mardi 23 juin 2015

Bac 2015 : Laurent Gaudé défend son « Tigre bleu », sujet de l’épreuve de français

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Le Monde |

Jamais un tigre, hormis celui de Seine-et-Marne, n’aura autant fait parler de lui sur la twittosphère. L’épreuve du bac de français 2015 n’était pas encore terminée, vendredi 19 juin, que déjà le hashtag #tigrebleu s’abattait sur la toile, déversé par une armée de lycéens en colère. L’origine de cette polémique ? Un extrait de la pièce Le Tigre Bleu de l’Euphrate de l’auteur contemporain Laurent Gaudé (Actes Sud, 2002), soumis aux candidats en classe de première S et ES.
De nombreux élèves disent avoir eu toutes les peines du monde à faire l’exégèse de la phrase : « Je suis celui qui n’a pas osé suivre jusqu’au bout le tigre bleu de l’Euphrate ». Ne sachant si Laurent Gaudé désignait un animal à rayures bleutées ou un fleuve du Moyen-Orient, les infortunés candidats, une fois sortis de l’épreuve et armés de leur smartphone, se sont lancés dans une véritable chasse à l’homme virtuelle, faisant preuve d’une inventivité rhétorique et orthographique que n’auraient sans doute pas apprécié les correcteurs.
Les « Mais naaan jurez le tigre bleu c'est un fleuve ?!!! » ont ainsi bourgeonné sur la toile. Dans un style moins fleuri, de nombreux parents ont accompagné à leur manière cette fureur sur Facebook et Twitter, se plaignant que l’éducation nationale fasse plancher leurs enfants sur un auteur contemporain dont ils n’avaient eux-mêmes jamais entendu parler.

« Saluer la voix vivante des écrivains »

Laurent Gaudé a réagi lundi 22 juin dans un court texte. Le prix Goncourt 2004 affirme « comprendre » l’angoisse des lycéens et lève le mystère sur le « tigre bleu » :
« Dans ce texte, Alexandre Le Grand parle à la mort et raconte une dernière fois sa vie. Il évoque notamment la rencontre qu'il a faite avec un animal imaginaire et mythologique : le tigre bleu. Dans ces terres de Mésopotamie où coulent deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate, le félin et le fleuve ont le même nom, oui. La poésie invite, à travers des jeux d'échos, des métaphores, des associations d'idées, à développer l'imaginaire et l'émotion ».
Libre à l’élève donc d’interpréter à sa façon le texte poétique. S’il fait part de sa « surprise » d’avoir vu son œuvre sélectionnée pour le bac aux côtés de celles de Racine et Ionesco, l’auteur se félicite de l’introduction de textes contemporains au programme de l’examen : « Une manière pour le pays (…) de saluer la voix vivante de ses écrivains ».

« Faux problème »

En effet, la contestation des lycéens a soulevé un débat d’une ampleur plus large : les auteurs contemporains ont-ils ou non leur place au bac ? Un « faux problème » pour Dominique Viart, professeur à l’Université Paris-Ouest Nanterre. « Opposer la littérature contemporaine à la littérature patrimoniale revient à oublier que n’importe quelle littérature a été contemporaine », dit-il. Il ajoute même que les oeuvres contemporaines sont « beaucoup plus stimulantes pour les candidats » en ce qu’elles leur permettent de « convoquer la culture littéraire précédemment acquise dans le bain vivant de la création ».
Un avis partagé par Joy Sorman, dont le roman La peau de l’ours (Gallimard, 2014) a été proposé en série technologique, ajoutant ainsi sa contribution au bestiaire de ce bac version 2015. « La peau de l'ours est, de tous ceux que j'ai écrits, celui qui a la facture la plus classique : il fait signe vers le conte, la fable, et, en ce sens, c'est celui qui était le plus apte à intégrer le corpus du bac. » Pour l’écrivain, la confrontation de la littérature avec les nouvelles générations est un engagement. Lorsqu’ils rencontrent Joy Sorman, qui se déplace volontiers dans les classes, les élèves « découvrent qu'on peut être écrivain et encore en vie, voire écrivain et jeune, écrivain et femme, écrivain et porter un jean, écouter du rock ».
Agathe Charnet

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