’est très amusant. Avant d’être accablant. Elève, elle n’avait pas encore les mots pour le
dire, mais dix ans après, elle dénonce la hiérarchie stérile, l’ennui quotidien
:
“Nous comptons les secondes qui passent,
pour rester éveillés et vivants [...] Je reste silencieuse mais mon cerveau
bouillonne, explose."
Elle a rétrospectivement le sentiment d’un
énorme gâchis devant tout ce temps perdu, inutile, où elle n’a rien appris. Cela
se chiffre ! En histoire, par exemple, à raison de 78 heures de cours par an,
pendant 15 ans. Et pour quoi finalement ?
“Pour rien ! L’école fait de l’Histoire
une vulgaire succession de faits à engloutir sans plaisir, ni mode d’emploi, ni
digestion, ni lien."
C'est excessif sans doute, mais le ton est
tellement sincère…
Le rêve d'une école fraternelle
Lola Vanier n’oublie pas de rendre grâce, de
belle manière, à quelques personnages qui l’ont durablement touchée, parce
qu’ils ne lui ont pas parlé du haut de leur autorité, mais l’ont traitée comme
une partenaire responsable. Ce sont ses plus belles pages. Avec ces enseignants, elle a senti "le plaisir
d’apprendre, de grandir, le plaisir de se sentir réfléchir et d’en être
appréciés, aidés, élevés…". Ces rencontres lui font sentir, rétrospectivement,
toute l’inanité du temps passé avec les autres adultes. Alors sa frustration,
voire sa colère, affleurent. Comment cette école du mépris et de la hiérarchie
peut-elle fonder une société juste et heureuse ? Lola Vanier, en adepte de la communication non
violente, termine son livre sur une note militante. Elle voudrait "réenchanter
l’école", qui doit reposer sur "la réalisation d’un épanouissement individuel au
sein d’un épanouissement collectif, d’une communauté fraternelle", écrit-elle en
citant Edgar Morin. Un beau rêve... mais la route est longue. Caroline Brizard (*) Lola Vanier, "Longtemps je me suis
ennuyée à l’école", Editions Max Milo, Paris, 27 août 2015
Sans vouloir dédouaner les deux journalistes
soupçonnés d'avoir fait chanter le roi du Maroc, il faut
reconnaître que la pratique n'est pas nouvelle : elle a même été pratiquement
inventée par un gazetier français peu scrupuleux, Charles Théveneau de Morande,
qui publiait des horreurs sur tous les princes de l'époque dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle. Le libelliste opérait depuis Londres pour s'adonner à
son juteux trafic tout en évitant la censure du royaume de France qui
cadenassait plus ou moins bien les libraires. La technique était bien rodée : Morande écrivait
des ragots diffamatoires sur les célébrités de l'époque, il en imprimait
certains extraits qu'il faisait parvenir à ses cibles en les menaçant de tout
publier si elles ne payaient pas une certaine somme... Sauver sa réputation
était à ce prix, sachant que la littérature pamphlétaire inondait régulièrement
les antichambres du pouvoir et les appartements parisiens... C'était la presse
de ruisseau de l'époque, très prisée, car mordante vis-à-vis du pouvoir royal,
avant même son explosion sous la Révolution française – il va sans dire
qu'aucune déontologie n'anime les scribouillards de l'époque. Morande attaque avec sommation et s'enrichit à
vue d'œil tandis que la liste de ses victimes s'allonge : de riches bourgeois
parisiens, plusieurs nobles, le marquis de Marigny, frère de la Pompadour qui
doit son élévation à la favorite royale, des ministres et même Voltaire. À la
même époque, au début des années 1770, le libelliste frappe un grand coup en
publiant Le Gazetier cuirassé, une édition pamphlétaire qui égrène,
pêle-mêle, les scandales de la cour et des anecdotes croustillantes ou grivoises
sur les princes et les puissants du moment. La publication fait grand bruit même
si elle circule sous le manteau. Désormais, la monarchie suit de très près ce
Morande, décidément bien insolent : on l'espionne, on l'intimide, on tente même
de l'enlever, sans succès.
Il faut sauver la du Barry
La plus chaude alerte intervient quelques années
plus tard, lorsque l'aigrefin décide de viser frontalement Mme du Barry,
nouvelle favorite du roi, une ancienne prostituée de haut vol qui tient
désormais la première place à Versailles. On imagine le scandale à la cour et
les anecdotes à venir, d'autant que l'on prévoit de joindre au texte des
gravures licencieuses... Le titre en fait déjà saliver plus d'un : Mémoires
secrets d'une femme publique ou Essai sur les aventures de Mme du Barry
depuis son berceau jusqu'au lit d'honneur. Tout un programme… Morande laisse
entendre qu'il parlera de ces fameuses techniques sexuelles qui ont envoûté le
roi – dont le « baptême ambré », qui consistait à se parfumer l'entrejambe. En
comparaison, Closer fait aujourd'hui dans la dentelle. Louis XV s'inquiète, il sait à juste titre
combien ces détails, brodés ou inventés par un cerveau tordu, peuvent affaiblir
un pouvoir royal qu'il a contribué lui-même à désacraliser en s'affichant avec
des maîtresses issues du tiers état. On entre en contact avec Morande qui voit
là le coup du siècle : il réclame 6 000 louis comptant pour laisser l'exemplaire
au placard et une pension annuelle de 5 000 livres (plusieurs dizaines de
milliers d'euros aujourd'hui), réversible à sa mort à sa femme et ses héritiers
! C'est ce qui s'appelle faire chanter une poule aux œufs d'or. Les espions et
des émissaires se succèdent à Londres - dont Beaumarchais en 1774 - pour
intimider ou négocier à la baisse les prétentions du célèbre libelliste, qui
finit par obtenir un beau capital et une pension en échange de son
silence…
Les amours de Charlot et de Toinette
Sous le règne de Louis XVI, la technique va
devenir une habitude : un commerce de livres licencieux se met en place pour
rançonner les princes du sang, et notamment Marie-Antoinette, cible privilégiée,
car le seul fait de parler d'elle fait vendre du papier… On verra même certains
policiers, chargés de contrôler l'imprimerie, tremper dans ce business de
l'ombre en ramassant leur pourcentage au passage. Le roi, soucieux de l'honneur
de sa femme, prend l'habitude de payer, à l'image des autres princes. En 1781,
il débourse la somme invraisemblable de 18 600 livres pour acheter l'édition des
Amours de Charlot et de Toinette, très injurieux pour le couple royal,
illustrée de gravures pornographiques. Ce n'est qu'un début : avec l'affaire du
collier de la reine, en 1785, les bandits littéraires prolifèrent, notamment la
fausse comtesse de La Motte, une arnaqueuse qui a monté toute l'affaire en
faisant acheter un collier mirifique au nom de la reine par un cardinal crédule,
dans le dos de la souveraine, sans doute innocente dans l'histoire. Le scandale
est inouï, la reine définitivement déconsidérée dans l'opinion publique, quatre
ans avant la Révolution française. Condamnée puis emprisonnée, la comtesse de La
Motte finit par s'évader à Londres, où elle assouvit sa vengeance en publiant
des brûlots sur la souveraine. En 1791, tandis qu'elle s'apprête à sortir de
nouveaux souvenirs fracassants, où elle décrit une Marie-Antoinette lesbienne et
maîtresse du premier cardinal de France, elle meurt brutalement. Mais Louis XVI
charge de détruire à tout prix ce torrent de boue : un agent achète le tout pour
14 000 livres et brûle la totalité des exemplaires – soit trente ballots – dans
le four de la manufacture de Sèvres. En vain : un exemplaire est récupéré par
des républicains, qui finissent par l'imprimer. Quand il paraît enfin, la
monarchie agonise, la famille royale croupit au Temple en attendant le
pire....
Le Monde Diplomatique, Société, par Sébastien Lapaque,
août 2015
Gaston Leroux
On annonce assez bruyamment un peu partout la disparition prochaine
des livres. Faut-il à ce propos prendre modèle sur Démocrite, le
philosophe que le spectacle du monde faisait s’esclaffer, ou sur
Héraclite, qui au contraire en pleurait ? A moins qu’il ne faille, comme Spinoza, préférer « ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre » ?… Dans son Cours de médiologie générale
(1991), Régis Debray avait proposé une typologie subtile de ce
mouvement historique : après l’âge de la parole (la logosphère) et celui
de l’écrit (la graphosphère) viendrait celui de l’image et de la vie
connectée (la vidéosphère), le livre n’y ayant plus sa place. Selon
certains, le changement d’ère a maintenant eu lieu. Mais le
bibliothécaire qui se cache derrière le pseudonyme de Virgile Stark ne
veut pas le croire et pleure, lui, lorsqu’il l’entend dire (1).
A suivre ce témoin de la révolution numérique qui s’accomplit
présentement en France sous le commandement des mages futuromaniaques en
place dans les ministères, celle-ci tient largement de la prophétie
autoréalisatrice et du « bluff techno-marchand ». Partout dans le pays, on démantèle des bibliothèques « matérielles » après avoir entendu des experts proclamer la mort du livre « papier »
sans avoir soumis cette annonce de décès au moindre examen critique.
Refusant leurs exposés financés par des vendeurs de machines, Virgile
Stark campe sur des positions claires : « Le codex [ce qui désigne ici de façon générale l’objet livre] est indépassable et imperfectible, il est le chef-d’œuvre adéquat à sa finalité. »
Son libelle a le charme des ouvertures du feu en position défavorable
— situation inconfortable qui ne conditionne cependant pas l’issue du
combat. Il évoque les essais de Philippe Muray par sa férocité polémique
et un ancien pamphlet de Jean-Marc Mandosio sur « l’effondrement de la Très Grande Bibliothèque nationale de France (2) »
par la solidité de ses arguments. Mais les larmes d’Héraclite, aussi
sincères soient-elles, ont l’inconvénient de brouiller la vue. Elles
empêchent de voir la persistance « d’une dizaine de milliers d’asociaux en liberté provisoire » employés à « faire sécession quelques heures par jour » pour renouer, livre papier en main, avec ce que Valery Larbaud a nommé un « vice impuni » : la lecture. Dans une façon de journal politique et critique, Un candide à sa fenêtre (3), Régis Debray, qui voit les mêmes causes produire les mêmes effets (« On trouve moins d’étagères pour bouquins qu’autrefois à Ikea — perspicace entreprise qui a pris acte du tournant numérique »),
préfère, au lieu de pousser des hurlements de bouledogue vivisectionné,
rire des arguments des apôtres de la dématérialisation. Que feront les « Turbo-Bécassine et Cyber-Gédéon » (4) de la Net generation du million de titres compressés dans les microprocesseurs de leurs tablettes ou dans la virtualité du cloud s’ils sont incapables de lire cent livres ?
Mais le refus de désespérer n’interdit pas la lucidité alarmée. Le
grand connaisseur de l’histoire de la culture écrite Roger Chartier n’a
jamais nié qu’existe le risque de la relégation, sinon de l’oubli de la
lecture des livres, comme le rappelle Virgile Stark, qui le cite. Dans
un éblouissant recueil d’essais érudits, La Main de l’auteur et l’Esprit de l’imprimeur (5),
Chartier n’en soutient pas moins à sa manière l’hypothèse du caractère
indépassable et imperfectible du codex, même s’il est d’accord avec
l’écrivain argentin Jorge Luis Borges pour penser que tous les livres
parus dans le monde ne forment qu’un seul Livre.
Des « marchands futés » ont conçu, souligne Virgile Stark, des « bougies spéciales dégageant un parfum de vieux livres »
à l’usage des lecteurs frustrés par la froideur inodore de leur écrans.
On n’en a peut-être pas fini avec le papier, avec l’objet concret que
le lecteur touche, plie, annote, oublie sous la pluie et retrouve sous
le soleil…
Sébastien Lapaque
Journaliste et critique littéraire, auteur de Il faut qu’il parte, Stock, Paris, 2008.
(1) Virgile Stark, Crépuscule des bibliothèques, Les Belles Lettres, Paris, 2015, 206 pages, 17 euros.
(2) Jean-Marc Mandosio, L’Effondrement de la Très Grande Bibliothèque nationale de France. Ses causes, ses conséquences, L’Encyclopédie des nuisances, Paris, 1999.
(3) Régis Debray, Un candide à sa fenêtre. Dégagements II, Gallimard, Paris, 2015, 394 pages, 21 euros.
(4) Cf. Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs, Exils, Paris, 1998.
(5) Roger Chartier, La Main de l’auteur et l’Esprit de l’imprimeur, Gallimard, coll. « Folio Histoire », Paris, 2015, 406 pages, 7,50 euros.
Le 27 août 2015, Clinique d'Orgemont à
Argenteuil. Il est très tôt, je me suis réveillé vers 4 heures,
pour écrire. Je suis dans une phase d'écriture, j'ai la tête qui fourmille et
mal au dos, ça ne s'arrête jamais, nuit et jour. Ça faisait longtemps que ça
n'était pas arrivé, j'ai été sec, aphone, stérile pendant plusieurs
semaines.
Un peu de politique : moi qui me retrouve à la
rue et viens de faire une demande de RSA, je mesure à quel point il n'y a pas de
statut d'écrivain en France, seulement un prestige symbolique, et encore, pas
partout. Quand je dis à la Caf ou à l'assistante sociale que ces dernières
années j'ai écrit et publié, un léger voile blanc passe sur le visage de ces
dames : A part ça vous avez travaillé ? Vous avez un métier ? Peut-être une
qualification ? Les plasticiens (pas tous, bien sûr) peuvent avoir des ateliers
d'artistes, nous rien. De même, pas d'heures, pas de statut type intermittent.
D'aucuns me diraient : Oui, mais si on va par là tout le monde écrit ou peut
écrire ? Je répondrais : Oui, mais tout le monde peut aussi faire de la
figuration, or les figurants (pas tous, bien sûr) accumulent leurs heures et ont
des droits. Ecrire est un peu à part, je vous l'accorde. Je suis le premier à
placer très haut l'écriture. Mais c'est un problème quand elle nous conduit à
vivre si bas. Je sais, je ne réponds pas à la question, au
thème proposé qui est plus de l'ordre d'une théorie, d'une réflexion, là
maintenant j'ai besoin de lancer une pierre avant toute chose. Contre un mur.
Cette pierre est aussi bouteille à la mer. Donc écrire ? Beckett répondait : « Bon qu'à ça,
Bonkaça ». Et Duras disait qu'elle écrivait pour se venger. Elle a dit beaucoup
de choses sur l'écriture, Duras, mais je retiens surtout cela. Ça me
parle.
J'ai daté ce texte et je suis là, présent
pendant qu'il s'écrit. Je ne me vois pas dire ce que je pense de l'écriture
ex nihilo, de ce que c'est pour moi, ça, en général, en dehors d'une
date, d'un corps et d'un lieu. Je suis actuellement en clinique psy :
dépression, rechute, TS il y a quelques semaines, médicaments. Il est 5 heures
30 et des poussières. Ecrire c'est arriver à supporter ce qui n'est
pas supportable, le réel. C'est faire une dérivation. Pardon pour le ton
grandiloquent mais je crois que c'est vrai. C'est en même temps une main tendue,
une adresse, vers l'autre, le lecteur imaginaire, cet amour inconnu qui
redonnera vie au texte avec ses yeux, ses bras, ses poumons, son cerveau, son
sexe et sa colonne vertébrale. Rien de ce qu'on peut dire sur l'écriture ne
peut être définitif. L'écriture c'est l'atelier, le off, le hors-champ. La sueur
et pas le parfum. Là en ce moment il est 5 heures 58 et je suis seul au monde,
seul à en pleurer, c'est aussi ça, écrire. Non pas le dire mais le vivre.
L'accepter, faire avec la solitude du monde, la voir telle qu’elle est : immense
et relative. Il y a le cosmos, les étoiles géantes, les galaxies, les nébuleuses
et les trous noirs. Il y a cette « matière » qu'on dit noire faute de mieux et
qui est autre chose que la matière, qui n'est pas chose, justement. Ecrire c'est faire avec son nombril et Palmyre
détruite, faire avec les radeaux de la Méduse en Méditerranée. Face à face avec
la souffrance mentale et celle des corps. Faire avec Kévin Gagneul, 32 ans, mort
il y a six jours en plein été, mort des suites d'un cancer lié à un sarcome de
Kaposi, il avait été contaminé par le VIH à 24 ans. Nous sommes en 2015 en
France, planet Earth, on continue de mourir du Sida, directement ou
indirectement. Et je ne parle même pas de l'Afrique. L'écriture c'est l'atelier et non le musée. Le
mouvement et l'effort, les ratures, c'est le processus et non l'arrivée, le
texte fini, corrigé et publié, taxidermisé. Je n'ai rien d'intelligent à dire. L'écriture
est saignée, l'écrivain se casse la gueule tout le temps, et se relève, en
donnant un peu de sens à ses fêlures, à ses fissures. Du sens ou au moins une
direction. L'écriture c'est essayer de comprendre ce qu'est
l'autre, ce qu'est un autre que soi, comment c'est possible. C'est scandaleux
qu'il y ait des autres. C'est un miracle et un scandale. Ecrire c'est arriver là
: L'autre enfin, pas moi. Ecrire c'est essayer de remplir le vide
sidérant, c'est la déconnection, la décroissance et la déconstruction, faire que
ça s'arrête, le réseau, la communication, le flux continu, les timeline
et les infos en boucle. La flèche du temps. « La mémoire est infernale de ce qui n'arrive
pas », écrivait Duras, encore elle. Oui, mais elle est aussi infernale de tout
ce qui arrive et contre quoi on ne peut rien. Sa propre mort à venir, qui a déjà
commencé son travail de sape, les massacres, la faim, la déforestation et la
souffrance animale. C'est faire avec ses pulsions de vie et de mort, à chacun
ses dérèglements, ses érections, ses pannes. Je ne réponds toujours pas au sujet, je sais,
mais je suis fatigué aujourd'hui, ce matin - à ces aurores qui sont aussi
horreurs – ok, facile. Maintenant je ne
me sens capable que de tourner autour. Et mon seul savoir est savoir que je ne
veux pas certaines choses, pas envie. Je n'ai pas envie de décrire le goût du
néant, l'angoisse à l'intérieur qui fait se tordre, qui nous laisse exsangues,
épuisés du soir au matin, sans espoir et sans pensée, la souffrance pure,
l'envie de pleurer comme un enfant stupide qui appelle.
Je n'ai pas envie de penser au Caravage mort à
38 ans en exil, à Vincent sur ses terres de lumières, après son Damas de pasteur
dans le Borinage, Vincent à l'oreille coupée, aux corbeaux dans le ciel épais, à
la folie de la couleur dans les branches de cerisier. Je n'ai pas envie de
penser à Rimbaud et ses fuites, aux amours de Michelangelo, à Rome et au départ
de Florence, aux lettres à son Ganymède. Pas envie de penser à Verlaine ivre
dans ses caniveaux, à Villon le maudit, à Beethoven et la réclusion dans la
surdité, à Séville, Barbara, Joplins, Pasolini, Chéreau, Mishima, Trouville,
Nina Simone à Montreux en 1976, à ses Feelings, à Kurt Cobain et Amy
Winehouse, Back to black. Pas envie de penser à La solitude des
champsde coton, à la Marilyn des Désaxés, celle qui hurle
dans le désert du Nevada avant de pleurer comme une petite fille nerveuse qui ne
mérite que la fessée. Pas envie de penser à La pudeur et l'impudeur de
Guibert, aux Chiens, aux dix mille degrés sur la Place de la Liberté à
Hiroshima, penser à Yolanda-Dalida, à Piaf, à Camille Claudel, à Dustan dans sa
chambre, à Romy et Delon dans La Piscine... La mémoire est saturée d'images et de sons, de
livres, de séries, de porno et d'images de publicité, je me déconnecte. Ecrire
c'est se déconnecter. Je ne veux qu'évoquer, survoler, oublier. Mettre à
distance et faire table rase, évacuer les références, ces foutues références,
ribambelle de clichés tenaces, un vernis culturel derrière lequel on se cache et
on se love, on se pare. Le paon fait la roue. La connaissance est essentielle,
pas le savoir. Ecrire c'est marcher sur des sables mouvants,
c'est se regarder dans le miroir et se voir vraiment, comme un autre avec cette
gueule d'autre, celui avec qui il faudra cohabiter. Je voudrais des faits, rien que des faits, comme
Frank Smith par exemple, des faits ou des objets comme ceux de Ponge, une
huître, un cageot. Je voudrais le vent et le silence d'un Jon Fosse,
l'exactitude et pas la vérité. Je me méfie de la vérité. Ecrire comme Annie Ernaux dans Les
années, mettre à distance sans s'éloigner, sans perdre la précision, dire
les jours, les odeurs, les chambres d'isolement, les lieux, les mots, la marque
des objets et puis leur prix, leur taille, comment le temps les abîme, les a
fait jaunir, les érode et les polit. Je voudrais avoir la profondeur subtile de
Camille Laurens, sa dignité, Camille qui pleure en silence, toujours un sourire
aux lèvres, par politesse, tact, noblesse.
Bobby
(DR)
Ecrire ce serait écrire jusqu'à Bobby et le
rendre passionnant, Bobby, mon chien jaune en peluche, qui a perdu ses poils et
l'un de ses iris, qui a des trous dans le cou, qui a été recousu maintes fois,
qui a mon âge exactement, qui était dans mon berceau juste après ma naissance.
Pathétique, Bobby ? Oui, mais funky aussi. Et puis je voudrais la simplicité, même si elle
me fait peur, car elle me fait penser au vide. Je ne suis pas sage, j'ai
toujours peur du vide. Peur du vide et des fantômes, des monstres sous le
lit. Il paraît que ce n'est pas parce qu'on a cessé
de croire qu'il faut perdre la foi. Je ne sais pas si écrire procède d'une foi
ou d'un entêtement obstiné, d'une manie. Peut-être des deux. Au final vous savez quoi ? J'en sais
rien. Je parle, je parle, je note. Il va être 8 heures 10, je vais descendre pour
le petit-déjeuner, retrouver mes folles et mes fous, et fumer ma première clope
de la journée.
Le HuffPost en association avec LE MONDE Publication:
La rentrée littéraire de l'automne 2015 s'annonce sérieuse et
féminine. Pas de scandale annoncé, si ce n'est le suspense d'une
procédure qui aurait pu ordonner le retrait du livre de Simon Liberati.
Un événement finalement utile à l'auteur, qui est devenu depuis l'une
des stars de la rentrée. Son livre Eva (Stock) cumule qualité d'écriture, souffle et ce petit soupçon de scandale qui sied à ceux qui "font" l'événement.
Avant
d'entrer plus précisément dans nos sélections de lectures de la saison,
nous vous livrons un panorama général de ce qui vous attend, vous qui
vous demandez avec inquiétude: que vais-je lire cet automne?
600 romans inédits
Comme
chaque année à la fin du mois d'août, s'annonce la rentrée littéraire.
Une bizarrerie française qui rythme les publications des maisons
d'édition et impose un rythme infernal aux lecteurs. Les éditeurs se
souviennent probablement de leurs années "cartables d'écolier" et se
préparent avec boulimie à la future distribution des nombreux prix
(littéraires) qui s'échelonneront jusqu'à Noël, en rêvant de lester d'un
bandeau rouge leur précieux ouvrage, afin d'attirer l'attention des
acheteurs de cadeaux de fin d'année.
Bref, la rentrée littéraire
est une institution bien française et son cru 2015 n'échappe pas à la
règle: comptez près de 600 romans inédits qui vont envahir les étals des
libraires. Un chiffre qui, bien que pléthorique, est plutôt à la
baisse, puisqu'il est le plus bas depuis dix ans (mis à part 2013, qui
avait marqué les esprits par sa faible production). Parmi cette
livraison, signalons que ce sont près de 400 romans d'auteurs français,
parmi lesquels 68 premiers romans.
L'émotion de la rentrée: Simon Liberati
A
chaque rentrée son lot d'émotions. Cette saison, les éditeurs avaient
semble-t-il privilégié des choix consensuels qui n'étaient pas destinés à
faire de vagues. On parlait de "rentrée sérieuse", comme pour se
rassurer. Nous avons tout de même eu droit à notre séquence émotion,
grâce à la procédure lancée par la photographe Irina Ionesco à
l'encontre de l'écrivain Simon Liberati, auteur de Eva (Stock), qu'elle accusait d'atteinte à son image et sa vie privée.
Le
monde de l'édition a retenu son souffle. Il y a quelques semaines nul
ne savait encore si le livre serait maintenu au programme de la rentrée.
Soulagement: la photographe a finalement été déboutée, la sortie
confirmée. Le suspense de cette procédure a été le meilleur piment de
cette rentrée presque trop sage. Le meilleur? Ce bruit occulterait
presque la qualité du livre en tant que tel. Ce récit revient sur la vie
de celle qui est aussi la compagne de l'écrivain, Eva Ionesco. Celle-ci
fut, enfant, la modèle de sa mère pour des photos aux connotations
sexuelles dérangeantes. Eva, femme mythique et mythifiée par son
romancier de mari, qui fait de ce livre une ode à l'absolu, comme un
magnifique témoignage d'amour. Des mots qui portent un regard réparateur
sur celle qui a été détruite par la captation de son image par sa mère.
Un livre qui s'impose avec force dans un style lyrique et inspiré.
Notre grand coup de cœur de la saison. Et un des poulains pour un futur
prix...
Les femmes tiennent le haut de l'affiche
Constat
général: cette rentrée est "féminine". Nous ne pouvons que nous
féliciter du fait que les femmes soient devenues des "écrivains comme
les autres" et que leurs plumes soient désormais reconnues par les
éditeurs comme par les lecteurs. En tête, fidèle à sa publication
annuelle, Amélie Nothomb, qui ouvre le bal avec son Crime du comte Neville
(Albin Michel), l'histoire d'un aristocrate qui consulte une voyante et
qui voit sa vie basculer entre projection imaginaire et réalité.
Dans un genre bien différent, Christine Angot compte bien tenir le haut des étagères avec Un amour impossible
(Flammarion). La reine de l'auto-fiction aborde la question des liens
qui l'attachent à sa mère et évoque la vie de cette femme, fragile et
dépressive. Entre fusion et confusion, à cause de l'inceste du père
dénié par cette mère impuissante. Le llivre est porté par une grande
sincérité, mêlé à un style aiguisé qui en font un texte plus accessible
et plus « universel » que d'autres opus de Christine Angot. Car derrière
les mots, c'est de l'amour d'une mère dont il s'agit, avec ses ombres,
mais aussi ses lumières. La romancière signe peut-être ici son plus beau
livre.
Emprise et quête de soi
Autre figure très attendue, Delphine de Vigan, qui revient quatre ans après son très marquant Rien ne s'oppose à la nuit (JC Lattès). Avec D'après une histoire vraie
(JC Lattès), elle raconte l'histoire d'une romancière à succès, qui
tombe sous l'emprise d'une femme manipulatrice. Un livre qui montre
comment une relation toxique peut devenir destructrice à l'insu presque
de la victime. Le récit joue sur les ambivalences, les cillements de la
vérité et entraîne le lecteur dans un véritable suspense. Page-turner garanti.
Très attendue aussi par le public, Claire Castillon avec Les pêchers (L'Olivier),
un récit qui évoque plusieurs figures de femmes liées à un même homme
et leurs manières de "faire avec" ce que sont leurs aspirations, leurs
obligations et leur quête de délivrance. Carole Martinez qui nous avait enchantés avec Du domaine des murmures (Gallimard) revient en force avec un livre qui se situe au Moyen Âge La terre qui penche (Gallimard),
et qui évoque la vie d'une jeune fille et femme du nom de Blanche.
Carole Martinez confirme sa grande maîtrise du récit et du style.
Agnès Desarthe qui n'avait pas écrit de roman depuis plusieurs années revient à la fiction avec Ce cœur changeant (L'Olivier),
une fresque magnifique qui met en scène le destin de la fille d'un
officier français et d'une aristocrate danoise née au début du XXe
siècle, qui va connaître l'affaire Dreyfus, la guerre de 14, les années
folles, les voitures Panhard-Levassort, la naissance du féminisme... et
une quête d'elle-même. Un livre aussi virevoltant qu'intime qui nous n'a
pas manqué de nous séduire.
Signalons aussi du côté des plumes féminines, Colombe Schneck avec Sœurs de miséricorde
( Stock), un roman qui raconte l'adaptation d'une jeune immigrée
bolivienne qui quitte son pays et sa famille pour l'Europe du travail:
au-delà d'un beau portrait de femme, la mise en perspective de la
question du déracinement économique, ô combien d'actualité. Emilie Frêche, qui avait été la lauréate en 2013 du Prix Orange du Livre avec Deux étrangers (Stock) confirme ses talents de conteuse avec Un homme dangereux
(Stock), qui propose une autre histoire de fascination : la narratrice
montre comment la rencontre d'un homme va bouleverser sa vie apparemment
sans histoire. Le livre qui résonne avec des accents très personnels
saisit le lecteur. On s'attache à cette "héroïne fragile" qui pourrait
être l'une d'entre nous. L'emprise n'arrive pas qu'aux autres.
Solution transhumaniste et vie hédoniste
Félicité Herzog s'autorise avec Gratis (Gallimard)
une fiction futuriste et mordante, dans laquelle un ambitieux déchu
imagine une nouvelle solution futuriste pour l'humanité. Amanda Sthers qui a l'art de parler de l'air du temps aborde avec Les promesses
(Grasset) une interrogation sur la vie, ses "promesses d'aube
enchantée" au travers d'un héros masculin, Alexandre, qui jouit de
l'existence sans penser aux dégâts collatéraux de son bonheur intrépide.
Le livre dessine une belle figure d'homme: inspiré d'un personnage réel
célèbre qui partagea la vie de la romancière ? Rien n'est directement
affirmé, mais tout est fait pour le suggérer.
Les incontournables de l'automne
Vous ne pourrez les ignorer. Nous les avons aimés. Voici notre sélection. Philippe Delerm renoue avec ce qui a fait le succès de La petite gorgée de bière (Seuil), à savoir ses descriptions sensuelles des "plaisirs minuscules de la vie": il écrit avec Les eaux troubles du Mojito
(Seuil) un merveilleux livre qui nous enivre de sensations et de
surprises. Et qui distille cette légère amertume du temps volatil, qui
s'envole avec nos souvenirs, si chère à l'auteur.
Dans un tout autre registre, le souvent controversé Laurent Binet, qui, avait impressionné (ou agacé) avec HhH (Grasset), n'a décidément pas décidé de rejoindre la troupe des flatteurs bien-pensants. Avec La Septième Fonction du langage
(Grasset), il écrit un polar déjanté qui dresse une peinture au vitriol
d'une certaine société littéraire sur fond d'assassinat imaginaire de
Roland Barthes. Alors que nous célébrons le centenaire de l'auteur des Mythologies
(Seuil), Laurent Binet n'hésite pas à s'attaquer à Michel Foucault,
Philippe Sollers, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Julia Kristeva ou
Bernard-Henri Lévy. Derrière le propos, qui aurait pu être imaginé par
un Umberto Ecco facétieux (imaginer l'assassinat de Roland Barthes et
mettre en scène ceux qui existaient autour de lui), une réflexion sur le
pouvoir du langage et les arbitraires des chapelles de pensée. Un livre
qui "ose", même si le propos force parfois un peu le trait :
jubilatoire de s'amuser avec les grandes statues intouchables, non?
Mon père, ce bourreau
Changement de registre avec Sorj Chalandon qui dans Profession du père
(Grasset) revient comme le titre l'indique, sur la manière dont son
père l'a entraîné dans son désir de violence, ses mensonges, sa folie.
Le thème du père récurrent chez Chalandon, qui est abordé frontalement
dans ce livre aussi beau que bouleversant. Comme si l'écriture pouvait
libérer le fils à jamais du lien avec son géniteur. Nous n'avons pu
qu'être saisis d'effroi à cette lecture, mais aussi d'admiration pour
son auteur. Yasmina Khadra évoque lui aussi une figure sombre et violente,dans La Dernière Nuit du Raïs
(Julliard). Il ne s'agit pas de son père, mais du colonel Kadhafi. Pas
de complaisance dans ce récit, mais une plongée vertigineuse dans la
tête d'un tyran sanguinaire et mégalomane, portrait universel de tous
les dictateurs déchus. Le thème change des récits de fiction habituels
de Khadra : ce portrait à charge révèle une autre facette de son talent.
Exil et fascination de l'Orient
Le destin de l'exilé est au cœur du dernier livre d'Atiq Rahimi, La ballade du calame (L'Iconoclaste). Ceux qui avaient aimé Syngué Sabour,
prix Goncourt 2008, seront touchés par ce texte poétique sur les
douleurs de l'exil. Celui qui se dit "né en Inde, incarné en Afghanistan
et réincarné en France" cherche dans la langue une incantation pour
atteindre l'universel sur "ce qui reste de nos vies quand on perd sa
terre d'enfance". Ce troisième livre écrit en français confirme la place
singulière qu'occupe l'écrivain franco-afghan dans le paysage de nos
lettres françaises, avec la force de son écriture qui réussit avec une
grande économie de moyens à faire vibrer les âmes.
Embarquement non pas pour l'Afghanistan mais pour l'Orient, avec Mathias Enard qui dans Boussole
(Actes Sud) pénètre la rêverie d'un musicologue viennois, habité par
une fervente passion pour cet Orient si proche et si lointain de
l'Europe. La boussole indique la réunion des cultures en résonance.
Ample, brillant, ce livre est porté par une sorte d'exaltation qui
rencontrera l'adhésion ou pas du lecteur sur le fond, mais qui
l'enchantera par sa symphonie multi-phonique. Nous nous sommes laissé
emporter...
Exotisme toujours avec Alain Mabanckou. Son Petit piment (Seuil)
nous raconte le destin d'un jeune orphelin de Pointe-Noire qui, va
connaître les heurs et malheurs d'une vie chaotique. Le récit entraîne
le lecteur dans une sorte de fantaisie aux accents parfois tragiques,
parfois rocambolesques. Quelle énergie ! Quelle verve ! Un ouvrage qui
"raconte une histoire" et qui livre une belle leçon de vie. Les amateurs
de Black bazar (Seuil) retrouveront avec plaisir ce nouveau récit au style truculent.
Quand une meurtrière devient une héroïne
Savez-vous
qui était Pauline Dubuisson? Elle a défrayé la chronique au début des
années 1950, en assassinant de trois balles l'un de ses amants à Paris.
Un fait divers qui a inspiré Jacques Clouzot pour son film La vérité. Philippe Jaenada a été fasciné par cette jeune femme frêle et si "transgressante". Avec La Petite Femelle,
(Julliard), il part en enquête sur 700 pages. Un morceau de bravoure,
car l'auteur mêle allègrement la minutie des reconstitutions avec sa
propre verve littéraire.
Cette jeune fille née dans le Nord et
nourrie aux romans de Nietzsche devient une sorte de Lorelei venimeuse
et ingénue. Jaenada assume sa fascination, fait revivre les années 50,
en oublie presque la meurtrière, ou plus exactement voit en son acte le
feu d'artifice d'une préparation inéluctable. Ce Dans la tête de Pauline Buisson
ne ressemble pas à l'inspiration clinique de Truman Capote dans De sang
froid. Peut-être parce qu'il y a le recul du temps entre l'histoire et
le moment de l'écriture? Et puis, il s'agit d'une femme séductrice et
séduisante: même Patrick Modiano avait avoué sa fascination pour cette
personnalité mystérieuse. Philippe Jaenada a succombé à ses charmes.
Nous aussi. Frédéric Beigbeder, quant à lui, n'a
pas écrit une enquête, mais une série de dialogues avec quelques
"écrivains remarquables". Laissant de côté les couvertures dénudées de
son magazine de prédilection, il nous livre ses Conversations d'un enfant du siècle
(Grasset), fruit de ses rencontres avec des écrivains, de 1999 à 2014,
dont certains disparus comme Bernard Frank, Albert Cossery, Françoise
Sagan, Charles Bukowski ou James Salter. On croise aussi Tom Wolfe,
Alain Finkielkraut, ou Michel Houellebecq. Une petite leçon de style qui
ne se boude pas. Un écrivain qui parle à un écrivain, cela ne donne pas
nécessairement de la littérature, mais toujours beaucoup d'esprit. On
ne boude pas notre plaisir à retrouver ces grands monstres de la
conversation.
Le grand retour de Joël Dicker
Révélation de la rentrée 2012, avec La vérité sur l'affaire Harry Québert (De Fallois) qui est devenu un succès mondial, Joël Dicker revient en force avec un nouveau roman très attendu par ses fans: Le livre de Baltimore
(De Fallois), qui ne sera en vente que le 1er octobre. Le lecteur y
retrouvera avec bonheur la figure de l'écrivain Marcus Goldman, qui dans
ce nouvel opus quitte New York et la banlieue de Boston pour Boca Raton
en Floride. Changement de climat pour le héros qui décide d'écrire sur
l'histoire de sa famille... originaire de Montclair dans la banlieue de
New York. On reste sur la côté Est, et on mélange le chaud et le froid,
un art que Joël Dicker maîtrise parfaitement. Mélange d'enquête et
d'introspection psychologique, ce livre est peut-être plus personnel que
le précédent. Les fans du romancier suisse ne seront pas déçus, car le
livre ne se lâche pas. Il reste bien dans la continuité du précédent.
Peut-être trop ? Difficile de tourner le dos à la recette du succès. Et
pourquoi s'en priver?
La littérature américaine arrive en force
Mondialisation
oblige, les auteurs étrangers font désormais pleinement partie du
paysage éditorial. Plusieurs livres sont en première ligne. Notamment,
la parution tant attendue de la version française du mythique L'Infinie Comédie,parDavid Foster Wallace
(L'Olivier), une somme de 1500 pages qui relate une saga familiale sur
fond de monde imaginaire. C'est un livre fondateur d'une écriture libre,
créative, en un mot post-moderne. De nombreux auteurs américains se
recommandent de Foster Wallace. Et on comprend pourquoi. L'auteur qui
s'est suicidé en 2008 a livré ici un roman-fleuve qui crée un univers
qui lui est propre. Un livre à lire ne serait-ce que pour comprendre les
racines d'une certaine littérature contemporaine américaine.
Nous avons retenu aussi l'envoûtant Délivrances (Bourgois), onzième roman de Toni Morrison
qui signe, à 80 ans, un texte qui nous plonge dans une histoire croisée
entre une mère et sa fille, sur fond d'enfance martyrisée, de racisme,
de violence et de résilience. Ce n'est pas seulement un récit, c'est une
langue, une musique. C'est Toni Morrison et c'est toujours une
expérience unique de lecture.
Les américains qui adorent les enquêtes destroy occupent aussi le terrain : rendez-vous musclé avec Richard Ford,En toute franchise ( L'Olivier) qui offre un quatrième volet aux mésaventures de Frank Bascombe, devenu un sexagénaire désabusé et avec Jim Harrison, Péchés capitaux (Flammarion), qui redonne du galon à l'inspecteur Sunderson, rattrapé par ses démons.
De son côté, la très new-yorkaise Alice McDermott, Someone
(Quai Voltaire), brosse un beau portrait de femme américaine d'origine
irlandaise en reconstituant le puzzle de sa vie. Emblématique d'une
certaine Amérique et une écriture fluide qui sait attraper le lecteur
sans qu'il s'en rende compte.
Violence et violences
Coup de cœur particulier pour Un cheval entre dans un bar de l'israëlien David Grossman
(Seuil): un roman qui commence par une scène de théâtre et son
spectacle comique, pour livrer un message grinçant sur les tragiques
décisions de l'existence. "Le choix" de cet acteur comique devient le
symbole de tout ce que chacun porte en lui, secrets et renoncements quel
qu'en ait été le prix. David Grossman laisse le lecteur sans voix,
alors qu'à aucun moment il ne le place dans l'indécence. Ce n'est pas
seulement un roman, c'est un livre sur la conscience.
Notre autre coup de cœur: l'écossais James Kelman qui a obtenu en 2014 le Booker Prize pour Si tard, il était si tard (Métaillé).
Son livre qui se situe à Glasgow relate la descente aux enfers d'un
homme qui se retrouve tabassé par la police après deux jours de
beuverie. Rude et sombre, le récit montre comment par un enchaînement de
circonstances, un homme peut se retrouver dépossédé de tout, sauf
peut-être de lui-même.
Sur le thème de la violence toujours, mention spéciale à Ryan Gattis pour Six Jours
(Fayard), premier livre traduit de cet écrivain et éducateur, adepte de
street art, qui relate, dans une langue qui juxtapose l'américain et
l'espagnol 'latinos', les Six Jours de guérilla urbaine qui ont embrasé
Los Angeles, du 29 avril au 4 mai 1992. L'écrivain a choisi de donner la
parole à 17 personnages, acteurs ou témoins, de cette "apocalypse now"
qui pourrait être transposée dans toute grande ville multiraciale. A
lire comme on visionnerait un film, d'une traite.
Nous ne pouvons passer sous silence le très attendue suite inédite de la saga Millenium,Ce qui ne me tue pas (Actes Sud), dix ans après la parution du troisième tome de la saga de Stieg Larsson. Il est écrit par David Lagerkrantz
à partir des notes posthumes de l'auteur et fait l'objet d'une
publication dans 40 pays simultanément. Les fans en rêvaient. Nous
doutions de l'intérêt d'une initiative allant à l'encontre des vœux de
l'auteur. Le résultat est selon nous décevant. Nous laissons aux
lecteurs le soin de juger -n'hésitez pas à nous faire part de votre
avis- mais nous avons trouvé que cette soi-disant suite est plutôt une
mise à mort de la série. Dommage.
Nous reviendrons sur les temps
forts des livres de la rentrée. Une chose est sûre : vous ne manquerez
pas de lectures cet automne. Cet article a été publié précédemment dans Viabooks
"Un bon livre pour l’été, l'idéal pour se
reposer et se ressourcer", écrivait récemment sur les réseaux sociaux un
ancien président, plongé dans la lecture de L'Adieu aux armes
d'Ernest Hemingway. Aura-t-il fini avant que les 589 titres prévus pour
la rentrée littéraire 2015 sortent en librairie? Peu probable. D'autant
plus que le grand raout annuel a débuté cette année un peu plus tôt que
les précédentes. Une tendance qu'ont observé certains acteurs du milieu.
Alors
qu'il fallait généralement attendre la fin du mois d'août pour voir les
premiers bouquins estampillés rentrée littéraire atterrir en librairie,
les dates de parution sont avancées cette année et la plupart des
livres sont déjà disponibles. "C'est un phénomène qui a commencé il y a 4
ou 5 ans", constate une ancienne du monde de l'édition interrogée par Le HuffPost.
"Il n'y avait pas autant de parutions avant septembre mais c'est une
tendance qu'il faut nuancer. Elle accompagne aussi une baisse de la
production et une prise de risques moins importante en matière de
premiers romans."
Durée de vie prolongée
Un constat partagé par Jessica Nelson, chroniqueuse littéraire sur TF1 dont le deuxième ouvrage, Tandis que je me dénude,
est publié chez Belfond (sorti le 13 août dernier). "J'ai le sentiment
que cette rentrée littéraire a démarré plus tôt que les précédentes. Ce
'timing' ressemble aussi à une stratégie de la part des éditeurs qui
tentent d'augmenter le temps d'exposition de leurs livres en librairie."
L'auteur, forte de son expérience au sein du comité de lecture des
éditions Plon et fondatrice des éditions des Saint Pères, ajoute:
"Claude Durand, longtemps à la tête Fayard, avait déjà suggéré d'avancer
la rentrée littéraire au début de l'été." Dans une tribune publiée par Le Figaro
en 2006, celui qui était surnommé le "pape de l'édition" avait
effectivement formulé cette requête. "Je suggère d'avancer sans coup
férir la rentrée littéraire à la première quinzaine de juin" assumait
Claude Durand. Parmi les arguments imparables avancés pour justifier ce
changement d'agenda, quelques clins d'œil à la presse et une logique
économique:
"La durée de vie des nouveautés proposées à
la curiosité des estivants serait prolongée d'au moins trois mois (au
lieu, pour beaucoup, de trois à quatre semaines entre leur parution et
les premières 'listes' des jurys) et la 'rentrée' ne coïnciderait plus
avec la période où les bourses aplaties par les dépenses vacancières le
sont de surcroît par les fournitures scolaires."
Historique
Il
n'y a donc pas que le nombre de livres qui varie lors de la rentrée
littéraire. Son calendrier et l'avis d'historiens émérites sur le sujet
aussi. Comme le rappelle Jean-Yves Morlier dans Le Monde,
"l'idée de rentrée littéraire est conceptualisée par le philosophe
Ernest Renan dans les années 1880", après avoir longtemps coïncidé avec
la rentrée scolaire de septembre, elle s'est mise à empiéter sur le mois
d'août, "il y a environ vingt ans".
Patrick Besson, dans son éditorial du Point publié en juillet,
met ce décalage sur le compte "d'éditeurs impatients". "Ça ne nous
avait pas suffi de gâcher la vie des écrivains avec les prix
littéraires, les sélections tous azimuts, les fêtes et Salons du livre:
il fallait aussi pourrir leurs vacances. Ainsi que celles des critiques.
Qui se vengeront. Avant, ils se vengeaient d'être critiques. À présent,
ils se vengeront d'être critiques et d'avoir eu des vacances pourries."
Jessica
Nelson avance d'autres raisons. "Les maisons d'édition ont un planning
pré-établi. La rentrée littéraire obéit ainsi à plusieurs contraintes
comme la perspective des prix de l'automne et le choix des maisons
d'édition qui se porte sur des livres considérés comme 'littéraire', un
concept déjà difficile à définir. Mais la rentrée c'est aussi un moment
plutôt enthousiasmant avec la participation à des festivals ou des
salons. Certains auteurs reconnus influencent aussi la date de sortie et
choisissent janvier pour se démarquer. On choisit une date différente
selon que ce soit un 1er roman ou un 2e généralement plus compliqué."
Tous nos interlocuteurs s'accordent pour dire que ce n'est pas la crainte de la sortie de Grey, le quatrième tome de la franchise 50 nuances de Grey (28 juin dernier chez Lattès) ou le quatrième tome de Millénium
(27 août prochain chez Actes Sud), la saga de polar signée Stieg
Larsson ici remplacé par David Lagercrantz, auteur de la biographie de
Zlatan Ibrahimovic. Des livres qui ne boxent pas dans la même catégorie.
"Je ne pense pas leur sortie ait eu un impact sur les autres romans. Ce
n'est pas le même public qui est concerné même si je suis fan de Millénium", souligne Jessica Nelson.
Endiguer
le flot montant des romans publiés à chaque rentrée automnale ou faire
bénéficier le public des nouveautés pendant la période des congés où il a
le plus de temps à consacrer à la lecture? Les raisons qui
expliqueraient la publication des romans de plus en plus tôt ne manquent
pas. Ces sorties épouseraient même une certaine logique économique. "En
termes d'achat, les mois de juin et juillet ont toujours été plus forts
que août et septembre", souligne notre source anonyme.
Mais
l'enjeu est ailleurs. "Le rôle de la rentrée littéraire est surtout
d'installer des auteurs aux yeux du public comme des libraires avec la
perspective de rafler un prix littéraire", poursuit-elle. Et Jessica
Nelson de souligner: "c'est un honneur d'être publié en rentrée
littéraire notamment parce que vous portez les couleurs de la maison."
Un nouveau membre du Conseil supérieur des programmes a démissionné pour
dénoncer la prise en main idéologique de Najat Vallaud-Belkacem sur
cette instance.
Ce devait être une bien belle journée pour Najat Vallaud-Belkacem
: celle de sa conférence de presse pour la rentrée, où elle expose,
souriante et sourcilleuse, les grandes lignes de sa stratégie. À son
arrivée, les photographes la mitraillent. Elle s'étonne même à haute
voix, non sans plaisir, que l'assistance soit si nombreuse.
Mais un événement inattendu vient ternir son triomphe. La députée Les
Républicains Annie Genevard, membre du Conseil supérieur des programmes
(CSP), annonce officiellement sa démission. Elle est la quatrième sur
dix-huit membres à claquer la porte. Et à lever le voile, du même coup,
sur cette institution créée par la loi Peillon sur la refondation de
l'école, qui
a suscité de vives polémiques avant l'été à cause de ses choix,
notamment sur l'enseignement de l'histoire ou des langues anciennes.
Fausse indépendance
La démissionnaire dénonce, en premier lieu, la « folie » qui consiste
à modifier tous les programmes de la maternelle à la terminale d'un
même mouvement. Elle s'insurge ensuite contre la fausse indépendance du
CSP, que la loi de 2013 a désigné comme une « instance indépendante
placée auprès du ministre ». Une ambiguïté dont n'a cessé de jouer Najat
Vallaud-Belkacem. « Nous avons appris que le cabinet de la ministre
intervenait dans nos travaux en amont et sans que la plupart des membres
le sachent, explique Annie Genevard au Point. Quand, lors d'un
déjeuner au ministère, je me suis étonnée de cet interventionnisme, le
directeur de cabinet de Najat Vallaud-Belkacem m'a répondu en citant
Edgar Faure sur « l'indépendance dans l'interdépendance ».
Ainsi, quand la suppression du latin et du grec en tant que disciplines à part entière a provoqué le tollé que l'on sait,
la ministre s'est retranchée derrière la prétendue indépendance du CSP,
auquel elle a demandé de faire des propositions. « Mais la lettre de
saisine contenait déjà la réponse aux questions qu'elle posait,
s'insurge la députée. Elle découpait l'enseignement du latin en
tranches, entre français pour l'étymologie, l'histoire pour la
civilisation et un enseignement complémentaire pour la langue. »
Absurde
Mais le plus grave, c'est assurément l'emprise idéologique exercée
par Najat Vallaud-Belkacem et son entourage. En son nom, tout est
possible, même les excès les plus absurdes. Ainsi, le projet des
programmes de français recommandait dans sa première mouture, sur ordre
du cabinet, de respecter la parité entre les auteurs femmes et les
auteurs hommes. On imagine ce que devient dans un tel contexte l'étude
des textes classiques !
Plus ahurissant encore, les programmes de maternelle, qui prennent
effet dès cette rentrée 2015, émettaient, dans une version initiale, une
proposition assez stupéfiante concernant les enfants de migrants
scolarisés. Les familles de ceux-ci devaient être conviées à venir dans
les salles de classe parler leur langue d'origine devant l'ensemble des
élèves, invités à écouter les yeux fermés, afin de mieux s'imprégner de
la musique de ces parlers différents.
Contre cette brillante idée, Annie Genevard avait déjà mis sa
démission dans la balance. Avec succès. Il reste juste à se demander
comment la même ministre peut à la fois cautionner de tels délires et
prétendre incarner la défense de la laïcité.
Des
écoliers effectuent un exercice de lecture avec Isabelle Coulaud (C),
directrice de l'école élémentaire Plan de la Cour, à Vitrolles, le 27
août 2012, lors d'un stage de remise à niveau à destination des élèves
présentant, en fin d’école primaire, des difficultés en français et en
mathématiques. GERARD JULIEN/AFP
De nouveaux programmes de maternelle, la création de l’enseignement
moral et civique, la généralisation de la réforme de l’éducation
prioritaire et le déplacement des vacances de printemps pour servir les
intérêts du secteur du tourisme, sont les principales nouveautés de la
rentrée 2015.
Moins de pression en grande section de maternelle
La
maternelle devient un cycle à part entière et non plus seulement un
tremplin pour l’école élémentaire, avec une grande section qui n’est
plus un « petit CP », pression précoce qui plaçait certains
élèves en échec. Plutôt que d’apprendre aux élèves à compter très loin,
on s’assurera d’abord qu’ils comprennent bien le sens des nombres,
fussent-ils plus petits. Ces nouveaux programmes, qui insistent sur le
langage, la socialisation et le jeu, sont bien accueillis sur le papier,
mais le premier syndicat du primaire craint qu’ils restent lettre morte
faute de formation des enseignants.
Une heure de « morale laïque » en élémentaire
La « morale laïque »promise en 2012 par l’ancien ministre Vincent Peillon
sera enseignée une heure par semaine à l’école élémentaire, et deux
heures par mois dans le secondaire. Cet enseignement, qui doit
promouvoir les valeurs de la République, s’inscrit dans un « parcours citoyen »
décidé après les attentats de janvier à Paris, qui comprend aussi une
éducation aux médias. Les syndicats ont demandé sans succès un report à
la rentrée 2016, jugeant ces programmes inaboutis : ils n’ont été
publiés que fin juin et les manuels ne seront prêts qu’à la rentrée
2016, compliquant l’élaboration des cours.
Refonte des zones d’éducation prioritaire (ZEP)
La
réforme de l’éducation prioritaire, qui scolarise 20 % des écoliers et
des collégiens, est généralisée, avec 1 089 réseaux d’éducation
prioritaire (REP, collèges et écoles de leur secteur), dont 350 réseaux
renforcés (REP+) dans les établissements les plus difficiles. Etre en
REP permet d’avoir des ressources spécifiques : classes réduites,
travail en petits groupes, pédagogies innovantes, indemnités rehaussées
pour les enseignants, scolarisation des tout-petits…
Les CE2 évalués
Une évaluation « diagnostique »
des écoliers en français et en mathématiques est créée en début de CE2.
Il s’agit de doter les professeurs des écoles d’outils pour repérer les
difficultés de leurs élèves pour y apporter une réponse adaptée. Chaque
enseignant pourra construire son évaluation en piochant dans une banque
d’outils.
Mise en place du « parcours avenir »
De
la sixième à la terminale, les élèves seront formés à leur orientation à
travers un « parcours avenir » construit dans chaque établissement.
Parmi les modalités possibles, visites d’entreprise, stages,
participation à des conférences, reportages sur des métiers,
interventions de professionnels dans les classes.
En
savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/campus/article/2015/08/25/rentree-scolaire-2015-ce-qui-va-changer
●Cet entretien a été précédemment publié dans le jouranl le 11/05/2015 PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT TREMOLET DE VILLERS @vtremolet LE
FIGARO.- Au sujet de la réforme du collège, Najat Vallaud-Belkacem a
affirmé dans Le Point: «il y a une différence essentielle entre les
progressistes et les conservateurs. Les premiers combattent les
inégalités quand les seconds en théorisent la nécessité». La réforme
qu'elle promeut est-elle selon vous conservatrice ou progressiste?
Alain
FINKIELKRAUT.- Il n'appartient pas à l'école républicaine de combattre
toutes les inégalités, mais d'assurer, autant que faire se peut,
l'égalité des chances pour donner à chacun sa juste place selon ses
aptitudes et son mérite. Mais il ne s'agit plus de cela: c'est au
scandale ontologique d'un partage inégal de la pensée entre les hommes
que s'attaque, depuis quelques décennies, l'Éducation nationale.
Confondant l'ordre de l'esprit, où prévaut la hiérarchie la plus
stricte, et l'ordre de la charité, où règne l'amour universel, elle
promet la réussite pour tous et rabaisse continuellement le niveau
d'exigence afin de ne pas déroger à son serment. Les sociologues lui
ayant de surcroît révélé que les «héritiers» avaient accès par droit de
naissance à la culture que l'école a pour mission de transmettre au plus
grand nombre, l'institution a pris le taureau par les cornes et décidé
de mettre l'essentiel de cette culture au rebut. L'école est devenue la
nuit du 4 Août permanente de ce que Malraux appelait «l'héritage de la
noblesse du monde».
Voici, une fois cet héritage liquidé, la
liste d'objectifs assignés aux classes de français de 4e et de 3e: «se
chercher, se cons-truire» ; «vivre en société, participer à la société» ;
«regarder le monde, inventer des mondes» ; «agir sur le monde».
La
culture générale est détrônée par une culture commune faite de tout ce
dont le jeune a besoin pour s'orienter dans son environnement. Et
François Dubet, l'un des initiateurs de ce remplacement, prévient: «On
ne peut concevoir que certains élèves aient plus de culture commune que
d'autres.»La réforme proposée par Najat Vallaud-Belkacem, qui accélère
un processus engagé bien avant elle, n'est ni conservatrice hélas -
qu'est-ce qu'enseigner sinon transmettre ce qui mérite d'être conservé?-
ni progressiste, mais destructrice. Sa fureur anti-élitiste déloge, une
fois pour toutes, la République de l'école qui porte encore son nom. Au sujet du latin, notre ministre assure que la réforme va contribuer à «démocratiser cet enseignement»…
«Démocratiser»
est en train de devenir un synonyme d'«anéantir». Intégrer comme
l'écrit Cécilia Suzzoni, «l'enseignement des langues anciennes dans les
enseignements pratiques interdisciplinaires au prétexte de familiariser
les collégiens avec des expressions grecques ou latines est une triste
caricature». Les langues mortes et les humanités en général sont un
fardeau inutile pour notre hypermodernité numérique et niveleuse. On ne
va tout de même pas faire ingurgiter les derniers reliefs d'un
enseignement de classe à nos «digital natives» si merveilleusement égaux
devant leurs téléphones portables et leurs écrans d'ordinateurs. L'interdisciplinarité
a pour objet d'apprendre aux élèves à «mener ensemble des projets». Les
disciplines appartiennent-elles au passé?
Ce ne sont
pas les disciplines qui appartiennent au passé, c'est le passé qui
appartient aux disciplines. C'est à l'histoire, à la littérature, à la
philosophie, aux matières scientifiques qu'il incombe de donner corps à
ce droit fondamental de l'homme souligné par Ortega y Gasset: le droit à
la continuité. L'interdisciplinarité fait tout le contraire. Elle
néglige le besoin vital du passé et va au plus facile: les sujets
d'actualité. Au lieu d'enseigner le goût des belles choses, elle suit,
docilement, le goût du jour. La télévision a donné en exemple deux
professeurs d'histoire et d'espagnol invitant ensemble leur classe à
rédiger un tract sur les vertus du développement durable. Là où il y
avait les œuvres, il y a maintenant les tracts. Mais on aurait tort de
s'inquiéter: c'est pour la bonne cause. Cette réforme est
critiquée pour son aspect «jargonnant». Que révèle, selon vous, cette
novlangue que l'on retrouve dans les rapports administratifs, l'école,
la politique et les médias?
«Plus c'est savant, plus
c'est bête», disait Gombrowicz du formalisme ultrasophistiqué de la
théorie littéraire. Je dirai à mon tour du pédagogisme: «Plus ça fait le
vide, plus ça prend l'air savant.» Le néant s'habille en jargon. Les
éradicateurs de la culture se donnent, par l'apparence de la
scientificité, l'illusion d'être des chercheurs. Faut-il maintenir les classes «bilangues»?
Charles
Renouvier, le philosophe de la République s'élevait contre ces
bourgeois, «peu amis de l'égalité» * qui cherchaient à pousser leur
progéniture dans des positions que celle-ci ne pouvait pas toujours
tenir. C'est pourquoi, disait-il en substance, l'État doit instaurer,
sans complaisance ni relâchement, une forme de sélection. Sans faiblesse
ni relâchement, l'État post-républicain combat la sélection comme un
vestige particulièrement vicieux de l'Ancien Régime. Il supprime donc
les ultimes bastions de l'excellence qu'étaient les classes «bilangues». Les
programmes d'histoire conservent l'étude obligatoire de l'islam quand
celles de la chrétienté médiévale et des Lumières deviendront
facultatives. Que vous inspire ce choix?
Il ne s'agit
pas simplement d'imposer l'étude de l'islam, mais de lutter contre
«l'islamophobie», à travers une présentation embellissante de la
religion et de la civilisation musulmanes. Convaincus, avec Emmanuel
Todd, que Mahomet est «le personnage central d'un groupe faible et
discriminé» et que le vivre-ensemble passe par le redressement de
l'image de ce groupe dans l'esprit des autres Français, nos gouvernants
proposent, en guise de formation, un endoctrinement aussi précoce que
possible des élèves. On ne veut plus les instruire, mais les édifier
afin de les rendre meilleurs. Le reste - l'essor des villes, l'éducation
au Moyen Âge ou la pensée humaniste - est facultatif. L'accent
est mis aussi sur les périodes sombres de l'histoire de France. Comment
aimer et faire aimer un pays toujours coupable?
Les
nouveaux programmes ne se préoccupent absolument pas de faire aimer la
France. Ils appliquent à la lettre le dogme de la critique sociale: le
mal dans le monde résulte de l'oppression ; c'est l'inégalité qui est la
source de toute violence. Le fanatisme islamique, autrement dit, est le
produit de la malfaisance coloniale et de sa continuation
postcoloniale. Si l'on aborde l'histoire du XVIIIe et du XIXe siècle
sous l'angle: «Un monde dominé par l'Europe, empires coloniaux, échanges
commerciaux, traites négrières», le nouveau public scolaire retrouvera
sa «self-esteem», l'ancien perdra son arrogance et tous les problèmes
seront réglés. L'école des savoirs cède ainsi la place à l'école de la
thérapie par le mensonge. Manuel Valls dans le
mensuel L'Œil estime que la culture et la gauche sont consubstantielles.
Il recommande l'installation de cours d'improvisation à l'école «à la
Jamel Debbouze». Faut-il adapter la culture aux goûts et aux désirs de
la jeunesse?
«Ce qui est désirable, disait Hegel, est
inversement proportionnel à la proximité dans laquelle il se tient et
qui le relie à nous. La jeunesse se représente comme une chance de
quitter son chez-soi et d'habiter, avec Robinson, une île lointaine.»
Cette chance, l'école contemporaine la lui refuse. Ceux-là mêmes qui
professent avec ostentation le culte de l'Autre combattent sous le nom
d'ennui ce grand dépaysement qu'est la fréquentation des chefs-d'œuvre
du passé. Pour eux, l'humanisme est mort: on n'a pas besoin, pour
accéder à soi-même, de faire un détour par les signes d'humanité déposés
dans les œuvres de culture ; on se connaît par intuition immédiate.
Plutôt que d'aller voir chez les morts ce qu'il en est de la vie, on
demandera donc aux élèves de mettre la leur en scène. Que
peuvent encore dire à notre temps Racine, Baudelaire ou Mauriac? Quand
la connaissance est accessible en un «clic», l'idée de transmission
n'appartient-elle pas au passé?
Ce que peuvent dire à
notre temps Racine, Baudelaire ou Mauriac c'est qu'il y a autre chose
que lui-même: d'autres mots, d'autres formes, d'autres visages. Ce temps
qui se prétend si ouvert ne veut rien savoir. Allergique à l'altérité,
il ordonne aux enseignants de choisir des «problématiques» proches des
élèves.
«Être jeune, écrivait justement François Mauriac, c'est
être épié, c'est entendre autour de soi craquer les branches.» Les
jeunes d'aujourd'hui sont épiés sans trêve. On guette leur moindre
démangeaison. On va au devant de toutes leurs convoitises. Il y avait un
lieu autrefois où ils pouvaient échapper à ce destin, se quitter et,
pour le dire avec les mots de Hegel, «rechercher la profondeur dans la
figure de l'éloignement». Cette école n'existe plus. Beaucoup
de professeurs s'opposent à cette réforme. Comment expliquez le
décalage entre ceux qui enseignent dans les classes et les théoriciens
de l'éducation que l'on qualifie souvent de «pédagogistes»?
La
désintellectualisation du métier de professeur dont témoigne, entre
autres, l'abandon progressif du cours magistral, blesse au plus intime
d'eux-mêmes ceux qui se conçoivent encore comme les représentants «des
poètes et des artistes, des philosophes et des savants, des hommes qui
ont fait et qui maintiennent l'humanité». Cette formule, empruntée à
Péguy, est emphatique, mais l'heure est grave et réclame qu'on monte sur
ses grands chevaux.
(1) Voir Marie-Claude Blais, «Au principe de la République,le cas Renouvier», Gallimard.
LAURENT BINET. L’audace, l’impertinence, avec talent. PHOTO J. F. PAGA
En légère baisse quantitative et
qualitative, cette rentrée littéraire
n’en réserve pas moins de belles
surprises. Dans les domaines français et étranger.
Les premiers livres viennent
d’arriver en librairie. 589
sont annoncés d’ici la fin
septembre. Un chiffre qui ne
veut rien dire. Si ce n’est qu’il témoigne de la vitalité de l’édition
française, de ses découvertes (68
premiers romans), de son ouverture
au monde (196 romans
étrangers). Seule compte la qualité.
Voyons.
Les hauts, les bas
Dans le domaine français, deux
auteurs devraient s’imposer immédiatement
pour des raisons
diamétralement opposées. Delphine
de Vigan rassemblera,
quand Laurent Binet divisera. La
première donne un roman très
personnel et dérangeant avec
Tiré d’une histoire vraie ( Jean-Claude
Lattès) ; le second ose
égratigner quelques grands intellectuels
– Sollers, Foucault, Barthes,
etc.–dans La Septième
Fonction du langage (Grasset),
superbe et très impertinent roman.
Ensuite, et comme cette rentrée
n’est pas un grand cru, elle
pourrait faire place belle aux stylistes,
en tête desquels Jean
Hatzfeld (Un papa de sang/Gallimard),
Mathieu Riboulet (Entre
les deux il n’y a rien/Verdier) ou
Tristan Garcia (7/Gallimard).
Autres valeurs sûres, Christine
Angot signe, avec Un amour impossible
(Flammarion), le livre
qui devrait lui permettre de toucher
enfin un vaste lectorat, Nicolas
Fargues revient avec un roman
d’érotique fantaisie, Au
pays du p’tit (POL), et Christian
Oster poursuit son interrogation
sur le couple dans Le Cœur du
problème (L’Olivier).
Des découvertes ? La Cache où
Christophe Boltanski relate l’histoire
de sa famille. Un texte bluffant
par ses thèmes, son écriture.
Toujours au rayon des découvertes
: La Maladroite d’Alexandre
Seurat (Le Rouergue), Mary
d’Emily Barnett (Rivages) et
Changer d’air de Marion Guillot
(Minuit).
Comme souvent, certains
ouvrages échappent à tout classement.
La prime du plus érudit
revient à l’énorme et passionnant
pavé de Mathias Enard,
Boussole (Actes Sud), une histoire
de l’orientalisme ; celle du
plus chic, du plus snob à Eva de
Simon Liberati (Stock) ; celle du
plus énigmatique à La Fête des
mères (Carnets Nord), car qui se
cache derrière le nom de Jacques
Bauchot ?
Pour les amateurs de bons romans
classiques : La Petite Femelle
de Philippe Jaenada (Julliard),
Discours d’un arbre sur la
fragilité des hommes d’Olivier
Bleys (Albin Michel) et Les Loups
à leur porte, premier roman de
Jeremy Fel (Rivages).
Des déceptions ? Oui. Citons
quelques-uns de ces ouvrages
qui tombent des mains, mais bénéficieront cependant d’une
bonne presse, affaire de réseau :
Histoire de l’amour et de la haine
de Charles Dantzig (Grasset), Un
homme dangereux d’Émilie Frèche (Stock), Juste avant l’oubli
d’Alice Zeniter (Flammarion) ou
encore La terre qui penche de
Carole Martinez (Gallimard).
On se consolera avec ces deux
excellents documents : Mille et
un morceaux, les mémoires du
(pourtant) très égocentré Jean-Michel
Ribes (L’Iconoclaste) et
Un séjour en France de la journaliste
Bérangère Lepetit, fruit d’un
mois en immersion dans les usines
d’abattage de Bretagne. Actualité
oblige.
Encore ? Le nouveau Joël Dicker,
Le Livre des Baltimore, est
annoncé pour fin septembre !
Le 9 juin, un même soupir de soulagement a parcouru les maisons
d’édition françaises. Il a été poussé lorsque Isabelle Laffont,
présidente de JC Lattès, a annoncé que Grey, quatrième tome de
la série « Cinquante nuances », d’E. L. James, ne serait finalement pas
publié le 10 septembre, comme indiqué initialement, mais le
28 juillet, pour « ne pas se mêler aux titres de la rentrée littéraire » –
et éviter de venir torpiller leurs ventes. L’inquiétude montait
d’autant plus dans le milieu éditorial que, depuis le mois de janvier,
un autre mastodonte annoncé était programmé, pour cause de sortie
mondiale, en pleine rentrée littéraire : Millénium 4, signé David Lagercrantz, qui paraîtra le 28 août chez Actes Sud.
En 2014, la rentrée littéraire avait été phagocytée par la sortie surprise, le 5 septembre, de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiler (Les Arènes). Laissant peu de place aux ouvrages de littérature, à l’exception du Royaume,
d’Emmanuel Carrère (POL), qui avait dominé les listes de meilleures
ventes, devant les ouvrages sacrés en novembre par les prix, de Pas pleurer, de Lydie Salvayre (Seuil), à Terminus radieux,
d’Antoine Volodine (Seuil). Or, les titres de la rentrée littéraire
génèrent en moyenne 18 % de la valeur annuelle des ventes de fiction et
grand format, selon l’Institut GFK.
La publication avancée de Grey
n’est pas le seul bon augure en cette rentrée. Les chiffres décrivent
une légère embellie depuis le mois de décembre 2014, où le marché de la
vente de livres a marqué une progression de 1 % d’après l’hebdomadaire
spécialisé Livres Hebdo ; selon GFK, au premier trimestre, la
hausse a été de 7,2 %, et s’est poursuivie les mois suivants – une série
de chiffres comme le secteur n’en avait pas connu depuis 2009.
Place aux autres talents
Dans
ce contexte, c’est une rentrée littéraire « prudente » qu’ont préparée
les maisons d’édition françaises. Entre la mi-août et le mois d’octobre,
ce sont quelque 589 romans français et étrangers qui vont être publiés,
contre 607 en 2014 (selon les décomptes de Livres Hebdo).
Autre caractéristique de la saison : les « stars » sont en nombre
suffisamment réduit pour laisser de la place aux autres talents.
Du côté des têtes d’affiche, cette rentrée compte, comme les vingt-deux précédentes, un roman d’Amélie Nothomb, Le Crime du comte de Neuville, chez Albin Michel, qui publie également un autre pilier de son catalogue : Eric-Emmanuel Schmitt (La Nuit de feu). Les autres maisons publient aussi des auteurs « identitaires » : ainsi de Christine Angot chez Flammarion (Un amour impossible), d’Alain Mabanckou et Philippe Delerm, au Seuil (pour, respectivement, Petit Piment et Les Eaux troubles du mojito), de Jean-Philippe Toussaint chez Minuit (La Mélancolie de Zidane), de Delphine de Vigan chez JC Lattès (D’après une histoire vraie), de Mathias Enard (Boussole) pour Actes Sud, de Frédéric Beigbeder chez Grasset (Conversations d’un enfant du siècle) ou encore de Nicolas Fargues chez POL (Au pays du p’tit) – maison à laquelle Atiq Rahimi, Prix Goncourt 2008, fait une infidélité en publiant La Ballade du Calame
à L’Iconoclaste. En littérature étrangère, le casting (composé de 196
titres, huit de moins qu’en 2014) compte de grands noms, de la Prix
Nobel américaine Toni Morrison (Délivrances, Christian Bourgois) à l’Israélien David Grossman (Un cheval entre dans un bar, Seuil), en passant par Martin Amis (La Zone d’intérêt, Calmann-Lévy), Jim Harrison (Péchés capitaux, Flammarion), Nick Hornby (Funny Girl, Stock)… La palme du livre le plus longtemps attendu revient sans conteste à L’Infinie Comédie, de David Foster Wallace (L’Olivier), paru aux Etats-Unis en 1996.
Cette
rentrée littéraire est de celles que l’on dit « ouvertes » parce que
les auteurs les plus célèbres n’éclipsent pas les autres, quadras ou
jeunes quinquagénaires en passe de devenir des valeurs sûres de la
littérature française. Ainsi de Simon Liberati, qui publie Eva (Stock) ; d’Agnès Desarthe et de Ce cœur changeant (L’Olivier) ; de Carole Martinez, qui propose La terre qui penche (Gallimard), ou de Charles Dantzig qui retrace une Histoire de l’amour et de la haine
(Grasset)… La génération suivante aligne aussi de beaux talents. Comme
Alice Zeniter, 29 ans, Prix du livre Inter 2013, qui revient avec Juste avant l’oubli (Flammarion), ou Tristan Garcia, 34 ans, qui publie 7 (Gallimard), sept ans après son premier roman très remarqué, La Meilleure Part des hommes. Notons qu’après avoir été en finale face à Emmanuel Carrère pour le Prix littéraire du Monde (lire ci-contre), avec La Condition pavillonnaire, Sophie Divry, 36 ans, fait de nouveau partie des auteurs en lice avec Quand le diable sortit de la salle de bain (Notabilia)…
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http://www.lemonde.fr/livres/article/2015/08/12/rentree-litteraire-un-automne-ouvert_4722495_3260.html#8poaFo2ZQbcYf3kZ.99