Par
Pascale Senk - le FIGARO 03/07/2015
La psychologie s'intéresse désormais aux
différentes manières dont les (bons) ouvrages affectent les lecteurs.
Lire augmente la capacité d'empathie
Mais la lecture captivante d'une fiction ne fait pas seulement du bien sur le court terme. Lorsqu'elle devient une pratique régulière, elle a le pouvoir de modifier la personnalité des lecteurs. Un chercheur de l'université de Rotterdam a ainsi montré que des personnes invitées à lire des romans pendant une semaine, et si elles ont été touchées émotionnellement par ces récits, voient leur capacité d'empathie grandir sensiblement.Une découverte importante à notre époque où toutes sortes de messages écrits nous submergent: annonces publicitaires, informations, opinions… Il a été montré que lorsqu'un texte est conçu dans le but d'influencer le lecteur - comme les messages de prévention du tabac notamment - «l'effet» escompté est beaucoup moins durable et prégnant que ceux offerts par la fiction ou le témoignage écrit.
Pourquoi? Parce que les vrais récits sont des «refuges» où l'on peut mettre de côté ses défenses, et sa tendance à critiquer: le lecteur peut y traverser toutes sortes d'émotions, en toute liberté, il peut même sympathiser avec les personnages car il est sans obligation vis-à-vis d'eux dans la «vraie vie», mais ceux-ci s'imprimeront en lui de manière durable, pouvant même l'inspirer lorsqu'il aura des problèmes à régler dans son existence!
Une expérience qui engage tout le corps
Lire des romans ou des journaux intimes et même des biographies installe en ce sens un paradoxe assez remarquable: alors que la lecture de fiction est l'activité solitaire par excellence, elle permet en réalité d'intensifier vie sociale et relationnelle. Comment? En nous permettant de nous identifier à d'autres êtres humains (qu'il s'agisse de personnages fictifs ou de témoins) et surtout d'avoir accès aux mouvements subtils de leur vie intérieure… Nous en apprenons donc ainsi davantage sur nos semblables qu'en leur parlant.Ces quelques découvertes de la science n'étonneront pas Régine Detambel, écrivain et kinésithérapeute, qui propose une formation en «bibliothérapie créative» à des littéraires ou soignants qui souhaitent pratiquer cette approche dans leur métier. Une approche qu'elle évoque dans son dernier essai, sensible et passionnant: Les livres prennent soin de nous (Éd. Actes Sud). Pour Régine Detambel, la lecture est notamment une expérience qui engage tout le corps: «On veut nous faire croire que c'est une activité intellectuelle, mais en réalité ce qu'on lit et qui nous captive résonne physiquement, altère notre souffle, s'imprime dans notre inconscient, on y repense plus tard… C'est comme lorsque, dans l'enfance, on nous racontait des histoires. Comment croire que cela ne touchait que notre mental?»
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