Votée en 1990 par l’Académie française, la réforme orthographique devrait être plus visible dans les manuels à la rentrée prochaine. L'accent circonflexe est-il vraiment menacé ? Décryptage.
Actualisé à 13h45 avec précisions du ministère de l'Education nationale.
Elle a été approuvée en 1990 par l’Académie française mais
n’avait été que modérément appliquée. La réforme de l’orthographe fera
son apparition massive dans les manuels scolaires à partir de la rentrée
prochaine. On retrouve ces recommandations dans le Bulletin officiel de l’Education nationale daté du 26 novembre 2015: «L’enseignement
de l’orthographe a pour référence les rectifications orthographiques
publiées par le Journal officiel de la République française le
6 décembre 1990», indique le document, répéré par plusieurs médias mercredi. Les recommandations de l’Académie française (détaillées dans ce document de 1990)
concernent plus de 2 000 mots, qui posséderont désormais deux
orthographes. Les deux graphies seront acceptées, l’orthographe actuelle
restant d’usage. Décryptage en cinq questions.
Quels mots pourront voir leur orthographe modifiée ?
Le premier concerné par cette réforme : l’accent
circonflexe, souvent vestige d’un «s» qui a disparu avec l’évolution de
notre langue. Le «chapeau» qui donne des migraines aux CP ne sera plus
obligatoire sur les lettres i et u, sauf quand il marque une terminaison
verbale («il fût»), sur les noms propres, ou quand il apporte une
distinction de sens. «Mûr» conservera par exemple son accent pour ne pas
le confondre avec «mur». Le verbe «s’entraîner» écrit avec un simple
«i» sans accent ne sera en revanche plus considéré comme une faute.
Dans le viseur de l’Académie également, les traits d’union
et les «ph». «Chauvesouris», «millepatte», «portefeuille», ou «weekend»
pourront s’écrire en un seul mot. Les sages ont aussi voulu simplifier
des tournures orthographiques peu intuitives («ognon» au lieu
d'«oignon», «nénufar» plutôt que «nénuphar») et corriger certaines
anomalies ou rendre cohérents des mots d’une même famille (comme
«souffler» et «boursoufler», ce dernier pouvant prendre deux «f»).
Autre changement : le pluriel des mots composés. Le
cure-dent gardera son trait d’union, mais perdra par exemple son «s»
final, tout comme le mot «après-midi». Enfin, le participe passé pourra
devenir invariable dans le cas où le verbe «laisser» est suivi d’un
infinitif (elle s’est laissé mourir, ils se sont laissé faire).
Au total, 2 400 mots ont subi un lifting, soit environ 4% du lexique de la langue française.
Qui est concerné par cette réforme ?
Rassurez-vous, vous ne devrez a priori pas tomber sur des
rééditions de Proust revues et corrigées. Les modifications de la
réforme ne s’appliqueront qu’aux ouvrages de l’Education nationale. Ce
sont donc les éditeurs et auteurs des manuels scolaires qui vont devoir
adopter ces changements orthographiques. Les nouveaux manuels
d’orthographe et de grammaire distribués à la rentrée prochaine
porteront un macaron «nouvelle orthographe», pour ne pas trop surprendre
les professeurs et les parents.
Pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps avant de l’appliquer ?
Si la réforme fera officiellement son apparition dans les
manuels scolaires à partir de la rentrée 2016, elle est en fait censée
être en vigueur depuis 1990. Les recommandations de l’Académie française
sont valables depuis cette date et sont d'ailleurs déjà partiellement
en vigueur. Les recommandations n’ont rien d’obligatoires, et les deux
orthographes seront acceptées. L'Education nationale souligne qu'elle
n'a rien à voir avec cette généralisation à la rentrée prochaine, cette
mise en application ayant été décidée par les éditeurs. Le ministère
précise que 500 manuels ont déjà pris en compte la réforme.
Quels sont les arguments de l’Académie française ?
Les modifications sont censées suivre l’évolution de la
langue française, et faciliter son apprentissage par les élèves. Il est
important de «continuer à apporter à l’orthographe des
rectifications cohérentes et mesurées qui rendent son usage plus sûr,
comme il a toujours été fait depuis le XVIIe siècle et comme il est fait dans la plupart des pays voisins»,
expliquait l’Académie française dans son texte de 1990. Pour le cas de
l’accent circonflexe, qui, on l’a compris, fait l’objet d’une attention
toute particulière, l’Académie considère qu’il «représente une importante difficulté de l’orthographe du français» dont «l’emploi incohérent et arbitraire» pose des problèmes y compris aux «personnes instruites».
Et de citer quelques exemples qui justifient que l’utilisation de cet
accent soit revue : l’usage incohérent au sein d’une même famille de
mots (icône, iconoclaste ; jeûner, déjeuner ; grâce, gracieux) ou pour
des questions de prononciation (bateau, château ; clone, aumône).
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