Le coup était attendu mais il n’en est pas moins rude pour la filière française du livre. Dans un arrêt rendu jeudi, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la France et le Luxembourg contreviennent bien à la réglementation européenne en appliquant un taux réduit de TVA sur le livre numérique. Ce taux est de 5,5% pour la France et de 3% pour le Luxembourg, siège social européen d’Amazon, ce que contestait la Commission de Bruxelles qui avait saisi l’instance judiciaire européenne afin qu’elle tranche ce différend. Cette dernière s’est donc rangée à l’avis de la Commission qui considère que le livre numérique est un service et non un bien culturel. A ce titre, il doit donc être assujetti au taux normal de TVA de 20% et ne peut bénéficier d’un régime dérogatoire. Une interprétation contraire à celle de la France pour qui le livre, quel que soit son support, doit être considéré comme un bien de première nécessité, ce qui justifie un alignement des taux physique et numérique.


Avant l’annonce de cette décision, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, avait indiqué sur France Inter qu’en cas de condamnation «nous serons contraints de mettre en œuvre cette décision». La France ne compte pas en rester là et va réclamer une révision de la directive TVA qui fixe les exceptions pour les taux réduits. Un combat difficile puisqu’en matière fiscale, un changement des règles requiert l’unanimité des Vingt-Huit. Et dans le cas du livre numérique, la Grande-Bretagne et le Danemark bloquent pour l’heure toute évolution.
Les éditeurs et libraires français ont réagi en rappelant leur «ferme conviction que la valeur d’un livre ne dépend pas de son support ou de la manière dont les lecteurs y accèdent». Ils déplorent une décision qui va à l’encontre de l’objectif recherché, soit le développement de la lecture numérique. Anticipant l’arrêt de la CJUE, le Syndicat national de l’édition a lancé en début de semaine une campagne en ligne baptisée ironiquement «#thatisnotabook» afin de sensibiliser les lecteurs à la «discrimination» qui pénalise l’essor du livre numérique.
Si ses ventes progressent d’une année sur l’autre dans l’Hexagone (+45% en valeur en 2014 et +60% pour l’équipement en liseuses selon l’institut GFK), le poids du numérique reste confidentiel rapporté au chiffre d’affaires du secteur (1,6% des ventes). D’où la crainte que cette décision empêche tout essor de ce nouveau mode de lecture, selon GFK, qui ne table plus que sur une progression de 40% du marché en 2015. #leuropematuer ?