mercredi 8 juin 2016

« Les jeunes écrivent mal et peu » : un préjugé démonté

C’est un lieu commun bien partagé en France : les jeunes maîtrisent de moins en moins bien la langue et, à cause des écrans, écrivent moins et n’importe comment.
Dans le cadre de notre partenariat avec la Bibliothèque publique d’information « Lire le monde », nous avons consacré le 4 avril dernier dans le centre Pompidou, à Paris, une soirée à cette question : « La vie écrite des jeunes. »

Un français écrit figé depuis deux siècles

Ce sont d’abord deux enseignants belges, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, qui sont venus présenter un spectacle mordant, « La convivialité », dans lequel ils s’amusent de la passion française pour la rectitude de sa langue écrite. Or, comme ils le démontrent avec une grande justesse, notre langue écrite obéit à des règles compliquées, bien souvent absurdes, en tout cas difficiles à justifier.
 Crayon et cahier
Crayon et cahier - Pixabay/CC0
Ce qu’a confirmé le linguiste et spécialiste de l’orthographe Fabrice Jejcic, qui a démonté point à point l’idée que les jeunes maîtrisaient de moins en moins bien les règles de la langue écrite. Ce qu’il dénonce, c’est un écart grandissant entre la langue que nous parlons et celle que nous écrivons. Notre français écrit, créé dès l’origine pour être élitiste, est figé depuis deux bons siècles. Et c’est à cette aune excluante que nous jugeons une maîtrise de la langue qui, pourtant, n’a pas grand chose à voir avec celle de l’orthographe et de la grammaire.
Et toutes les pratiques scripturales apparues avec les technologies (SMS, tchat, micro-blogging), si elles montrent des torsions de la langue écrite traditionnelle, sont autant de preuves qu’il peut exister d’autres manières d’écrire une langue française qui est très vivante.

Les jeunes écrivent beaucoup

C’est ce que montre la chercheuse en sciences de l’information et de la communication Elisabeth Schneider, dans sa magnifique thèse [PDF] sur les pratiques scripturales chez les adolescents. Les jeunes écrivent beaucoup, même en dehors de l’école. Ils écrivent en passant du stylo à l’écran, d’une langue soutenue à des idiomes propres.
Et chacune de ces pratiques, si elle ne démontre pas toujours un souci de l’exactitude grammaticale ou orthographique, manifeste une maîtrise des contextes, du public visé et des intentions communicationnelles.
Mais tout ça passe au second plan d’un discours général – relayé par la doctrine scolaire – qui continue à considérer grammaire et orthographe comme les deux piliers du français écrit.
Nous vous invitons à écouter cette discussion pour en être convaincu.

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