lundi 16 mai 2016

Jules Verne n'est pas fait pour les enfants !

Quatre romans de l'auteur français sont publiés dans la Pléiade. L'occasion de se rendre enfin compte qu'il n'est pas celui que vous croyez.

  Publié le | Le Point.fr
Quatre romans de Jules Verne sortent dans la pretigieuse collection La Pléiade. 
Quatre romans de Jules Verne sortent dans la pretigieuse collection La Pléiade.  © Domaine public
Jules Verne souffre d'un grave handicap : il est considéré comme un auteur pour enfants. On le découvre quand on a 13 ans, on l'adore quand on en a 16, mais à 20 on range les ouvrages de la collection Hetzel dans sa bibliothèque... quand on ne monte pas les volumes au grenier pour les offrir bien des années plus tard à ses enfants, voire à ses petits-enfants ! Et, entre-temps, rien ou pas grand-chose ! Certes, Cinq Semaines en ballon, Michel Strogoff, Le Tour du monde en quatre-vingts jours ou vingt mille lieues sous les mers ont éveillé les consciences des jeunes lecteurs au roman d'aventures, au progrès scientifique et au monde qui les entoure, mais ils ne perçoivent pas encore le talent - parfois le génie - de leur auteur.
Gallimard publie ces jours-ci dans sa magnifique collection La Pléiade (*) quatre romans de l'auteur français : trois textes de quasi-science-fiction Voyage au centre de la terre, De la terre à la lune, Autour de la lune et un récit très méconnu Le Testament d'un excentrique. Une occasion unique pour rendre au Nantais la place qu'il mérite : entre Maupassant, Balzac, Dumas, Stendhal et Zola, les géants du XIXe siècle non loin des génies Flaubert et Hugo. L'inventivité de Verne, son incroyable capacité à imaginer des mondes et des univers, son talent de grand architecte et, contrairement à l'étiquette qu'on lui a trop paresseusement collée, ses grandes qualités d'écriture méritent qu'on lui accorde enfin le rang dont il est digne.

Il y a du Tocqueville chez ce Jules Verne !

Lisez donc Le Testament d'un excentrique. D'abord publié en feuilleton en 1899 avant d'être rassemblé en un seul livre l'année suivante, ce roman est d'une délicieuse originalité. William J. Hypperbone, milliardaire fantasque, laisse un testament qui stipule que sept candidats participeront à un immense jeu de l'oie à travers tous les États-Unis. Des personnages hauts en couleur vont sillonner le pays, découvrir des chausses-trappes et décrocher quelques récompenses avec, au bout de leur périple, l'assurance pour l'un d'eux de toucher le magot.

Il y a du Tocqueville, tant Jules Verne fait une description précise et renseignée de l'Amérique d'alors, en pleine effervescence, bousculée par des self-made-men qui font déjà sa puissance et son rayonnement, et truffée d'usines. Mieux encore, le concours pour obtenir la fortune d'un excentrique homme d'affaires rappelle le fameux Charlie et la chocolaterie que l'auteur norvégo-gallois Roald Dahl écrira près de 80 ans plus tard, en 1972 exactement. Bref, une fois encore, « le père Jules » fut en avance sur son temps et sur les mouvements littéraires de son siècle...

(*) Voyages extraordinaires de Jules Verne, édition publiée sous la direction de Jean-Luc Steinmetz, Bibliothèque de La Pléiade. 1 376 pages, prix de lancement jusqu'au 31 décembre 2016, 50 euros.

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